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Jano Rességuié : «  J'adore les stades, à San Siro comme à Épinal »

Par Ulysse Llamas, à Paris
12 minutes

À 61 ans et après 2 587 matchs commentés, des centaines de stades écumés, sept Coupes du monde, et 37 ans à RMC, Jean Rességuié s’en va en activant sa clause de cession. Sans penser à la retraite, Jano rembobine le fil de sa carrière, démarrée avec le transistor.

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Tu fais tes adieux à RMC le week-end de la montée de Montauban en Top 14… 

Énorme ! Ils ont fait un truc… J’aurais bien aimé être à Montauban pour faire la fête, parce qu’apparemment, les joueurs n’ont pas beaucoup dormi !

Tu suis le rugby ?

Oui, j’ai gardé des liens avec Toulouse, parce que j’y ai travaillé, et Montauban parce que c’est ma ville. J’y allais gamin, avec mon père, qui était photographe et collaborateur à La Dépêche du Midi. En général, je vais une ou deux fois à Sapiac (le stade de l’USM, NDLR) par saison, mais cette année, impossible. Mon agenda ne me l’a pas permis.

Tu te sens comment ?

Un peu usé, j’ai envie de retrouver un rythme à peu près normal. Je ne vais pas à la mine, mais 85 matchs en moyenne par saison, les voyages, les hôtels… Changer de literie, c’est une catastrophe ! Puis, après les matchs, je suis incapable de dormir correctement. J’ai bientôt 62 ans, envie de prendre un peu de recul, de me rapprocher de ma famille dans le Sud. J’ai aussi envie de transmettre, de donner des cours, un podcast sur le foot amateur, je réfléchirai à un bouquin, j’aime faire les brocantes… Attention, ce n’est pas la retraite : je prends la clause de cession.

Je suis parti dans l’idée de faire mon musée de la radio.

Jano Nicollin

Tu es un grand chineur ? Je suis assez… pas fétichiste, mais nostalgique. Je collectionne les pin’s, surtout ceux des médias. J’ai arrêté de collectionner ceux des clubs amateurs, mais j’en ai à peu près 5 000, en tout. Je chine aussi beaucoup des choses liées au foot. Des vinyles, par exemple : Allez Bastia, Saint-Étienne, Dalida, Cantona, etc. Je cherche aussi des télécartes et des appareils photos. Je suis parti dans l’idée de faire mon musée de la radio, de récupérer ou de garder tous les outils de la radio avec lesquels j’ai travaillé, les micros par exemple. Comme je vais faire des vide-greniers, je suis à la recherche d’un petit camion qui me permette d’aller chiner, de vendre, de récupérer des trucs.

 

Comment découvres-tu la radio ?

J’avais 13 ans, j’étais au fond de mon lit, j’écoutais le parcours de Saint-Étienne, sur Radio Monte Carlo, puis de Bastia en 1978. Au départ, mon père est photographe, j’étais parti pour le suivre. Je n’ai pas eu un parcours scolaire extraordinaire, j’ai fait un CAP de photographe et un BTS audiovisuel. Je n’avais pas le projet d’être commentateur, pas d’école de journalisme en tête. Les radios libres arrivent, et c’est une chance inespérée. Je me retrouve à sympathiser avec un prof de collège, qui me dit qu’il vient de monter une radio, qui s’appelle Radio Récré. Je tente. Ensuite, une autre station, Radio Ingres, me donne la possibilité à titre bénévole de faire une émission sport, le dimanche. Puis je passe pour un CDD à Quercy Radio, pour présenter les infos et commenter les matchs de Montauban, en troisième division à l’époque. Banco ! Mes premiers matchs, je les ai commentés avec quelqu’un qui a fait carrière dans le commentaire télé rugby, Jean Abeilhou. Je sympathise ensuite avec Georges Bury, le chef des sports, qui avait un bon réseau à Toulouse, et j’arrive chez RMC en mars 1988. Je démarre avec le Téfécé le 5 mars 1988. Un 0-0 de merde, dans le multiplex. Il ne se passe rien. J’ai la parole une fois ou deux en première période, à la pause et en fin de match. Je faisais aussi le rugby, avec le Stade toulousain, mais aussi Blagnac et Colomiers. Et les faits divers, comme l’histoire du tueur des parkings, mais aussi l’aéronautique, Airbus. Mais mon truc, c’est le sport.

