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  • Un jour, un transfert
  • Épisode 37

Dennis Bergkamp à Arsenal : Un terrien nommé Dennis

Par Gabriel Joly
Dennis Bergkamp à Arsenal : Un terrien nommé Dennis

Cet été pendant le mercato, So Foot revient chaque jour de la semaine sur un transfert ayant marqué son époque à sa manière. Pour ce 37e épisode, focus sur l'aviophobie de Dennis Bergkamp, qui l'a poussé à négocier une clause plutôt spéciale lors de sa signature à Arsenal à l'été 1995. Une histoire de méchants petits avions, de coercition européenne et de tribunes malveillantes.

« J’ai ce problème et je dois vivre avec. Je ne peux rien y faire, c’est psychologique et je ne peux pas l’expliquer. Je suis pris de panique. Cela commence la veille, quand je n’arrive pas à dormir. Je n’ai pas pris l’avion depuis deux ans ». Cette confession, c’est celle de Dennis Bergkamp, livrée un soir d’octobre 1996. Ce jour-là, l’attaquant néerlandais est au Pays de Galles avec sa sélection pour un match de qualification au Mondial 98. Pour s’y rendre, il a fait la route jusqu’aux Pays-Bas afin de rejoindre le camp d’entraînement, puis est revenu à Cardiff en voiture, seul, pendant que l’équipe prenait l’avion. Terrorisé par les engins volants, Bergkamp n’aurait pas été un aussi grand monsieur du football si Arsenal avait manqué de compréhension au moment de sa signature.

The Non-Flying Dutchman

Cette phobie de l’avion, Dennis Bergkamp l’a eue quasiment depuis le début de sa carrière à cause d’un traumatisme datant de 1989. Alors qu’il est encore à l’Ajax, un crash aérien au Suriname ôte la vie à son coéquipier Lloyd Doesburg.

On voyageait dans de méchants petits avions qui tremblent tout le temps. Ma phobie est devenue si grave que je regardais le ciel pendant les matchs à l’extérieur pour voir quel temps il faisait. Y avait-il des nuages à venir ? Parfois, j’étais préoccupé par le vol retour pendant que je jouais au football .

D’origine surinamienne, ce dernier était convié comme de nombreux joueurs à se rendre au pays pour un match d’exhibition contre une équipe locale. Ruud Gullit et Frank Rijkaard étaient également invités, mais leurs clubs avaient préféré qu’ils déclinent la proposition. Touché par cette tragédie, Bergkamp ne s’est plus senti aussi à l’aise dans les airs, mais le Hollandais a continué de voler malgré tout. Il faut dire que c’était obligatoire s’il voulait se rendre au Mondial américain de 1994. Lors du vol transatlantique avec la sélection hollandaise, il y aurait cependant eu de grosses turbulences et même une alerte à la bombe causé par une mauvaise blague d’un journaliste. De quoi complètement perturber Bergkamp, déjà pas rassuré par ses précédentes expériences en Italie. Après la Coupe du monde, le buteur connaît justement un trou d’air lors de la saison 1994-1995 avec l’Inter. « On voyageait dans de méchants petits avions qui tremblaient tout le temps. C’était si étroit que j’en devenais claustrophobe. Je me sentais si mal, j’ai commencé à développer une telle aversion, que j’ai soudain compris : je ne voulais plus faire ça. Ma phobie est devenue si grave que je regardais le ciel pendant les matchs à l’extérieur pour voir quel temps il faisait. Y avait-il des nuages à venir ? Parfois, j’étais préoccupé par le vol retour pendant que je jouais au football », a expliqué le principal concerné dans son autobiographie Stillness and Speed: My Story, parue en 2013.

