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La billetterie nominative, un problème de plus ?

Par Baptiste Brenot
La billetterie nominative, solution ou nouveau problème ?

Parmi les mesures sécuritaires envisagées par la proposition de loi relative à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques qui doit être votée la semaine prochain à l'Assemblée nationale figure l'obligation de recourir à la billetterie nominative lors des représentations sportives. Une mesure qui risque de poser problème.

Une innovation parlementaire pourrait prochainement agiter le milieu du supporterisme français. Outre l’introduction de caméras de vidéosurveillance algorithmiques prévue par le projet de loi relatif à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, le « volet répressif »  du texte prévoit l’obligation pour les clubs de fournir « des titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables ». Ces billets nouvelle génération étaient la « recommandation n°1 » à la suite des débordements du 28 mai dernier lors de la finale de Ligue des champions au Stade de France. 

Un prétexte plus au goût du jour

Le prétexte du fiasco de mai a désormais du mal à passer. Gérald Darmanin parlait d’une “fraude massive, industrielle et organisée” concernant environ “35 000 personnes”. Un mensonge rapidement balayé par le Sénat, estimant leur nombre réel à 2471. D’autant que la possibilité de mettre en place un système de billetterie entièrement numérique pour ce genre d’événement existe déjà, et avait simplement été refusée par l’UEFA d’après ce même rapport sénatorial. « L’ensemble des travaux journalistiques mais également du rapport indépendant commandé par l’UEFA n’ont pas permis de prouver l’existence de ces faux billets qui n’ont eu aucune incidence sur le déroulement du match, explique Ronan Évain, président de Football Supporter Europe. C’est un faux prétexte pour introduire une mesure liberticide et disproportionnée. Rien ne justifie d’un point de vue sécuritaire de faire figurer sur un billet le nom, prénom, date de naissance et numéro d’identité des personnes présentes au stade. » Celui qui est l’un des coauteurs du rapport estime en outre que « si besoin, les stadiers peuvent déjà procéder à une expulsion du stade, les forces de police à un contrôle d’identité, il n’y a donc aucun besoin de connaître celle de l’ensemble des personnes présentes au stade ».

Une mesure difficilement applicable

À quelle nécessité correspond la volonté d’obliger le public – des représentations sportives en particulier – à se soumettre à un fichage biométrique ? Le timing de cette décision interpelle. Introduite parallèlement à la vidéosurveillance algorithmique, considérée comme un pas en avant vers une automatisation du fichage biométrique pour certains, protection contre un usage anarchique de ces données pour d’autres, cette mesure de contrôle inquiète. Autres nouveautés, le projet de loi prévoit une systématisation des interdictions de stade sans que l’aval d’un juge ne soit nécessaire et la création d’une contravention pour la pénétration dans une enceinte sportive sans autorisation. Une contravention susceptible de devenir un délit potentiellement puni de peines de prison en cas de récidive ou d’acte commis en réunion, considérée comme « disproportionnée » par le Conseil d’État.

La réalité de la mise en place du dispositif laisse également dubitatif les intéressés. Comment procéder au contrôle d’identité de l’ensemble des supporters qui affluent au stade sans congestionner ses abords ? « Personne ne souhaite une présence massive des forces de police autour du stade uniquement pour vérifier que chaque personne se présentant au stade soit bien celle dont le nom figure sur le billet », s’inquiète le représentant de Football Supporter Europe. Les stadiers n’étant pas habilités à effectuer des contrôles d’identité, comment mettre en place cette mesure ? « C’est impossible », tranche ce dernier. « Le problème n’est pas pris par le bon bout : cela va créer un capharnaüm encore plus important pour les clubs concernant la gestion de la billetterie et des flux de personnes », avance quant à lui Kilian Valentin, porte-parole de l’Association nationale des supporters

Le manque de forces de l’ordre pour encadrer les rencontres de football en raison de leur mobilisation à des fins de prévention du risque terroriste est régulièrement utilisé pour justifier l’interdiction de déplacement des supporters. Rendre nécessaire un contrôle policier encore plus strict autour de chaque rencontre ne risque pas d’arranger les choses, ni de participer à une détente dans la relation pour le moins conflictuelle entre supporters et gardiens de la paix. « L’idée est de créer un sentiment de peur chez les supporters en les soumettant à une surveillance constante », estime Ronan Évain. 

En Italie, ça pose problème

Une mesure similaire est en place depuis juillet 2019 en Italie. Loin de faire l’unanimité, sa stricte application par la Juventus avait posé problème à la Brigade Loire nantaise, lors du déplacement du FCN au Juventus Stadium pour les seizièmes de finale de Ligue Europa le 16 février dernier. Le kop jaune et vert, dont tous les billets avaient été achetés au même nom, s’était vu refuser l’accès au stade dans des conditions chaotiques. Un contrôle d’identité systématique agrémenté de fouilles au corps poussées, voire humiliantes, avait fait scandale. 

Ces pratiques de fichage ne passent pas dans le milieu ultra transalpin. De nombreux groupes de supporters ont ainsi boycotté le parcage turinois ces dernières années, le club obligeant chaque supporter visiteur à s’enregistrer sur son site internet pour acheter des billets. La Curva Nord intériste avait annulé son déplacement la saison dernière, tout comme les supporters de la Fiorentina début février. Après le fiasco du déplacement nantais, c’est la Curva Maratona du Torino qui avait à son tour déserté le Derby della Mole chez la Vieille Dame le 28 février dernier. Ce week-end encore, ce sont les supporters de la Sampdoria, habitués à remplir les parcages visiteurs adverses, qui se sont abstenus de déplacement pour protester contre l’interdiction pour tout supporter hors Ligurie d’y prendre part. Ce mercredi, à l’occasion de la réception de l’Eintracht Francfort par le Napoli, les autorités italiennes ont interdit l’accès uniquement à tous les supporters de l’Eintracht qui résident à Francfort. Des sanctions collectives territorialisées ubuesques à faire pâlir les préfectures hexagonales, habituées aux décisions étonnantes et bien souvent cassées in extremis par la justice, comme interdire aux supporters de porter les couleurs de leur équipe dans la région où celle-ci se déplace.

À l’heure où la Ligue s’enorgueillit des records d’affluence battus en Ligue 1 cette saison, risque-t-on de voir les groupes de supporters déserter les virages ? Si la question ne s’est pas encore posée, l’exemple italien ne pousse pas à l’optimisme.

Par Baptiste Brenot

Tous propos recueillis par Baptiste Brenot

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