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Fantacalcio, pour ramener de la fantasy dans leur vie

Par Victor Le Boisselier
6 minutes

Des millions de joueurs dans toute la Botte, de l’argent à gagner et pas mal d’histoires à raconter : le Fantacalcio est la principale ligue fantasy italienne, au point de devenir un vrai phénomène socioculturel dans le pays.

Fantacalcio, pour ramener de la fantasy dans leur vie

Il y a celui qui répertorie les performances des joueurs dans un tableur Excel. Celle qui se rappelle son grand-père jouant à la version papier. Ce supporter de la Roma avouant « avoir quasiment exulté sur des buts de la Lazio » lorsqu’il avait Immobile dans son équipe. Un de ses amis ayant dû arrêter, car la pratique « le faisait trop souffrir ». En Italie, il suffit d’évoquer autour de soi le Fantacalcio pour récolter un paquet d’anecdotes. La principale ligue fantasy du pays, ce championnat de football virtuel basé sur les performances réelles des joueurs, déchaîne les passions depuis bientôt 40 ans. De l’époque de Maradona et Van Basten à celle de Nico Paz, Marcus Thuram et Rafael Leão, 6,5 millions d’utilisateurs sont recensés, alors que l’Italie compte 58 millions d’habitants.

Difficile de la comparer à Mon Petit Gazon, son équivalent français. Parmi les 4 millions de joueurs revendiqués par la plateforme hexagonale, comptent également les inscrits à sa plateforme de pronostics Mon Petit Prono. Surtout, au-delà d’être la première ligue fantasy de football à avoir vu le jour en Europe, le Fantacalcio a dépassé la simple sphère ludique des amateurs de foot. Le jeu s’est ancré comme une pratique sociétale. Un film sur le sujet, Ogni Maledetto Fantacalcio (« Complètement footus », en VF), est même disponible sur Netflix depuis l’été dernier.

Partout, tout le temps et avec tout le monde

Tout commence avec une enchère. Les participants (entre 8 et 12) se réunissent physiquement ou en ligne et disposent d’un nombre de crédits, leur permettant de constituer leur équipe pour l’ensemble de la compétition. Une fois les équipes formées, le championnat commence, et chaque journée de Serie A correspond à une rencontre fictive. Les résultats sont calculés en fonction des notes obtenues par les joueurs alignés sur le terrain. Chaque fait de jeu intervenu lors de la journée de championnat réellement jouée (but, passe décisive, cartons, penalty manqué ou arrêté…) influe sur la note des joueurs via un système de bonus/malus.

Mais pourquoi autant de ferveur pour le jeu du petit sorcier ? « Le Fantacalcio, c’est la compétition entre amis, la volonté d’être entraîneur, la fierté d’avoir eu les intuitions justes durant l’enchère », résume Marco. Ce trentenaire palermitain joue depuis 2017 et l’époque de Higuaín à la Juve. Depuis, il affronte chaque saison le même groupe de potes en plus de quelques ligues parallèles : « Cette année, je ne participe qu’à deux championnats, mais je suis déjà allé jusqu’à trois ou quatre. C’est compliqué à gérer. Tes joueurs dans une de tes équipes deviennent tes adversaires dans une autre ligue. Tu ne sais plus qui supporter. » Pour lui, la pratique du jeu est quotidienne. « Tous les jours, juste quelques minutes, je contrôle la probabilité que mes joueurs soient titulaires. C’est une routine », raconte-t-il.

Pour accompagner les Fantallenatori, tout un écosystème s’est développé pour décortiquer chaque journée et ses formations probables, informer sur les blessures et méformes. De la Gazzetta dello Sport aux influenceurs Youtube en passant par Sky Sport, à chacun son format dédié au Fantacalcio. Avec la possibilité sur certaines pages d’avoir un contenu personnalisé concernant seulement ses joueurs. Des sites de conseils proposent également des abonnements annuels moyennant plusieurs dizaines d’euros.

