Hoarau sur Paris !
Enfin ! Le PSG a passé la vitesse supérieure en matière de recrutement. Thuram, Giuly, Makelele...Des noms, des palmarès surtout, et de l'expérience à revendre, histoire d'enfin stabiliser le navire parisien. Pourtant, sur les docks du Havre, un homme avait déjà embarqué bien avant eux. Son nom, Guillaume Hoarau. Profession : buteur en série. Palmarès : meilleur joueur de la dernière saison de Ligue 2. S'il vous plaît. Et si c'était lui le vrai bon coup parisien ?
Lorsque ce jeune Réunionnais de 24 ans décide de s’engager pour quatre ans et demi, le vaisseau capitale n’est pas aussi clinquant qu’aujourd’hui. À l’hiver dernier, il ressemblait plus à un vieux rafiot prenant l’eau de tous côtés. Mais ça, le matelot Hoarau s’en fout. « Il était plutôt serein car certain que le PSG allait se maintenir. Et puis je pense qu’il a senti que Paul le Guen le voulait vraiment » , explique Jean-Marc Nobilo, son ancien coach havrais. Alors en fin de contrat et sollicité par « toute l’Europe » , toujours selon Nobilo, il scelle son avenir avec Paris mais prend soin d’inclure une clause d’annulation en cas de descente du club, juste au cas où. Fluctuat nec mergitur qu’ils disaient les anciens.
Hoarau aurait pu poser son baluchon au Parc en fin de saison, comme ça, sans rendre de comptes à personne. Mais l’homme a des principes. Il insiste pour parapher son contrat six mois avant la fin de saison, histoire d’assurer une indemnité de transfert au club qui est venu le chercher. On ne parle que de 500 000 euros, mais le geste est là et définit la classe du Monsieur.
Car Guillaume Hoarau est un type bien, tout simplement. Un mec calme, posé, serein. Un mec des îles quoi et fan de Bob Marley, de surcroît. De toute façon, il n’a pas trop le choix, l’entourage veille. Suivi de très près par son père Pierre, ancien bon attaquant de niveau élite locale, le fiston est prié de garder les pieds sur terre. Et lorsque le padre n’est pas là, c’est son agent et ami Thierry Gras, qui prend le relais. Quant à sa Réunion natale, elle n’est jamais très loin elle aussi. Quoi de plus normal pour un joueur qui ne l’a quittée définitivement qu’à 19 ans.
Made in 974
Ce dernier point fait de lui un joueur atypique, et un authentique étendard de la formation réunionnaise. Car Hoarau n’a jamais véritablement connu de centre de formation. Ses 19 premières années, il les passe entre les deux clubs de Saint-Pierre. Au commencement, l’EF Saint-Pierre, pour les balbutiements. Un tout petit club où son père était éducateur. Mais très vite, un problème se pose. Le club n’a pas d’équipe sénior, donc aucune perspective d’avenir pour un gamin qui commence à sérieusement taquiner le cuir. EF pour École de Foot, tout s’explique.
Une paire d’années plus tard, le petit Guillaume émigre vers le club voisin, la JS Saint-Pierroise. JS pour Jeunesse Sportive, la suite logique. Son père le suit et retrouve ses fonctions d’éducateur dans ce club qui bénéficie d’un partenariat avec le HAC. Comme son pote Florent Sinama-Pongolle avant lui, Guillaume tentera sa chance vers 14 ans au centre de formation du Havre. Sans suite.
Retour dans son cocon Saint-Pierrois pour parfaire sa formation. Cinq saisons à tourner autour de l’ancien pro Réginald Ray (ancien du Red Star, Istres et Guingamp notamment), venu passer l’hiver de sa longue carrière au soleil. Associé au « double R » en attaque, Hoarau explose et finit meilleur buteur du championnat. Le vrai départ.
Le HAC revient à la charge en décembre 2003 et enrôle définitivement la pépite. Trois premières saisons où vogue la galère. Guillaume ne s’adapte pas comme il l’espérait. Le climat havrais, l’éloignement familial et surtout cette putain de réussite devant les buts qui ne cesse de le fuir. Hoarau rame, Hoarau vendange, mais Hoarau s’accroche.
Au fil des ratés, le public de Deschaseaux s’impatiente et finit par lui réserver une magnifique bronca à chaque fois qu’il touche la sphère. La confiance dans les chaussettes, Guillaume ira même jusqu’à quitter le pré en pleurs sous les huées de la foule, un soir de vendange face à Clermont.
Trop frêle, trop brut de fonderie, le Hoarau d’alors fait état de bon nombre de carences dans son jeu, vestige de sa non-formation (au sens FFF du terme). Tant et si bien qu’après cinq games en 06/07, il est aux portes de la cave. Le Havre décide alors de le prêter à Gueugnon, sa dernière chance. En Saône et Loire, Guillaume retrouve la confiance d’un coach, Victor Zvunka, et devient l’arme numéro 1 des Forgerons. Leur meilleur attaquant depuis Amara Traoré selon certains observateurs locaux.
Pedro Junior ?
8 pions et 21 matchs plus tard, Hoarau regagne la Normandie avec un autre statut. Le HAC vient de se séparer de Jean-Michel Lesage et Kandia Traoré, Guillaume dispose-là d’une fenêtre pour enfin s’imposer sur le port du Havre. Jean-Marc Nobilo, ancien éducateur à la Réunion et fraîchement nommé à la tête de l’équipe pro, se souvient : « Par rapport aux différentes options de jeu que j’avais à l’esprit, Guillaume était ma priorité. C’était un peu chaud au départ, mais c’était vraiment ma priorité. Et puis 24-25 ans, pour moi c’est l’âge où un attaquant commence à être réellement efficace » . La suite est désormais mythique pour tout supporter havrais, Hoarau le revenant claque 28 buts en 38 matchs et envoie le HAC en Ligue 1, du jamais vu depuis Tony Cascarino en 1996 avec l’OM (30 buts).
9 dans le dos, Guillaume Hoarau semble fin prêt pour s’attaquer au Parc des Princes. Pourtant en pleine confiance et quasiment au top physiquement, il ne se fait pas d’illusions quant à sa première saison sous les couleurs rouge et bleue. Aucun objectif en terme de buts, simplement le désir de jouer le plus possible, avec toujours ce besoin vital de se faire plaisir.
Seulement, son numéro lui rappellera toujours après qui il passe, un certain Pedro Miguel Pauleta. Même pas peur. Guillaume est un homme de challenges et s’est déjà préparé à s’emparer de l’héritage du Lusitanien.
L’anecdote veut que peu avant la reprise avec le PSG, Hoarau soit retourné sur son île pour prendre part à un tournoi caritatif de beach-soccer recréant en tout point l’Euro estival. Après tirage au sort, l’équipe composée par ses soins et regroupant notamment son jeune frère ainsi que le Stéphanois Dimitri Payet, se voit affublée des couleurs de la Selecçao portugaise. Guillaume ira jusqu’en finale. Pedro peut reposer en paix.
Par Paul Bemer et Maxime Marchon
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