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Italie 34 : Le football comme propagande

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7 minutes
Italie 34 : Le football comme propagande

En 1922, dans un pays en proie à l'agitation sociale, les troupes de Mussolini, accessoirement supporter inconditionnel de la Lazio, marchent sur Rome. La deuxième coupe du monde, organisée en 1934 en Italie, sert donc une vaste propagande au régime fasciste du "Duce". Il règne en monarque absolu, et instrumentalise naturellement la squadra azzura pour prouver au monde la supériorité de son idéologie tyrannique...

Tout commence de manière assez étrange, en 1932, avec le mystérieux retrait de la Suède (alors grande favorite pour accueillir l’évènement) en faveur de l’Italie. Un pot-de-vin versé aux Scandinaves par Mussolini aura eu raison de la philantropie nordique. Ce dernier veut en outre rentrer dans ses frais de campagne, et exige de fait la victoire : « Je ne sais pas comment vous comptez vous y prendre, mais l’Italie doit gagner ce tournoi. » Le président du comité olympique italien, Giorgio Vaccaro, tente de faire bonne figure et lui assure que la Squadra Azzura fera « son possible » . Sachant plus que quiconque qu’un homme averti en vaut deux, ‘Il Duce’ reprend immédiatement son subordonné, pour se montrer plus explicite : « Je crois que vous ne m’avez pas compris Général, vous devez gagner ce tournoi, c’est un ordre !!! » Dans un climat électrique et délétère, la propagande fasciste distillée tout au long du tournoi est nauséabonde. Le stade de Turin est ainsi rebaptisé Mussolini. Dans le même temps, à Florence, les architectes dessinent un édifice en forme de D, pour Duce.

Enveloppes et controverses

Trente-deux pays s’inscrivent pour les qualifications de ce mondial. Champion du monde 1930, l’Uruguay boycotte le tournoi pour des raisons idéologiques, mais aussi parce que les Italiens ne s’étaient pas donné la peine de franchir l’Atlantique quatre ans plus tôt. Loin d’être vécu comme une désillusion par les organisateurs, certains s’en félicitent, argumentant qu’il y aura plus de facilité à être champion du monde sans la présence d’un des grands favoris. Cependant, pour participer à leur coupe du monde, les Italiens doivent disputer un tour éliminatoire contre les Grecs. Ce fut d’ailleurs la seule et unique fois dans l’histoire du mondial où le pays organisateur dut gagner son billet sur le terrain. A Milan, les Transalpins dominent la Grèce 4-0, mais doivent encore se déplacer à Athènes pour assurer leur qualification. Ils ne verront jamais le Parthénon, puisque la fédération grecque annonce subitement qu’elle renonce à la compétition….Les raisons de cette décision furent découvertes en 1990, quand la fédération italienne avoua qu’elle promit à l’époque à son homologue un bâtiment de deux étages pour y installer son siège. Une sorte de paiement en nature donc…
L’Egypte participe au mondial, une grande première pour un pays africain. L’Argentine et le Brésil sont quant à eux les uniques représentants sud-américains. Les deux ennemis héréditaires arrivent néanmoins en Europe avec des équipes constituées de joueurs quasi amateurs. Les clubs argentins craignent en effet que leurs meilleurs éléments restent en Europe, et décident par conséquent de les retenir au pays. La Seleçao, elle, est divisée en deux camps. Celui des Cariocas (Rio de Janeiro), et surtout celui des Paulistas (Sao Paulo). Ces derniers, qui représentent à cette époque le fleuron du football auriverde, exigent que l’on envoie uniquement des Cariocas en Italie, pour truster les titres locaux. Résultat, ni l’Argentine, ni le Brésil ne furent designés favoris à la victoire finale en terre fasciste.

