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Franck Passi : « Nous ne sommes que des intérimaires »

Propos recueillis par Alexandre Doskov
Franck Passi : « Nous ne sommes que des intérimaires »

Après des années à jongler entre les rôles d'adjoint, d'entraîneur principal et d'intérimaire à l'OM, Franck Passi a connu un passage éclair à Lille. En signant, il savait qu'il ne serait là que pour quelques mois, mais l'homme n'est pas du genre à se plaindre. Car pour lui, un entraîneur est quelqu'un qui entraîne. Et peu importe s'il est là pour six mois ou six ans.

Vous avez passé votre carrière de joueur et d’entraîneur au soleil, dans le Sud de la France ou en Espagne. Vous n’avez pas eu peur du froid en arrivant à Lille ?Il y a eu un dépaysement. Mais en Espagne, dans la région dans laquelle j’étais, il pleuvait tous les jours. En Galice, le soleil, on le voit quinze jours par an. Après, en passant dix ans à Marseille, je m’étais réhabitué au soleil, mais ce n’est pas important. Le soleil, il est dans les résultats ! À Lille, je m’étais adapté rapidement, car on avait des objectifs à très court terme. Lorsqu’on est plongés dans le travail comme on l’est en ce moment, on va à l’essentiel.

En France, on aime mettre les entraîneurs dans des cases. Il y a soit le tacticien, soit le meneur d’hommes. Vous en pensez quoi ?Que ce soient les entraîneurs ou les joueurs, on met dans des cases, et parfois on se trompe. Ce sont des a priori, mais l’essentiel reste de fournir un bon travail. Qu’on soit meneur d’hommes ou tacticien, en tant qu’entraîneur, ce sont surtout les résultats qui comptent.

Si vous deviez définir votre profil ?Je ne me sens ni meneur d’hommes, ni tacticien ! Enfin, je me sens en même temps l’un et l’autre. Je pense que tous les entraîneurs ont les deux casquettes. Certains utilisent leur voix, parce qu’ils ont une grosse voix, mais en même temps, s’ils n’ont pas le côté tactique, ça ne fonctionne pas. Et puis il y a ceux qui ont une voix qui porte moins, mais ce n’est pas pour ça qu’ils ne peuvent pas donner de bons messages.

La saison dernière, avant le match contre Marseille, vous parliez d’un moment « émotionnellement important » . Vous êtes plus attaché au club ou à la ville ? C’est plus lié au club. J’ai été joueur là-bas, puis entraîneur, j’y ai travaillé pendant dix ans… Donc l’émotion, elle est plus par rapport aux gens avec qui j’avais travaillé. Après, quand je suis sur un terrain de foot, que ce soit contre Marseille ou qui que ce soit, je mets les mêmes ingrédients pour essayer de gagner. Mais par rapport aux joueurs que j’ai fait venir dans ce club, à l’équipe que j’avais montée, c’est vrai que ça faisait bizarre de se retrouver, déjà, en face d’eux !

Après dix ans passés là-bas, on imagine que le lien affectif était assez puissant… Mes enfants sont nés à Marseille, j’ai connu ma femme à Marseille, j’ai de la famille là-bas, des amis… Lorsqu’on reste dix ans quelque part… C’est rare de rester autant au même endroit. Aujourd’hui, le métier d’entraîneur, c’est un métier d’intérimaire, rien de plus. Donc c’est évident que quand on reste dix ans dans un endroit, c’est différent. Après, au moment de jouer le match, je n’avais pas d’états d’âme. Aucun.

Je suis attaché à l’humain. Mais l’humain, il est avant et après les quatre-vingt-dix minutes, pas pendant !

En voyant les joueurs et les coachs changer de club si souvent, on pourrait croire qu’ils ne s’attachent pas aux endroits dans lesquels ils passent. Vous avez l’air d’accorder une importance à tout ça.On arrive toujours à s’attacher à un endroit. Je suis passé partout dans le Sud de la France, j’ai été en Espagne, en Angleterre, j’ai rencontré des gens que j’apprécie. Quand je les rencontre, c’est toujours des émotions, car je suis attaché à l’humain. Mais l’humain, il est avant et après les quatre-vingt-dix minutes, pas pendant !

En seulement quelques mois à Lille, vous avez eu le temps de créer des liens ?Bien sûr, j’y ai été super bien reçu. Même si ce ne sont pas des liens d’amitié comme on peut avoir avec les amis d’enfance, car finalement, mes amis d’enfance, ils sont à Béziers, même pas à Marseille. Mais on arrive quand même à avoir des relations avec des gens qui laissent des traces.