En 2018, j’avais perdu ma voix pendant la finale. On m’avait relayé le temps que je prenne des médicaments.

Tu as ensuite couvert sept Coupes du monde et sept Euros…

Je démarre les grandes compétitions en 1998, jusqu’en demies, mais pas la finale. C’était déjà dingue. Puis, je fais l’équipe de France à l’Euro 2000, et ça me lance complètement. RMC est rachetée une première fois, et je pars alors au siège à Monaco. Et Alain Weill rachète la station. Je commence à faire les journaux dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin, qui démarrait à l’époque. J’avais l’impression d’être en prison ! François Pesenti arrive ensuite à la direction des sports, et il m’envoie à la Coupe des confédérations 2001. La Corée, le Japon, c’est magnifique. Ensuite, le siège file à Paris et on lance le RMC qu’on connaît : info, talk, sport. Et il y a bien sûr 2018. Je rêvais d’être comme Thierry Roland. D’ailleurs, je lui fais un peu du plagiat à la fin, pour lui rendre hommage et dire qu’il avait raison : quel pied ! En plus, j’avais perdu ma voix pendant la finale, vers la fin ! On m’avait relayé le temps que je prenne des médicaments.

 

Tu es connu pour commenter les matchs, mais tu as aussi fait de l’animation. C’était comment ?

Oui, Larqué Foot les dimanches, devant la concurrence de Téléfoot. C’est irréalisable aujourd’hui : on avait des journalistes partout dans les clubs de Ligue 1. Ils étaient en repos et acceptaient d’aller aux décrassages, ils avaient les présidents, les joueurs au téléphone. C’était génial. On a passé dix ans comme ça, on parlait de tous les footballs, et on n’était pas vraiment dans la polémique. C’est quand on a arrêté Larqué Foot, en 2012, que la direction de RMC s’est dit qu’il fallait associer la station à une voix particulière. Il fallait qu’on allume RMC et qu’on reconnaisse RMC. Europe 1 l’avait déjà fait avec Sacco, France Inter avec Jacques Vendroux… Ensuite, on a créé une relation particulière avec le 3216, les auditeurs nous appellent. En fait, on a créé un réflexe : les gens qui veulent écouter du sport vont sur RMC. On est arrivés au bon moment, quand les gens avaient envie de s’exprimer sur leurs passions.

Marseille en 2018 avec le but de Sakai, je suis à deux doigts de l’engueuler à l’antenne !

C’est ton plus grand souvenir ? 

Tous les gens qui m’envoient des messages pour mon départ me parlent de Larqué Foot. J’ai un petit coup de vieux quand ils me disent : « J’ai grandi avec vous », « j’avais pas le droit à la télé », « on n’avait pas Canal ». C’est là qu’on se rend compte du poids de la radio. Aujourd’hui, avec les droits télé, les gens sont un peu revenus à la radio, et ça me réjouit. J’ai toujours été amoureux de ce média. J’ai aussi plein de souvenirs. Marseille en 2018 avec le but de Sakai (contre Leipzig en Ligue Europa, NDLR), je suis à deux doigts de l’engueuler à l’antenne parce qu’il n’y a plus le gardien, mais il met trois plombes à frapper ! Monaco en 2004 aussi, c’était beau. Je pense aussi au doublé de Mamadou Sakho, le 19 novembre 2013. C’était une soirée… Même avec la Ligue des champions, même avec le titre de champion du monde, en 2013, c’était l’extase totale. Je rentrais du match aller à Kiev avec la grosse déception d’avoir vu l’équipe de France mauvaise, de me dire qu’elle ne va pas aller au Brésil. Les gens n’attendaient qu’une chose : vivre une soirée mémorable. Il n’y avait que des supporters dans le stade. Sakho, c’est le Thuram des années 2010 !

