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Il y a 15 ans, Sergio Ramos disputait son premier match avec l’Espagne
Il y a quinze ans tout pile, le 26 mars 2005, l'Espagne accueillait la Chine à Salamanque. Un match amical rendu sexy par la première cape avec la Roja de Sergio Ramos, pas encore âgé de dix-neuf ans. Le point de départ d'une carrière internationale qui l'aura sacré en novembre dernier recordman de sélections de son pays - il en compte aujourd'hui 170. La suite logique, surtout, d'un apprentissage du plus haut niveau sur le côté droit de la défense du FC Séville et dans les jupes de ces deux brutasses de Javi Navarro et Pablo Alfaro.
Faire d’un match amical face à la Chine un petit événement n’est pas chose aisée. Un peu plus d’un an avant que Djibril Cissé ne laisse une guibole sur la pelouse de Geoffroy-Guichard face à ces mêmes Chinois et plombe la fin de préparation des Bleus au Mondial 2006, Luis Aragonés y est lui aussi parvenu, le 26 mars 2005. Mise sur orbite par un péno rapide de Fernando Torres, et à l’abri par un coup franc dévié de Xavi à la demi-heure de jeu, sa Roja déroule logiquement ce jour-là. Assez pour que le sélectionneur ibérique offre dès la reprise des débats sa première cape au jeune Sergio Ramos. Dans une équipe excédant pourtant tout juste les 25 berges de moyenne d’âge au coup d’envoi, le défenseur sévillan fait figure de rejeton, du haut de ses 18 ans et 361 jours. Un âge qui fait alors de lui le plus jeune joueur à débuter avec la Selección depuis 55 piges, et le dixième plus jeune de l’histoire de la Roja. Voilà pour l’événement.
Alfaro-Navarro, l’école du vice
Celui-ci n’en est toutefois pas vraiment un pour quiconque était au stade Carlos Belmonte dix mois plus tôt, le 16 mai 2004. En ce dimanche ensoleillé, l’ambiance est à la fête au sein des joueurs d’Albacete, qui ont prolongé la veille leur bail en Liga depuis leur canapé, où ils assisté aux défaites du Celta de Vigo et Valladolid, les deux premiers relégables. En roue libre, les coéquipiers du Français Laurent Viaud prennent une valise sans conséquence face au FC Séville (1-4). Mais sont aux premières loges pour attester du talent certain de Ramos, 18 balais et six matchs de Liga dans les cannes. Titularisé pour la troisième fois sur le côté droit de la défense andalouse, le natif de Camas, commune de 27 000 âmes située dans la métropole sévillane, bouffe son couloir durant 90 minutes. Mais plus que son goût pour l’offensive, sa « qualité de centre » et sa « bonne technique » , c’est la « grosse personnalité » du garçon, tout juste majeur, qui frappe alors l’ancien milieu de terrain angevin, rennais et monégasque, acclamé par les fans du Queso Mecánico (le Fromage mécanique, en VF) comme s’il disputait son jubilé.