L’entraîneur adjoint a une certaine proximité avec les joueurs. Ce n’est pas dur une fois qu’on passe entraîneur principal de prendre de la hauteur, d’incarner un autre type d’autorité ?Ça n’a pas été compliqué. Même si j’avais de la proximité avec les joueurs, lorsque je suis passé entraîneur, j’ai fait mes choix. Les rôles ont changé, mais je n’ai pas changé ma relation personnelle avec chaque joueur. En revanche, j’ai changé dans le fait que je prenais les décisions. Et celui qui n’était pas content, ben c’est pareil. J’avais un rôle à jouer, et pour qu’une équipe fonctionne, il faut que l’entraîneur joue son rôle à fond. Là-dessus, pour moi, ça a été simple parce que les joueurs me connaissaient. Ils savaient aussi le caractère que j’avais. En tant qu’entraîneur adjoint, par moments, j’avais des discussions assez rudes avec des joueurs parce que pour moi, le foot, c’est d’une certaine manière et pas d’une autre.

Dans le quotidien, imposer son respect quand on devient entraîneur, ça passe par demander à des joueurs qui vous tutoyaient de vous vouvoyer, ce genre de choses ?Pas du tout, le respect il n’est pas dans le vouvoiement, il est ailleurs. Puis à Marseille, la plupart de l’effectif m’appelait par mon prénom. Mais quand j’avais à dire à un joueur que sa manière de jouer ne me plaisait pas, qu’il m’appelle par mon nom, par mon prénom ou par autre chose, c’est la même chose. La première chose dont je parle à un groupe, c’est du respect. Chacun sa place, chacun son rôle et la seule manière de bien faire fonctionner tout ça, c’est qu’il y ai un respect mutuel, un respect de l’institution et des gens qui y travaillent.

Qu’on ait cinq mois de contrat, douze ou vingt-quatre, c’est exactement le même problème : il faut gagner le match d’après.

Vous vous êtes fait une belle réputation de pompier qui accepte des missions un peu impossibles en urgence. Vous pensez quoi de cette étiquette qu’on vous colle ?Il y a des entraîneurs qui travaillent, et d’autres qui ne travaillent pas. Pompier, pas pompier… Tout ça, ce sont encore des étiquettes, des suppositions… Si je suis capable d’entraîner une équipe en première division et d’avoir des résultats, je continuerai. Sinon, je ne continuerai pas.

Mais à Lille, vous saviez que vous n’étiez là que pour quelques mois, et qu’un autre arriverait la saison d’après. Ce côté roue de secours, certains pourraient trouver ça dévalorisant, pas vous ?Je ne vois rien de dévalorisant. On a une mission, on la mène à bout ou non. Si j’y arrive, je suis content de mon travail, rien de plus. Je ne suis pas quelqu’un qui subit énormément la pression, donc quand je vais quelque part, c’est pour travailler avec les bases que j’ai envie de mettre en place.

Entre votre départ de Marseille et votre arrivée à Lille, qu’avez-vous fait ?J’ai pas mal voyagé, j’ai pris du temps pour ma famille. J’ai même été en Équateur pour me faire une liste des nouveaux gamins sud-américains de vingt ans qui vont arriver sur le marché européen. J’ai pris du bon temps ! Ce n’était pas que des vacances, mais quand on est dans un club, on est dans une machine à laver. Quand on sort de là, ça ressemble à des vacances !

J’imagine que le téléphone sonne moins aussi…Oui, mais ça c’est bien ! (Rires)

Le jour où vous allez trouver un poste stable, ça risque de vous faire bizarre, non ?Pas du tout. En fait, nous ne sommes que des intérimaires. La preuve, c’est Claudio Ranieri, qui était champion l’année dernière avec Leicester. Et dans un pays stable comme l’Angleterre, où certains managers restent très longtemps… Regardez Arsène Wenger ou d’autres, ça fait vingt et quelques années. Dans un pays comme ça, Ranieri a été champion la saison dernière et est viré cette année. Ça montre bien la fragilité du poste d’entraîneur. Mais il y a une constante : il faut gagner le match qui arrive. Qu’on ait cinq mois de contrat, douze ou vingt-quatre, c’est exactement le même problème : il faut gagner le match d’après.

À Marseille, je savais aussi que le jour où le club serait acheté, je partirais probablement. Je l’avais déjà accepté.

Frédéric Bompard qui dit qu’en arrivant à Marseille, le staff de Rudi Garcia a dû remettre pas mal de choses en place, vous y prêtez attention ?Ce sont ses paroles à lui. Je n’ai pas envie de commenter. J’ai affronté une situation délicate à Marseille, je l’ai fait. Je le répète, quand j’ai quitté Marseille, on était à deux points de la cinquième place.

Ce détachement par rapport aux critiques, c’est un blindage ou votre vrai caractère ?Non, je suis comme ça à la base. J’étais joueur de foot avant, et les gens parlent… Ce que les gens disent ou font, ça ne m’intéresse que moyennement. Ce qui m’intéresse, ce sont les chiffres et les faits. Après, si dans dix ans je suis toujours entraîneur, on fera le bilan.