Tu as aussi fait un peu de télé. Tu t’y plaisais ?  

Ce n’était pas programmé, mais RMC a eu les droits dans les années 2010. Donc je commente deux finales de Ligue des champions : une pour BFM en 2019 et une autre pour RMC Story en 2021. Je me suis rendu compte de la différence avec la radio. Le premier match que je commente à la télé, c’est Rennes-Arsenal. Je suis avec Di Meco, et à la mi-temps, il me dit que je parle trop ! La télé, c’est accompagner, avec une relation plus forte avec le consultant. La radio, c’est raconter.

Combien de fois m’a-t-on dit que je commentais un six-mètres comme un but !

Comment tu définirais le métier de commentateur ? Dans Je refais le match, Eugène Saccomano dit que le commentateur doit « garder sa rigueur, connaître son sujet tout en jouant la comédie ». Ça te parle ? 

Pour moi, le factuel est le b.a.-ba du métier. Quand on fait de la radio, l’image, c’est la voix, c’est le ton, ce sont les mots, les phrases, le rythme qu’on va donner, et toute la passion qu’on va transmettre. Tout ça donne l’émotion et l’imaginaire pour l’auditeur.

Est-ce que qu’il faut être du Sud pour être un bon commentateur ? Entre Eugène Saccomano, Didier Roustan, et toi, ça fait une belle triplette. 

Roland et Gilardi sont de Paris ! Le vrai point commun, c’est qu’on a tous bossé, et on a tous été intéressés par ce qui se faisait à l’étranger. J’ai beaucoup écouté Sacco.

Quand est-ce que naît chez toi la conscience que tu as une voix de radio ? Tu la travailles ?

C’est allé en progressant et en travaillant, mais dès que j’arrive dans un stade, je suis serein. J’ai toujours l’habitude d’arriver très tôt au stade, pour voir comment vont être les spectateurs, et de me dire que je vais apprécier le moment. J’adore les stades. Je pense à San Siro comme à Épinal, où je pose mon matos contre un mur, avec un poteau en face de moi pour voir le match. Et les auditeurs ne voient pas ça. Que ce soit en Coupe du monde, en Ligue des champions ou un match de Coupe de France, ce sont des passionnés qui attendent qu’on leur raconte une histoire. Nous, on a la joie de vivre sur place.

 

Tu dis qu’on est plus exigeants avec la radio. Pourquoi ?

J’ai toujours entendu ça de la part de mes rédacteurs en chef. La radio, c’est la précision. L’émotion vient naturellement, pas la précision. Dire « le corner de la gauche vers la droite », « le ballon passe la ligne médiane », « on se rapproche de la surface de réparation »... Parfois, ça m’amuse de dire que telle équipe est à gauche du transistor, ou qu’on est du côté de tel virage. Je décris tout. On fait notre job quand un auditeur mal voyant dit qu’il voit les matchs grâce à nous. C’est ça la radio : les gens qui travaillent, les gens qui conduisent, les étudiants qui révisent. Il faut qu’on attire l’attention. Combien de fois m’a-t-on dit que je commentais un six-mètres comme un but !

Aujourd’hui, les clubs se ferment de plus en plus. Je ne veux pas faire l’ancien combattant, mais je rentrais dans les vestiaires avec le Nagra, l’enregistreur, et j’avais accès à tout !

Tu es plutôt un vendeur de football ? Un chanteur ? Ou un crieur du Moyen Âge ?

