Euro 08 : Zagreb, à la dynamite…
Principal pourvoyeur de la sélection au damier, le Dinamo Zagreb en est également le club phare. Son histoire s'inscrit pourtant en pointillé, reflétant quasi parfaitement la création tumultueuse de l'état croate.
1945, World War II is over. Josip Broz Tito pointe alors son nez dans les Balkans. Officiellement président de la république fédérale socialiste de Yougoslavie, et officieusement dictateur tenant d’une main de fer un territoire aux multiples ethnies et religions. Fragile puzzle.
Tito sait qu’il risque la guerre civile à tout moment et, fin tacticien, met un point d’honneur à endiguer toute velléité nationaliste. Le lourd passif qui plane sur ce territoire peut ressurgir à tout moment. Seule solution, la bonne vieille méthode communiste du lavage de cerveau. « Reset » pour tout le monde, et on repart de l’avant.
Côté ballon, cela se traduit par la suppression des anciens clubs. Le Gradjanski de Zagreb, capitale de la Croatie, n’échappe pas à la règle. Sur ses cendres renaît un phœnix nommé Dinamo, comme le Dinamo Moscou, parce qu’avec Staline, tu peux pas « test ». Par contre avec Tito, c’est jouable, et Zagreb sera la première à donner dans la provoc. Pour les couleurs, le bleu passe encore, mais lorsqu’arrive le choix du blason, les Croates font les malins et collent un damier rouge et blanc dans un cercle. Tito tique, et exige le rajout d’une étoile rouge. Ils s’exécutent, mais l’enjeu nationaliste est déjà bien ancré.
Très vite, une rivalité va naître avec le rival de Split, le Hadjuk, dont le président d’honneur n’est autre que le Maréchal de Yougoslavie himself. Split la rangée contre Zagreb la furie, le régime face à l’indépendance. Le Dinamo devient l’incarnation de cette mouvance nationaliste. Cinq coupes nationales, trois championnats, et une coupe de l’UEFA plus tard, Tito décède en 1980 et laisse enfin le Dinamo crier haut et fort. « C’est dans les stades de Zagreb que l’on a commencé à entendre des chants nationalistes croates. Le football était notre soupape, il n’y avait que là que l’on pouvait le faire. Après chaque match, il y avait des incidents et la police devait intervenir » confie Pero Zlatar, ancien directeur sportif du Dinamo, et ancien président du Cibona Zagreb de basket.
Après la chute du mur de Berlin, la Yougoslavie est elle aussi en voie de démembrement, la Slovénie ayant déjà fait part de ses envies d’émancipation. Alors le 22 avril 1990, les Croates font mieux et élisent le leader indépendantiste, et accessoirement premier fan du Dinamo, Franjo Tudjman au pouvoir.
Politique oblige, le club est rebaptisé en Croatia Zagreb sur décret du big boss, comme un symbole. En octobre 1990, la guerre qui couvait entre Serbes et Croates éclate enfin, inéluctable. La Croatie proclame son indépendance en 1991 (mais le conflit ravage les Balkans jusqu’en 1995) et avec elle, la Hrvatske Nogometne Lige voit le jour.
Le désormais Croatia Zagreb profite de son étroite relation avec Tudjman pour empocher des crédits bonus directement de sa main. À sa mort, en décembre 99, et l’élection d’un gouvernement social-démocrate, le Croatia redevient Dinamo, comme un symbole. Forcément un parrain pareil, ça vous gonfle un palmarès. Depuis 91, le Dinamo, c’est huit coupes et dix championnats de Croatie. Jean-Mladen Aulasic n’est pas loin.
Pour l’Euro, la sélection au damier présente pas moins de neuf joueurs ayant porté les couleurs du Dinamo, et non des moindres. La colonne vertébrale de l’équipe, Corluka-Simic-Modric-Kranjcar-Petric-Olic, a ainsi déjà gouté aux joies du stade Maksimir de Zagreb. Slaven Bilic, enfant de Split et formé au Hadjuk, est définitivement un putain de génie.
Par Paul Bemer et Lucas Duvernet-Coppola
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