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Éric Di Meco et Baptiste Serin avec Loïc Puyo : « Les rugbymen sont des footeux qui s’ignorent »

Par Loïc Puyo, avec Jérémie Baron
Éric Di Meco et Baptiste Serin avec Loïc Puyo : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les rugbymen sont des footeux qui s’ignorent<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Passé par la Ligue 1, la Ligue 2, le National, et même le championnat australien la saison dernière, le milieu de terrain Loïc Puyo (32 ans) prend la plume, depuis un an et demi, afin de raconter pour So Foot son quotidien de joueur. Cette semaine, avant une belle journée de Coupe d'Europe sur les terrains de rugby, il a décidé d'évoquer la relation entre foot et rugby, avec un joueur international de chaque discipline pour débroussailler le sujet : Éric Di Meco et Baptiste Serin.

Après les récents succès de nos équipes nationales – nos footeux qualifiés pour le prochain Mondial et nos rugbymen vainqueurs des All Blacks -, je me suis demandé pourquoi n’avions-nous pas célébré ces succès à l’unisson. Chaque camp a fait sa fête sans trop participer à celle du voisin. Cela démontre qu’il y a toujours une relation particulière entre foot et rugby, du moins entre « footeux » et rugbymen. Là où il n’y a pas de débat, c’est que le foot est le sport numéro un dans le monde et en France. Y a-t-il un complexe d’infériorité d’un côté, et de supériorité de l’autre ? Toujours est-il que la relation entre ces deux univers a toujours été nourrie de petites remarques, jalousie, mépris et chambrage en tout genre. Pour les footeux, les joueurs et amateurs de rugby sont des bourrins qui se battent en soirée, ne sont pas fins et aiment se plaquer ou se jeter dans la boue. À en croire les rugbymen, les footeux sont des starlettes qui se la racontent, simulent et touchent beaucoup trop d’argent.

Avec ce qui se passe en ce moment dans les stades, j’ai de plus en plus de mal à défendre mon sport face aux attaques des rugbymen.

Sales gosses et fanfarons

Avec trois séjours au Centre européen de rééducation du sportif à Capbreton (terre de rugby), j’ai pu vivre en immersion la cohabitation entre des sportifs de tous les horizons. Une expérience enrichissante qui m’a confirmé que la plus forte opposition qui existe est celle entre footballeurs et rugbymen. Au CERS, les footeux étaient peu appréciés. Il leur était reproché de ne pas se mélanger aux autres sportifs, de parler trop fort, de ne pas être respectueux et de se sentir un peu trop comme chez eux. Pour être honnête, j’aurais du mal à contredire cela. Avec leurs physiques souvent imposants, les rugbymen restent eux très accessibles, le verbe haut bien sûr, mais souvent avenants. Très bosseurs, ils ont vraiment l’esprit d’entraide et de solidarité dans la souffrance et l’effort. Moi, j’étais plutôt de ceux qui aimaient découvrir d’autres horizons, d’autres sportifs. Et on finissait toujours par me dire : « Tu n’es pas comme les autres footeux, tu as l’air intelligent et sympa. » Flatteur, mais plutôt piquant et, pour tout dire, représentatif de l’image du footballeur dans l’esprit des autres sportifs. On l’a peut-être mérité, mais je reste persuadé que si les gens essayaient de s’ouvrir, ils découvriraient chez les footballeurs des personnalités bien plus passionnantes qu’il n’y paraît.

Mets lui une cuillère Eric, oh !

« Le rugby est un sport où tu ne peux pas exister ni gagner sans les autres, alors que football est le sport collectif le plus individuel, les individualités prennent le pas sur l’équipe » : ces mots sont ceux d’Éric Di Meco. J’ai tout de suite pensé au mythique latéral de l’OM pour comparer ces deux sports : le vainqueur de la Ligue des champions 1993 débat aujourd’hui, sur RMC, autant sur le foot que sur le rugby aux côtés de Vincent Moscato et Denis Charvet. « Je reçois souvent des messages d’ex-joueurs de rugby me félicitant pour mes analyses, surtout si elles contredisent les avis des vrais spécialistes, pose-t-il. Dans le foot actuel, j’ai un peu l’impression d’avoir le rôle du vieux con, parfois je comprends moins les codes d’aujourd’hui. Avec ce qui se passe en ce moment dans les stades, j’ai de plus en plus de mal à défendre mon sport face aux attaques des rugbymen. Bon, en revanche, ils fanfaronnent encore plus après leur victoire face aux All Blacks et leur retour au premier plan. On les entendait moins quand ils ne gagnaient pas un match, ces dernières années. » Une situation qui a même fait dire à la ministre des Sports Roxana Maracineanu : « Heureusement que j’ai emmené mon fils au rugby plutôt qu’au foot. » Une pièce de plus dans la machine de ceux qui défendent la fameuse ambiance saine et familiale des stades de rugby. Le consultant RMC en remet une couche : « En 2017, je suis allé voir les demies de Top 14. Quatre clubs, accompagnés de leurs supporters, étaient réunis du côté de Marseille. L’ambiance fut exceptionnelle et surtout sans aucun débordement. Je ne suis pas sûr que dans le foot, le résultat serait aussi probant et magnifique. »