Un caractère qui s’exprime alors avant tout balle au pied, chez le Sévillan. « À l’époque, il ne l’ouvrait pas trop. Ce qui m’avait surpris, c’est sa capacité à jouer comme un vieux, résume Viaud. Même si c’était un match de fin de saison et que c’était un peu la fête pour nous, tu sentais quand même qu’il n’y avait pas de doute dans ce qu’il faisait. Comme Camavinga aujourd’hui, sans être un aboyeur, il n’avait pas de timidité, et aucune hésitation à prendre des risques ou à dribbler. » La gouaille, le vice et l’âpreté qui le caractérisent aujourd’hui ne font alors pas vraiment partie de la panoplie de Ramos : au sein du Séville de Joaquín Caparrós, remonté au courage en Liga en 2001, découper les attaquants adverses ou leur faire péter une durite est davantage la spécialité des deux centraux, Javi Navarro et Pablo Alfaro, régulièrement dépeint comme le mentor de Ramos. Deux « vieux briscards à la Carlos Mozer, rugueux, souvent à la limite, décrit Viaud dans un sourire. Les deux, c’était abusé… Niveau agressivité et intimidation, c’est sûr qu’il a été formé à bonne école. Tu sentais d’ailleurs qu’ils protégeaient le petit. »
Sergio barbot
Les deux bouchers de Séville sont toujours là lors de la saison 2004-2005, celle de l’avènement de leur élève. Sacré durant l’été champion d’Europe des U19 au Portugal, le néo-pro offre comme promis une cuisine et une salle de bain neuves à sa grand-mère avec son premier salaire, et apparaît 42 fois (trois buts) sous la liquette blanquirroja. Dont six en Ligue Europa, épreuve où Ramos croise notamment la route en poules du LOSC de Claude Puel. Adversaire direct de l’Espagnol dans son couloir, le 15 décembre 2004 à Villeneuve-d’Ascq, Philippe Brunel n’est pas sorti « plus impressionné que ça » de ce match dans le match. Entre un trentenaire au sommet de son football et un gamin découvrant les joutes européennes, de treize ans son cadet, le duel est quelque peu déséquilibré. « Philippe vivait la meilleure année de sa carrière » , défend ainsi Matt Moussilou, unique buteur après avoir battu dans les airs… Sergio Ramos, son garde du corps sur les coups de pied arrêtés offensifs lillois.
« J’ai tout de suite décelé sa détente sur les ballons aériens, revoit l’ancien attaquant nordiste. Sa façon de défendre, de surgir m’avait aussi interpellé. Malgré son jeune âge, il anticipait déjà bien et relançait très proprement. Il n’était pas complètement au-dessus du lot, mais il avait déjà du caractère, du répondant et mettait des taquets. Il donnait aussi beaucoup de directives. » Sur la pelouse du Stadium Nord, en dépit des difficultés andalouses et de sa dégaine de « barbot » , avec sa coupe à la Claudio Caniggia – son idole d’enfance -, Ramos dégage ainsi l’image d’un garçon « sûr de lui et de sa force » . Parce qu’il sait, sans doute, que ce rare duel aérien perdu ne constitue qu’un léger accroc dans un exercice particulièrement réussi sur le plan personnel. « Il a vraiment confirmé cette saison-là, statue un Laurent Viaud alors au crépuscule de sa carrière. Comme en Espagne, les journaux sont très régionaux, je ne voyais pas trop ce qui se disait sur lui. Mais dès qu’il y avait un gros match, les médias le présentaient toujours comme la perle du centre de formation, le futur crack. »
27 millions de cartons
Un statut officialisé par le titre de révélation de la saison 2004-2005 en Liga et, avant cela, par une première sélection en équipe nationale. Tout sauf une surprise pour Viaud : « Salgado était en bout de course, il arrivait à un moment où il fallait trouver la relève. D’ailleurs il l’a aussi remplacé au Real. » Ce, moyennant 27 millions d’euros. Versé dans les dernières heures du mercato estival de 2005, ce montant fait alors de Ramos, premier Espagnol engagé par Florentino Pérez en cinq ans de présidence, le défenseur le plus cher de l’histoire de la Maison-Blanche. Et fait sourire José María del Nido, son boss à Séville, persuadé qu’ « aucun défenseur au monde ne vaut ce prix » .
Ja ja ja… Era cuestión de tiempo… ? https://t.co/o8Gja9zZKz
— Pablo Alfaro (@PabloAlfaro) December 2, 2017
Quinze ans, 640 matchs, quatre Liga, deux Coupe du Roi, quatre Champions, quatre Coupe du monde des clubs, 170 sélections, une Coupe du monde, deux Euro et une palanquée de récompenses individuelles plus tard, qu’en dit l’ex-dirigeant sévillan ? Sans doute la même chose que Pablo Alfaro sur Twitter le 3 décembre 2017, date à laquelle son poulain a enfin fait tomber son record de cartons rouges en Liga (19 contre 18) : que « ce n’était qu’une question de temps » .
Par Simon Butel
Propos de LV, PB et MM recueillis par SB