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La France a retrouvé Franck Ribéry
S’il y en a un qui ne regrettera pas son comportement en « Polognukraine », c’est bien lui. Celui qui était la cible de tous les bazookas made in France il y a encore un mois. Celui qui était passé du statut de héros national à celui d’ennemi public numéro un. Celui dont le peuple français n’attendait plus que des rires et des conneries. Malgré cette pression, Franck Ribéry a été le meilleur joueur français à l’Euro. Et même plus, le seul qui se serait positionné en leader au sein du groupe. Ce n’est pas seulement une simple bonne nouvelle, c’est un espoir pour toute cette nouvelle génération de « coupables ». Oui, la rédemption est possible.
Ch’ti Franck 2.0
Ribéry était dos au mur et il a fait taire toutes les bouches qui, grandes ouvertes, fières et sûres d’elles-mêmes, prédisaient la catastrophe qu’allait être son Euro. Sur le terrain, Ribéry s’est imposé comme le Français le plus dangereux, le plus talentueux et le plus à l’aise. En tout, 215 passes tentées et un taux hallucinant de 94% de passes réussies. Pour situer la performance, pour un joueur si percutant, Silva en a tentées autant, avec un taux de seulement 74%. Ribéry a joué juste. Quand Benzema, certainement le joueur le plus talentueux de ce groupe, n’a pas réussi à passer le cap et a fini par se faire manger par l’enjeu énorme qui pesait sur ses 24 ans, Ribéry a laissé apercevoir à nouveau le Ch’ti Franck insouciant qui préférait laisser parler son talent plutôt que ses conférences de presse. Avec 13 fautes subies en 4 matchs, Ribéry est le troisième joueur de l’Euro à avoir provoqué le plus : celui qui jouait libéré, prenait des risques et allait au charbon, c’était le numéro 7.
Le changement le plus important, c’est ce nouveau profil bas. En gros, on a retrouvé un joueur bagarreur qui la ferme. Sur le terrain, il était le premier attaquant à faire l’effort pour aider sa défense. Combatif, généreux et, attention les yeux, humble ! Le staff est unanime : le Bavarois a été irréprochable, exemplaire. Ribéry n’a pas cherché à prouver sa valeur à un pays lassé de voir ses performances en club ne pas se répéter avec le maillot national. Il a oublié cette pression qui en avait fait trop tôt le nouveau héros des Bleus et est redevenu un joueur parmi d’autres, comme en 2006. Et quel joueur ! Plus qu’un vulgaire ailier jouant avec des œillets, Ribéry a été le poumon des attaques bleues sur le côté gauche, accélérant quand il le fallait et temporisant quand le match l’exigeait.
Ribéry, un leader ?
Avant le début des matchs amicaux préparatifs, on avait parlé de « leader technique » des Bleus, l’homme par qui les ballons importants passeraient, l’homme appelé à faire la différence. Malgré l’élimination face à l’Espagne, Ribéry a bien semblé être le seul joueur français capable de faire exploser le verrou espagnol. Et ses deux débordements à l’heure de jeu auraient pu connaître un meilleur sort. Homme du match de la seule victoire tricolore à l’Euro, face à l’Ukraine, Ribéry a surpris tout le monde par son jeu. Mais pas seulement. À son arrivée en équipe de France, Yohan Gourcuff avait affirmé que Ribéry était toujours le premier à accueillir les nouveaux, à chambrer avec eux, à rigoler avec tout le monde. En ce mois de juin, on a vu un Franck moins drôle, un Franck moins détendu, un Franck concentré, presque blasé. Il y a deux ans, on parlait de caïd, de racaille, de cancer. Par cette attitude de recherche de rédemption, il a fait l’unanimité au sein du groupe et s’est transformé en leader. Bon, il ne faut pas non plus s’enflammer, cela reste un leader qui a échoué. Mais le chemin parcouru demeure énorme.
Justement, même dans l’échec, Franck n’a pas commis de boulette. En cas de défaite amère, on a déjà vu des grands joueurs hausser le ton devant leurs coéquipiers au rendement inférieur. Conscient qu’il n’avait pas le droit à l’erreur, Ribéry n’a rien dit (pour le moment ; croisons les doigts) et s’est comporté en vrai homme de groupe. Maintenant, peut-être que les problèmes réapparaîtront à la première contre-performance ? L’avenir le dira, mais toujours est-il que si l’on pouvait douter de sa présence au Brésil en 2014 avant l’Euro, le Boulonnais semble bien avoir convaincu tout le monde. Ribéry aura alors 31 ans et sera sans aucun doute le taulier de l’équipe de France. Dans un groupe très jeune qui manque cruellement de joueurs « en ayant vu d’autres » , aucun sélectionneur français ne pourra se passer des services du Munichois.
Un espoir pour les « nouveaux coupables » ?
Si Franck l’a fait, ils peuvent tous le faire. En 2010, entre Zahia, son intervention sur Téléfoot et la lecture de sa lettre d’excuses, Ribéry était sous terre. Détesté, moqué, méprisé, traîné dans la boue, on parlait déjà de « fin » . Absents en 2010, mais dénoncés comme les nouveaux « sales gosses » de l’équipe, Nasri, Ménez et Ben Arfa sont encore bien loin d’avoir atteint le niveau de polémiques de l’ancien Messin. Certes, aucun des trois n’a le passé glorieux de Ribéry en Bleu. Mais ils subissent la même vague de dénonciation par la même France bien-pensante pour des problèmes tout aussi éloignés du football.
La principale différence est que Ribéry avait 27 ans en 2010 et était ainsi définitivement considéré comme fini aux yeux de tous. Les trois nouveaux « caïds » ont la chance d’avoir commis ces erreurs alors qu’ils sont encore très jeunes. Si l’on parle souvent de « garçons immatures au mental de gamins de 15 ans » , il ne faut pas oublier que tout gamin de 15 ans finit bien par grandir un jour. Les enterrer définitivement serait une erreur qui pourrait nous amener à sanctionner la moitié de l’équipe de France tous les deux ans pour une défaite contre l’équipe championne du monde. Pour eux, le chemin sera long, très long, très, très long. Mais après un Euro exemplaire, Ribéry leur a montré que la route n’est pas non plus interminable. Et que des jours meilleurs sont possibles, en baissant les yeux, en travaillant dur et en se concentrant sur leurs performances avant tout. Si l’on a retrouvé Ribéry, on devrait pouvoir retrouver les autres.
Par Markus Kaufmann
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