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Jean Wendling : « Je crois qu’on n’a pas saisi l’importance de cet Euro 1960 »

Propos recueillis par Enzo Leanni

Pour sa première édition, l’Euro 1960 n’a pas vraiment intéressé le grand public, et l’équipe de France l’a abordé avec un certain détachement. Ancien défenseur du Stade de Reims et des Bleus, Jean Wendling se mue en historien pour raconter les coulisses de la compétition. Mémoire rafraîchie par le récit des matchs, ce jeune homme de 89 ans aux 26 sélections se replonge avec joie dans cette expérience unique.

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Qu’est-ce que représente dans votre carrière l’Euro 1960, disputé en France ? (1)

Il va peut-être falloir me rafraîchir un peu la mémoire, parce que ça commence à remonter, mais ce qui est sûr, c’est que c’était un réel plaisir de jouer cette compétition. Je l’avais cochée dans mon calendrier, car jouer pour l’équipe de France est forcément phénoménal. C’est un objectif à atteindre quand on est footballeur professionnel, c’est le sommet de ma carrière. Même si on n’a pas gagné l’Euro, j’étais satisfait de pouvoir atteindre ce but.

Après la troisième place de la Coupe du monde 1958, il y avait un objectif de victoire ?

La Coupe du monde a marqué un tournant dans l’histoire du foot en France, on a appris à dire qu’on voulait gagner. L’effectif n’était pas le même qu’à la Coupe du monde, il n’y avait plus Raymond Kopa et Just Fontaine. Ces deux-là étaient nos joueurs de premier plan, sans eux il y a eu un trou. Le groupe était plus jeune, mais on voulait se fixer un nouvel objectif pour monter les échelons à notre tour.

C’était un peu une ambiance de vacances, tout le monde n’était pas très sérieux pendant la préparation. En revanche, dès qu’on jouait, il n’y avait pas besoin de nous dire quoi faire, on se donnait à fond.

Jean Wendling

Comment aviez-vous abordé cette première édition ? Comme des pionniers ou plutôt de manière détachée face à quelque chose que vous ne connaissiez pas ?

Pour être honnête, je n’étais pas excessivement emballé. On sortait d’une grosse saison avec Reims où on termine champion, c’était le plus important pour nous, et on arrivait un peu fatigués. Je crois qu’on n’a pas saisi l’importance de cette compétition parce que c’était seulement la première édition. Tout n’était pas encore mis en place comme aujourd’hui, ça a mis du temps d’ailleurs pour arriver à ce qu’on connaît maintenant. De notre côté, c’était un peu une ambiance de vacances, tout le monde n’était pas très sérieux pendant la préparation. En revanche, dès qu’on jouait pour l’équipe de France, il n’y avait pas besoin de nous dire quoi faire, on se donnait à fond. Quand je vois qu’il y a des primes aujourd’hui, je ne comprends pas vraiment.

Pourquoi cette légèreté alors que vous n’aviez pas connu la Coupe du monde 1958 ?

Oui, comme la majorité de l’équipe. (Seuls Jean Vincent, Robert Jonquet, Jean-Jacques Marcel et Maryan Wisniewski ont participé aux deux compétitions, NDLR.) C’était un regret de ne pas avoir joué la Coupe du monde. J’avais accepté le choix, mais je ne voulais pas passer à côté de l’Euro. Je ne sais pas vraiment si c’est le fait que cette première édition de l’Euro ne motivait pas les foules, mais le soufflé était un peu retombé après 1958, alors que c’était un événement majeur. Il nous manquait de sacrés joueurs, Kopa et Fontaine surtout, mais aussi Roger Piantoni avec qui j’aimais jouer au Stade de Reims, c’était un manque évident. On avait un groupe jeune, peut-être pas assez d’appétit, beaucoup de joueurs ont connu leur première sélection durant cette compétition, dont Robert Herbin. Mais, à part les quelques anciens qui avaient connu la Coupe du monde, on avait tous moins de dix sélections. J’en avais six je crois, ça je m’en souviens !

Après une première phase éliminatoire maîtrisée face à la Grèce et l’Autriche, vous affrontez la Yougoslavie en demi-finales, au Parc des Princes. Il n’y a toujours pas d’emballement de votre côté ?