Chasse gardée et matchs mixtes

Mais il embraie sur un autre constat : « En revanche, en tribunes, les gens qui me reconnaissaient se sentaient obligés de tout commenter et tout m’expliquer, comme si, venant du foot, j’étais incapable de comprendre le jeu et les règles. Quand je vais voir un match de foot, je laisse les gens se faire leur opinion, c’est le sport le plus populaire au monde : il laisse cette liberté de l’aimer et de l’apprécier à sa façon. Le rugby est plus élitiste, les puristes et experts en font une chasse gardée. » Di Meco compte aujourd’hui plus d’amis rugbymen que footeux. Et quand il s’agit de faire la fête, le cliché se vérifie souvent. « Ils sont vraiment difficiles à suivre en soirée. En même temps, ils se sont entraînés toute leur carrière avec leur troisième mi-temps, qui est une tradition perpétuée du rugby amateur. Quand je suis en vacances avec eux dans le bassin d’Arcachon, ils sont à l’apéro du jeudi au dimanche, moi je dois faire des siestes pour tenir le coup. » Le rugby actuel lui fait beaucoup penser à son foot de l’époque : « C’est pour ça que je me retrouve davantage dans le monde du rugby, mais j’ai quand même l’impression qu’ils sont en train de faire les mêmes erreurs que le foot il y a vingt ans. Ils cherchent la médiatisation, la notoriété et des gros salaires, mais c’est ce qui a fait mal au football. Quand on voit le résultat, je ne sais pas si c’est une bonne chose. » Et il n’hésite pas à prévenir ses amis en les chambrant : « Vincent et Denis se proclament derniers défenseurs des vraies valeurs de l’ovalie, alors j’aime les renvoyer dans leur 22 en leur disant que les rugbymen sont des footeux qui s’ignorent. Qu’ils rêvent de la vie de footballeurs. Avec ça, je suis sûr de les vexer, ça m’amuse beaucoup. »

Baptiste Serin s’apprêtant à faire parler son pied droit sous les couleurs de l’UBB

On se rend compte que malgré des sports différents, on vit souvent les mêmes choses.

Pour respecter la parité, j’ai aussi voulu donner la parole à un rugbyman. Baptiste Serin, demi de mêlée international aux 42 sélections en équipe de France, a ainsi lui aussi évoqué cette relation si particulière entre ballons rond et ovale. C’est un garçon que j’ai rencontré il y a cinq ans lors d’une partie de golf, alors qu’il commençait à faire son trou dans les rangs de l’Union Bordeaux-Bègles. J’avais alors découvert un mec adorable, ouvert d’esprit, intelligent et plein d’humour. Nous sommes depuis restés en contact. « Je suis fan de foot depuis toujours, j’ai grandi avec les exploits de Ronaldinho au PSG, et je suis arrivé à Bordeaux pendant la glorieuse période des Girondins en 2009 », explique-t-il. Il a continué de suivre les rencontres des Girondins à Chaban-Delmas puis au Matmut-Atlantique, où il a fait la connaissance de Benoît Costil, Théo Pellenard ou encore Gaëtan Laborde. « J’ai tout de suite accroché avec eux, j’ai découvert des mecs supers. Quand on creuse un peu, on se rend compte qu’il faut se méfier des a priori. » Il le confirme : à la base, l’image et l’idée qu’on se fait des footballeurs ne sont pas toujours positives. « Effectivement, avant, les relations étaient très compliquées, c’était assez mal perçu de se mélanger. C’était plutôt à« celui qui a la plus grosse ». Mais je trouve que c’est en train de changer. Par exemple, je suis à l’origine d’un projet d’organisation d’un match de foot-rugby entre les deux clubs phares de Bordeaux afin de récolter des fonds pour des associations. Cette idée me tient vraiment à cœur et le fait de réunir ces deux sports pour un même objectif me paraît être un message fort. »

« Cette guéguerre est terminée »

Ce concept de match mixte existe aussi entre le RC Toulon et l’OM. Baptiste y participe depuis qu’il a posé ses bagages chez les Rouge et Noir en 2019. « J’ai eu l’occasion d’y rencontrer Maxime Lopez, avec qui on a bien sympathisé, ou encore Morgan Sanson et Jordan Amavi. En début de rencontre, on ne se mélangeait pas, on se regardait de loin. Puis au fil du match on a discuté, on s’est marré. Tout le monde a joué le jeu, c’était une super ambiance. On se rend compte que malgré des sports différents, on vit souvent les mêmes choses, les mêmes expériences, qu’elles soient positives ou négatives. » Baptiste n’est pas habile que de ses mains : « Déjà pendant les récrés au collège, tout le monde faisait du foot. Et nous les rugbymen, on aimait bien s’incruster pour montrer qu’on savait jouer. Je donnais ma vie à chaque fois ! » Aujourd’hui, Baptiste tape dans le ballon rond juste pour le plaisir. « À l’entraînement, je demande toujours, les veilles de match, de faire du foot en échauffement, on se régale. Dans le vestiaire, on aime parler de foot, on se rejoint souvent pour regarder la Ligue des champions tous ensemble. »

Sur les dérives dans les stades de foot, le regard de Baptiste Serin est intéressant : « Les premiers débordements dans le foot ont commencé par des insultes autour des terrains, peu importe le niveau. Ces débordements ont fini en agressions physiques. Beaucoup pensent que, dans le rugby, nous sommes épargnés, mais j’entends de plus en plus de vilaines choses de la part des supporters. Tout peut aller vite. Il faut absolument enrayer ces violences. Je suis le premier malheureux de voir ce qui se passe dans le foot. C’est le sport en général qui en pâtit. Il faut régler ce problème dans le sport le plus populaire de France et tout faire pour éviter la contagion dans les autres disciplines. » Le joueur international rêve aujourd’hui de collaboration : « Pourquoi ne pas faire plus d’actions communes, de rencontres et d’échanges ? Il faut arrêter d’opposer nos sports. Cette guéguerre est terminée, et chacun a beaucoup à apprendre de l’autre. »

Par Loïc Puyo, avec Jérémie Baron

Propos d'Éric Di Meco et Baptiste Serin recueillis par Loïc Puyo.


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