De votre décennie dans le staff de l’OM, vous retenez quoi ?Ce n’était que du bonheur. Évoluer dans un grand club comme Marseille, c’est beaucoup de pression, mais c’est du bonheur, de la passion. Je n’ai que des bons souvenirs là-bas. Je suis passé par plusieurs étapes parce que je l’ai voulu. Quand j’ai laissé de côté mon métier d’entraîneur pour devenir recruteur, je l’avais décidé. Surtout pour avoir plus de temps pour ma famille et mes enfants. Et quand j’ai voulu repartir vers le métier d’entraîneur, je l’ai fait. Tout ça est choisi et pensé, il n’y a rien de hasardeux.

Vous avez connu les débuts du projet marseillais, puis ceux du projet lillois. Quelles sont les similitudes et les différences ?Ce sont deux projets différents. Aujourd’hui, Lille n’a pas le même statut que Marseille et l’attente des supporters n’est pas la même. En revanche, je vois qu’au niveau national et de la presse, le projet de Marseille est plus appuyé que celui de Lille. C’est une interrogation, pourquoi ? Les similitudes entre les projets, c’est qu’on pose des bases pour aller au bout. Les gens qui en sont à la tête, à l’OM ou au LOSC, ce sont des gens qui y ont pensé et qui sont aptes à les mener au bout. Alors pourquoi appuyer un projet plus qu’un autre ? Je pose la question.

Dans les deux cas, les nouveaux propriétaires ont voulu un gros nom sur le banc, Bielsa à Lille, Garcia à Marseille. Et dans les deux cas, celui qui en a fait les frais, c’est vous… Ce n’est pas un peu injuste ?Non, lorsqu’une société, quelle qu’elle soit, est rachetée et qu’on va chercher un grand patron, eh bien on va le chercher. Il faut accepter le jeu. Au LOSC, je le savais, puisque j’ai signé pour cinq mois. À Marseille, je savais aussi que le jour où le club serait acheté, je partirais probablement. Je l’avais déjà accepté.

Je pars du principe que pour faire un métier, il faut avoir des bases. Et les bases que j’avais, c’était vingt ans d’expérience dans le foot.

Les joueurs qui deviennent entraîneurs après leur retraite, c’est parce que le terrain leur manque ? Ils n’arrivent pas à couper ?Moi, je suis devenu entraîneur avant de prendre ma retraite. On est tous attirés par le foot, depuis qu’on est petits, et on aime ça. Si j’ai terminé ma carrière à 35 ans, c’est parce que j’aimais le foot. Sinon, je serais parti avant. Quand j’ai eu des problèmes à 28 ans, pendant deux ans où j’ai été blessé et malade, j’ai pensé à mon avenir. J’ai commencé à passer des diplômes, au cas où ma carrière s’arrêterait. Je suis parti vers le coaching. En plus, dans les équipes où je jouais, j’étais un leader, un meneur d’hommes, c’est pour ça que ce rôle-là, je l’avais en tête. Mais on sait comment est la vie. Aujourd’hui, je suis entraîneur, tant mieux pour moi, j’ai fait ce que je voulais. Mais si ça n’avait pas été ça, ça aurait été autre chose.

Autre chose, certes, mais forcément dans le football ? Vous ne vous êtes jamais imaginé faire un métier dans la cuisine, dans l’immobilier…Ça, non. Je pars du principe que pour faire un métier, il faut avoir des bases. Et les bases que j’avais, c’était vingt ans d’expérience dans le foot. Alors que dans d’autres domaines, je ne l’avais pas. Ça ne m’aurait pas déplu de faire un autre métier. Mais quand on arrive sur le marché du travail à trente-cinq ans, avec peu de diplômes sauf le bac et des diplômes d’entraîneur, ben on tente de devenir entraîneur.

C’est en tant que joueur ou qu’entraîneur qu’on vit les matchs avec le plus d’émotions ? Pour moi, c’est en tant que joueur.

Et les entraîneurs qui ont l’air possédé sur le bord du terrain, qui bougent partout ?Ce n’est pas qu’on est possédés, c’est qu’on doit être attentifs à tout. Mais quand on est sur le banc de touche, on a très peu d’influence. Alors que quand on est au cœur du jeu, là, on peut en avoir une.

Comme joueur, vous avez vite été considéré comme un gros espoir, et mis dans la lumière. Comme entraîneur, c’est le contraire, vous avez démarré en tant qu’homme de l’ombre. Quelle situation vous plaît le plus ?Sincèrement, je n’ai pas de réponse. Moi, tant que je suis sur un terrain et que je fais du foot, je suis heureux. Je ne vais pas chercher plus loin.

Votre frère a déclaré qu’être numéro 2, c’était contre nature pour vous. Vous confirmez ?C’est vrai aussi. Mais si j’ai décidé d’être numéro 2, je le fais. Je suis quelqu’un qui a des principes. Si je dis « oui » ou « non » , je vais au bout de mon « oui » , ou au bout de mon « non » .

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Propos recueillis par Alexandre Doskov

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Jonathan DAVID of Lille celebrates his goal with Edon ZHEGROVA during the French Cup match between LOSC Lille and Golden Lion FC at Stade Pierre-Mauroy on January 6, 2024 in Lille, France. (Photo by Johnny Fidelin/Icon Sport)
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