En échec, en partie à cause de cette peur qui le déconcentre sur les terrains, Bergkamp est poussé vers la sortie par l’Inter lors de l’été 1995. Connaissant le potentiel du joueur, Arsenal saute sur l’occasion et en fait même la recrue la plus chère de son histoire. En position de force pour négocier, le Hollandais demande une clause très particulière dans son contrat : une interdiction formelle de le forcer à monter dans un avion. Qu’importe si cela lui coûte 100 000 livres chaque mois. Autrement dit, Bergkamp fait une croix sur les matchs à l’extérieur non accessibles par voies terrestres. « Ça l’arrangeait bien de jouer en Premier League puisque les déplacements sont assez courts en Angleterre, raconte Gilles Grimandi, son coéquipier chez les Gunners de 1997 à 2002. Quand on arrivait sur le tarmac, il restait dans le bus pendant qu’on rentrait en avion. Sur quelques trajets courts comme pour aller à Birmingham, il arrivait avant parce qu’il roulait directement du centre d’entraînement tandis que nous, on devait passer par l’aéroport ». Cette particularité lui a d’ailleurs valu le surnom de « Non-Flying Dutchman », dérivé de celui de Johan Cruyff.

Terre-à-terre

Lors de ses trois premières saisons au club, sa peur ne le pénalise pas plus que ça. Bergkamp fait la plupart des trajets en voiture et la destination la plus exotique de Premier League, en l’occurrence le St James’ Park de Newcastle upon Tyne, n’est qu’à trois heures de train. L’affaire se corse à partir de 1998, quand Arsenal commence à régulièrement se qualifier pour la Ligue des champions. « Il avait un chauffeur. Quand on allait loin à l’étranger, il partait la veille après l’entraînement tandis que le reste du groupe bougeait le jour-même, se souvient Gilles Grimandi. Mais quand il jouait en semaine, ça condamnait souvent le match du samedi à cause de la fatigue. J’avais très peur de l’avion moi aussi, mais moi, je ne pouvais pas me permettre de louper des matchs contrairement à lui ! »

Il avait un chauffeur. Quand on allait loin à l’étranger, il partait la veille après l’entraînement tandis que le reste du groupe bougeait le jour-même. Mais quand il jouait en semaine, ça condamnait souvent le match du samedi à cause de la fatigue .

S’il ne comprend pas vraiment la peur irrationnelle de Bergkamp, Arsène Wenger continue toutefois à faire confiance à son buteur, qui plafonne autour des 30 matchs en championnat chaque saison. Avant une rencontre décisive contre la Fiorentina pour sortir de la phase de groupes de Ligue des champions en 1999, l’Alsacien ne lui laisse pour autant pas le choix. « Quand Bergkamp n’est pas là, il nous manque grandement. Voyager sur route pour lui sera très fatigant mais c’est comme ça. S’il fait le trajet, je ne le mettrai pas sur le banc », prévient l’Alsacien. Le Néerlandais parcourt donc les plus de 1500 kilomètres qui séparent Londres de Florence pour repartir avec un 0-0 peu arrangeant. Il fera également le déplacement à Barcelone quinze jours plus tard. Deux de ses rares déplacements en Europe lors de ses années londoniennes.

Même s’il manque une flopée de rencontres, son talent lui permet de rester un leader du vestiaire et un titulaire difficile à déloger pendant de nombreuses saisons. « Face à un groupe, ce n’est pas simple d’afficher une faiblesse comme ça. C’est le genre de chose censée vous fragiliser face au regard des autres, juge Grimandi. Quand il jouait, il se faisait allumer par les tribunes extérieures. S’il avait un penalty à tirer, il y avait 20 000 personnes face à lui qui faisaient l’avion pour le déconcentrer ». En sélection, sa peur le bloque rarement puisque son équipe est suffisamment forte pour assurer à l’extérieur sans lui. Toutefois, si sa participation à l’Euro 1996 en Angleterre, à la Coupe du monde 1998 en France et à l’Euro 2000 entre la Belgique et ses Pays-Bas ne posent pas de problème, le Mondial suivant en Asie serait, selon certaines rumeurs, la cause de sa retraite internationale précoce, à l’âge de 31 ans. Mais visiblement ces heures passées seul dans les transports lui ont permis de songer à d’autres manières de voler sur le terrain. Peut-être même que ce 2 mars 2002, dans un train le menant de Kings Cross à Newcastle, il avait pensé, durant trois heures, à ce contrôle grand pont enrhumant un défenseur, qui l’amènerait au septième ciel.

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Par Gabriel Joly

Propos de Gilles Grimandi recueillis par GJ

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