Dans les petits papiers des passionnés

À sa création, dans les années 1980, l’engouement actuel autour du jeu est difficilement imaginable. Au milieu de la décennie, le journaliste spécialiste de jeux vidéo Riccardo Albini découvre aux États-Unis les fantasy leagues existantes pour le football américain ou le baseball et souhaite les adapter au calcio italien. Il faudra quelques années, le temps de maîtriser l’outil naissant Excel et de formaliser les premières règles pour vraiment lancer le jeu. À l’été 1988, lui et sa bande du bar milanais le Goccia d’Oro créent leur première ligue de Fantacalcio à l’occasion de l’Euro. Le concept est lancé, et pour la saison 1988-1989, un guide du Fantacalcio est commercialisé. Malgré le flop commercial (seulement 2 500 exemplaires vendus), le bouche-à-oreille permet tout de même au jeu de se développer et de compter 15 000 adeptes lors de la première saison.

Cité par le média italien Il Post, Albini raconte la pratique à l’ère du papier : « Le vendredi, tu remettais les compositions à un ami au bar, ou tout au plus tu l’appelais sur le téléphone fixe pour les lui communiquer. Le lundi matin, ou même avant, à 2 heures du matin, on allait au kiosque à journaux pour acheter la Gazzetta dello Sport et le Corriere dello Sport afin de découvrir les notes attribuées et calculer les résultats. »

J’ai déjà suivi des Vérone-Cremonese seulement parce qu’un de mes joueurs était sur la feuille de match.

Marco, utilisateur

37 ans plus tard, son développement a fait du jeu un incontournable. Si bien que l’intérêt pour la Serie A et celui pour le Fantacalcio sont confondus. « Aujourd’hui, on ne regarde plus la Serie A seulement pour son équipe de cœur », prônait en juin dernier le CEO de l’entreprise. « J’ai déjà suivi des Vérone-Cremonese seulement parce qu’un de mes joueurs était sur la feuille de match », confirme Marco.

Des vrais joueurs directement impliqués

Contrairement à Mon Petit Gazon en France ou à la Fantasy Premier League anglaise, Fantacalcio n’est pas géré directement par la ligue de football nationale. Les deux entités collaborent toutefois étroitement, fortes d’intérêts mutuels. Tout cet engouement influe forcément sur le championnat réel. Certains joueurs de Serie A ont déjà échangé directement avec des utilisateurs qui les prenaient à partie. João Cancelo, alors joueur de la Juve, s’était emporté sur Instagram contre l’un d’entre eux qui lui reprochait son manque de rendement offensif. Lors de son transfert de Sassuolo à Barcelone, K.P. Boateng avait pour sa part versé de l’argent à un joueur ayant beaucoup misé sur ses performances avec les Neroverdi. Lors de son retour en Serie A, Ciro Immobile parlait pour sa part du Fantacalcio comme d’un « vrai travail ».

Difficile de lui donner tort. Au-delà du temps passé à peaufiner sa stratégie, la pratique peut rapporter. Une estimation relayée par le cabinet d’avocats Avvocato Scortino mesure à 50 millions d’euros les liquidités en circulation pour le jeu Fantacalcio, avec une mise de base moyenne de 9 euros. Selon le cabinet d’avocats lui-même, l’étude serait au rabais. Marco paye par exemple 100 euros pour son championnat : « 700 euros pour le vainqueur, 200 pour le second et 100 pour qui gagne la coupe. » Certains groupes d’amis nomment même un trésorier pour s’assurer des versements et internet grouille d’articles juridiques sur l’obligation légale de verser ou non sa mise au gagnant de la ligue Fantacalcio. Dans certaines ligues publiques, accessibles moyennant un paiement de plusieurs dizaines d’euros, des voitures, des portables et d’autres prix sont également mis en jeu.

Succès commercial, le concept est désormais décliné à d’autres sphères. Sorte d’Eurovision national très suivi en Italie, le festival de San Remo a par exemple lancé sa version, le « FantaSanRemo ». Quelques critiques se font toutefois entendre. L’intérêt pour le virtuel serait désormais plus important que pour le réel, estiment les détracteurs du jeu. Mais le Fantacalcio permet aussi de renforcer ou de préserver des liens amicaux, eux bien réels. Un joueur, peu intéressé par le football, explique participer seulement car « l’enchère est parfois le seul moment de l’année où [il] voit [ses] potes d’enfance ». Un autre, qui a depuis lâché l’affaire, abonde : « Entre ceux qui sont partis, les vies qui ont évolué, le Fantacalcio nous permettait de rester en contact. »

Les notes de Lyon-PSG

Par Victor Le Boisselier

Tous propos recueillis par VLB sauf mentions.

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