Si, là, on prend conscience qu’on joue pour la France. Mais je ne pense pas qu’on se dit qu’on participe à l’Euro et que ça deviendra une grande compétition. Le match contre la Yougoslavie est frustrant parce qu’on mène 4-2 à quinze minutes de la fin, on croit qu’on est arrivé au bout et on se fait avoir comme des débutants ensuite. Je n’arrive pas trop à l’expliquer parce qu’on avait un noyau dur de joueurs qui jouaient à Reims et qui étaient habitués à gagner ces matchs à enjeux.

En tant que défenseur, comment avez-vous vécu les cinq buts encaissés, dont trois entre la 75e et la 79e, qui permettent à la Yougoslavie de s’imposer 4-5 ?

C’était difficile dans le vestiaire, c’était même une catastrophe. Beaucoup, les journalistes et aussi des joueurs, ont pointé du doigt notre gardien Georges Lamia. Ce n’était pas le seul responsable, au contraire. Ça a été dur pour lui, surtout qu’au match suivant, il est remplacé par Jean Taillandier et on a quand même perdu. Je ne me rappelle plus comment ce changement s’est passé dans le groupe, mais beaucoup de joueurs ont tourné pour le match suivant contre la Tchécoslovaquie. Les buts pris en demi-finales sont peut-être aussi dus à notre inexpérience, j’étais en défense avec Robert Herbin et Bruno Rodzik, c’était leur première sélection à tous les deux (Rodzik en comptait déjà une, NDLR). Même si j’étais habitué avec Rodzik à Reims, là ce n’était pas pareil parce que le reste de l’équipe venait d’autres clubs, et ce n’était pas toujours facile de se comprendre.

Vous étiez sur le banc pour la petite finale contre la Tchécoslovaquie (défaite 0-2). C’est difficile de terminer la compétition de cette manière ?

C’était surtout une déception à titre collectif. Il y avait la frustration de ne pas aller en finale, on avait raté la marche. On faisait tous la gueule après la Yougoslavie, donc je pense que c’était difficile de repartir rapidement dans cette consolante, même si c’est important de rester concentré pour bien terminer. C’était dans un stade Vélodrome presque vide en plus (9438 spectateurs, NDLR), peut-être que notre esprit était déjà ailleurs.

Albert Batteux ne faisait pas de favoritisme, même si certains anciens du Stade de Reims se permettaient de l’appeler “Bebér”, même en sélection.

Jean Wendling

Cette saison-là, vous jouiez à Reims, comme la majorité du groupe de l’équipe de France, sous les ordres du sélectionneur Albert Batteux. Qu’est-ce qui change en club et en sélection pour lui ?

C’est une autre approche, mais c’était un entraîneur extraordinaire, donc il a parfaitement géré ça. Il connaissait beaucoup de joueurs pour les avoir à Reims, et ça permettait un échange plus facile, on faisait bloc. Il savait comment interpréter nos mots, nous aussi, et il jonglait très bien entre le club et l’équipe de France pour que ceux qui viennent d’autres clubs ne se sentent pas exclus. Je n’ai jamais ressenti de conflit entre les Rémois et le reste du groupe, on se connaissait tous dans le championnat de France et ils savaient que Batteux ne faisait pas de favoritisme, même si certains anciens du Stade de Reims se permettaient de l’appeler « Bebér », même en sélection.

Comment expliquez-vous la disette jusqu’en 1984 de l’équipe de France au niveau des participations à l’Euro ?

Notre génération a été marquée à vie par cet Euro 1960, il y a eu beaucoup de temps avant qu’on mette le couvercle dessus pour ne plus y penser. Surtout qu’on venait après la réussite de la Coupe du monde 1958, donc on nous a reproché de ne pas être au niveau. On n’a pas fait les choses bien pour participer à l’Euro 1964, on n’était plus dans les meilleures conditions et on a flanché. Je pense que la sélection est une question d’instant T, il faut que tout le monde se trouve bien, soit en forme, pour que ça marche parfaitement. Il n’y a pas de produits miracle et il n’y a parfois rien à tirer. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé pour les générations suivantes, mais ça ne devait sûrement pas coller.

Dans cet article :
Michael Olise, pour vous servir
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Propos recueillis par Enzo Leanni

(1) Pour cette première édition, la Coupe d’Europe des nations de l’UEFA propose un tournoi principal qui est en fait un Final Four. Avant ça, 17 sélections étaient alignées sur la ligne de départ avant d’être départagées jusqu’en quarts de finale dans un système de matchs allers-retours. C’est finalement l’URSS de Lev Yachine qui remporte la compétition, 2-1 après prolongation.

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