Tout se déroule sans réel accroc jusqu’au quart de finale opposant l’Italie à l’Espagne. Les locaux, menés 1-0, ont recours à toutes les manigances possibles et inimaginables pour arriver à leurs fins. Bafouant sans vergogne son devoir de neutralité, l’arbitre suisse René Mercet (suspendu à vie par la fédération hélvète quelque temps plus tard), annule deux buts valables aux Espagnols, après avoir accordé un but entaché d’une faute aux Italiens : Schiavio avait pris les mains du portier Zamora pour que celui-ci ne puisse stopper le tir de Ferrari. Malgré le match nul, les Espagnols sont éliminés, et décident de fait de ne plus participer aux compétitions internationales à l’avenir. Mussolini, dans un instant de grâce, récompense les pupilles de la nation avec 10.000 lires chacun. Une belle carotte pour s’assurer qu’il finira bien champion. Après s’être débarrassés de l’Espagne, les Transalpins affrontent la Wunderteam autrichienne emmenée par son talentueux attaquant au destin tragique, Matthias Sindelaar. Là encore, le but est entaché d’un hors-jeu, mais peu importe, l’Italie est en finale.
A Rome, dans le stade du parti nationaliste fasciste (et de la Lazio), l’Italie affronte la Tchécoslovaquie sous les vivas des 45.000 fonctionnaires chantant à la gloire du fascisme et longue vie à Mussolini. Grand artisan du parcours sans faute des siens, le dictateur est également présent dans les tribunes. ‘Il Duce’ s’étant au passage quand même donné la peine de rappeler à son entraîneur, Pozzo, quelques funestes consignes : « Vous êtes l’unique responsable du succès, mais que Dieu vous aide si vous ne gagnez pas ce trophée. » Le feedback du Mister à ses joueurs est dans la même veine : « Peu m’importe comment, mais aujourd’hui nous devons gagner, même s’il faut détruire l’adversaire. Si nous perdons, je pense que nous allons passer un très mauvais quart d’heure. » L’art et la manière de motiver ses joueurs… Le plus crispé de tous est sans aucun doute Monti, qui, quatre ans auparavant, a déjà été l’objet de menaces de mort. Devenu titulaire de la Squaddra après son transfert controversé à la Juventus, Monti avait le talent de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment : « J’étais horrifié, quatre avant on m’avait menacé si je gagnais la coupe, et en Italie, on nous menaçait si on la perdait. On nous avait dit que si on gagnait, on pouvait avoir tout ce que l’on voulait : argent, femmes, voitures, maisons… Par contre, si on perdait c’en était fini pour nous… » Ceci étant dit, l’Italie, grâce à but de Schiavio « avec la force du désespoir » , remporte sa première coupe du monde. Mussolini arrose les champions de lires avant d’en poursuivre quelques-uns qu’il considère comme des traîtres de la patrie. On n’ose pas imaginer ce qu’il aurait fait s’ils avaient perdus…

Finale : Italie-Tchéquoslovaquie : 2-1 ; le 10 Juin 1934, à 17h00, au stade nacional PNF, Rome.

Italie : Combi (C), Monzeglio, Allemandi, Ferraris, Monti, Bertolini, Guaita, Meazza, Schiavio, ferrari, Orsi. Entraineur : Vittorio Pozzo
Tchéquoslovaquie : Planicka (c), Zenisek, Ctyroky, Kostalek, Cambal, Krcil, Junek, Svoboda,Sobotka, Nejedly, Puc. Entraineur : Karel Petru
Arbitre : Eklind (Sue) Assistants : Birlem (Ale), Ivanicsics (Hon)

Curiosités :
– Star de la Roma et auteur du but en demi-finale contre les Autrichiens, Guaita fut envoyé sur le front, en Abyssinie. Beaucoup affirment que la décision fut prise par Mussolini lui-même, qui ne supportait pas l’idée que la Lazio soit battue par la Roma. – Recherché par la police fasciste pour ses idées anti-nationalistes, Scopelli s’est, lui, fait la malle en direction la France où personne ne sut jamais ce qu’il devint…
– Le Mondial italien fut l’un des premiers évènements médiatiques de l’époque : 177 journalistes émigrants de 28 pays. – Aucun joueur ayant marqué en Uruguay n’a pu célébrer un but en Italie.

Quelques chiffres :
– 361.000 spectateurs, pour une moyenne de 21.235 par match. – 1.400.000 dollars de bénéfices.
– 70 buts inscrits, avec une moyenne de 4,1 buts par match.- 208 joueurs.
– Joueur le plus jeune : Iraneta (Argentine), 18 ans et 65 jours. – Joueur le plus vieux : Tommy H. Florie (Etats-Unis), 37 ans.
– Buteurs : Conen (Ale) 4 buts, Nejedly (Tch) 4 buts, Schiavio (Ita) 4 buts.

– La Star: Giuseppe Meazza
Repéré à 17 ans par des émissaires de l’Ambrosiana (Inter de Milan) alors qu’il joue dans la banlieue de Milan, Meazza fut l’un des héros de la première coupe du monde remportée par l’Italie. A la fois élégant et technique, il détient encore aujourd’hui le record de buts marqués en un seul match dans le calcio (6 buts contre Venise). Après avoir remporté de nombreux titres avec l’Inter, Meazza arrête sa carrière, mais son train de vie luxueux l’oblige à revenir sur les terrains, cette fois-ci sous les couleurs du Milan AC. Il finit néanmoins sa carrière à l’Inter, qu’il entraînera par la suite, sauvant le club de la relégation. Le stade de l’Inter porte aujourd’hui le nom de celui que beaucoup considèrent encore comme l’emblème d’une Italie fasciste triomphante.

JPS & GF

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