Je ne sais pas… Peut-être un crieur du Moyen Âge. J’y pense là parce qu’il y a la Maison du crieur à Montauban. Chaque samedi, il vient faire ses déclarations à la foule. C’est un peu comme moi. Je le fais parce que j’aime la radio, j’aime le foot. Aujourd’hui, on peut encore arriver à faire passer des émotions dans ce sport. Finir avec le PSG cette saison, c’est splendide !

Tu pars sans regrets ?

Aucun ! Après, le foot devient de plus en plus compliqué. J’ai commencé en étant habitué à être en relation avec les clubs, avec les joueurs et les entraîneurs. Aujourd’hui, les clubs se ferment de plus en plus. C’est un peu dommage. Je ne veux pas faire l’ancien combattant, mais je rentrais dans les vestiaires avec le Nagra, l’enregistreur, et j’avais accès à tout ! Petit à petit, les journalistes ont dû rester dans les couloirs des stades, puis dans la salle de conférence de presse, et à la zone mixte. Heureusement qu’il y a encore des mecs comme Konaté à la conférence de presse, qui vient me dire au revoir. C’est sympa. Didier Deschamps, aussi, m’a offert un maillot.

 

Tu sais combien de notes ou d’octaves différentes tu parcours quand tu commentes ?

Non. J’ai rarement été dans les aigus. Je me souviens d’un but de Giroud avec Arsenal. C’est contre Monaco, je crois. Je dis une fois « Girouuuuud » dans les aigus, puis « Giroouuud » dans les graves, parce qu’il venait de marquer contre un club français. J’écris très peu les expressions, je n’écris pas trop de « punchlines ». Les expressions sortent comme ça. C’est l’émotion qui parle ! Une fois j’avais écrit ça sur Pep Genesio : « C’est pas Pep, c’est pas José, c’est bien Bruno. » Mais ce n’est pas non plus une punchline. Je me rappelle aussi d’un Lyon-Juventus où Jérôme Rothen est en train de manger des Smarties. Et quand Lucas Tousart met son but magnifique, je dis qu’il fond dans la bouche comme un bonbon en chocolat. Le rédac chef vient me voir, me dit qu’il a adoré la phrase, mais si Jérôme ne mange pas son bonbon, ça ne me vient pas à l’esprit ! En fait, j’ai un rôle d’acteur mais sans surjouer. Je ne calcule pas.

Des gens me disent que leur père écoutait Saccomano, et qu’ils m’écoutent moi, c’est fou.

Et combien de jurons tu as dits après tes 2 587 matchs ?

J’ai dit « merde » après le poteau de Gignac (lors de la finale de l’Euro 2016, NDLR), et quand j’ai peiné à prononcer Achraf. « Putain » c’est un mot de chez moi, « con » aussi, donc ça m’arrive, mais c’est très rare !

Tu as conscience d’avoir exercé un métier de rêve ?

Certains me reconnaissent dans la rue rien qu’en m’entendant, c’est magique ! Mais je m’en rends surtout compte depuis une semaine. J’ai réussi à accomplir mon rêve de faire de ma passion un métier. Je me considère comme un privilégié, content et fier. L’inverse serait con ! Des gens me disent que leur père écoutait Saccomano, et qu’ils m’écoutent moi, c’est fou.

Tu vas faire quoi de tes carnets ?

J’en utilise un par saison pour le championnat, un par saison pour les coupes d’Europe, et un par campagne pour l’équipe de France. Je les ai presque tous gardés, à part quelques-uns à des écoles. Je note tout, ça aide ma mémoire. La finale de la Ligue des champions je l’ai un peu plus préparée… J’ai les mêmes jumelles depuis 20 ans. Elles commencent à partir en sucette ! Pour l’anecdote, je n’ai plus de valise. Ma dernière a fini sa vie à Munich en montant dans l’avion pour rentrer à Paris. La poignée m’est restée dans les mains. C’est un signe !

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Par Ulysse Llamas, à Paris

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