- Journée internationale des câlins
- Réflexion autour du football
De l’importance des câlins dans le football

Ils permettent d'exprimer une joie intense après un but ou une victoire, ils servent à féliciter un coéquipier auteur d'une bonne prestation, à consoler un malheureux buteur contre son camp, à se donner du courage avant un match crucial... Bref, les câlins sont partout sur les terrains de football. Et sont indispensables au bon déroulé d'une rencontre.
Emmanuel Petit est seul sur la pelouse. Il regarde autour de lui, les yeux dans le vague. Il ne réalise sans doute pas très bien. À peine relevé, Bernard Diomède et Bernard Lama lui tombent dans les bras. La caméra pivote. À quelques pas du buteur, ce sont Vincent Candela et Frank Lebœuf qui s’enlacent. Et puis l’image s’attarde sur un Fabien Barthez à genoux, immobile, incrédule, au bord des larmes. Surgit alors Laurent Blanc. Sans même y penser, le défenseur embrasse le crâne dégarni de son gardien de but avant de le prendre dans ses bras. L’image fait le tour du monde et est une des premières qui vient à l’esprit des Français amateurs de football lorsqu’on évoque la finale de la Coupe du monde 1998. Pourquoi ? Parce qu’elle reflète une joie sincère, une explosion de sentiments humains, et rien d’autre. Et c’est le cas de toutes les images similaires relayées depuis les terrains de football. Quand le football n’est plus cette bulle spéculative décriée, quand le football n’est plus ce sport accusé d’avoir été déformé par l’argent, quand le football n’est plus que le reflet d’une société et un exutoire pour les émotions primaires d’hommes et de femmes redevenus enfants, c’est là qu’on prend la mesure de ce qu’il représente. Le football n’est jamais aussi beau que quand il se fait des câlins.
Des larmes et de l’humain
Alors que le monde du football est en constante évolution, et qu’il tend de plus en plus à entrer dans une sphère dont les chiffres sortent du cadre de compréhension d’un supporter lambda, le câlin permet à cette sphère de rester un tant soit peu « humaine » . Quand un footballeur sombre en larmes dans les bras d’un coéquipier, quand un footballeur va en consoler un autre – comme ce fut le cas lors de la dernière Coupe du monde, lorsque David Luiz va consoler James Rodríguez –, ils redeviennent tout à coup des humains. Jamais la starification des sportifs de haut niveau n’a été plus exacerbée qu’à notre époque. Dès le plus jeune âge, les footballeurs sont hissés au rang d’idoles, de héros intouchables, de surhommes, même, parfois. Alors, quand ces stars dont on ne peut qu’imaginer vaguement le quotidien, s’abaissent à pleurer, à tomber dans les bras d’un coéquipier, d’un coach, le public fait tomber les piédestaux sur lesquels étaient dressés ces sportifs. Parce que la joie communicative qui suit un but marqué n’est pas conditionnée par des salaires et des contrats : elle est la même en poussins qu’en finale de la Coupe du monde.
Le câlin, c’est humain. C’est le geste le plus instinctif quand on veut féliciter quelqu’un, le consoler ou partager une émotion forte avec lui. Et les footballeurs ne sont pas des exceptions, bien au contraire. Ils vivent dans un monde où chaque émotion est décuplée, ou un « simple » match de football devient un enjeu de vie ou de mort. Et le supporter partage ces émotions. Combien d’Anglais ont pleuré avec Gazza, en 1990, quand cet anti-héros en quête de rachat a compris qu’il ne disputerait pas son éventuelle finale ? Combien ont eu envie de le serrer dans leur bras à ce moment précis ? Beaucoup, assurément. Une fois que le rêve partagé de devenir professionnel s’effondre, le public s’identifie, accapare un joueur pour s’identifier à lui. Et partage la moindre de ses émotions. Et le moment précis où ce joueur marque un but important, par exemple, est l’aboutissement d’une union parfaite : en serrant dans ses bras la personne assise à côté de lui dans le canapé, le supporter partage le câlin du buteur et du passeur.
Les câlins, c’est bon pour la santé
En plus de lier émotionnellement un footballeur à ses spectateurs, le câlin est indispensable à la santé des sportifs de haut niveau. Les études l’ont prouvé : les câlins permettent, par exemple, de diminuer le niveau de stress avant un événement important. Le câlin permet également de calmer les pulsations cardiaques, comme l’explique une étude de l’université de Caroline du Nord. En plus de tout ça, les accolades sont aussi un excellent boost pour la confiance. D’après une étude publiée dans le mensuel Psychological Science, un câlin permet d’affronter les questions d’estime de soi. Important pour les buteurs. Enfin, dernière conséquence positive des câlins, et pas des moindres, ils feraient baisser la pression artérielle de manière assez significative. Avec tout ça, les câlins ne sont pas près de disparaître des terrains de football. Qu’importe si les salaires continuent d’augmenter, qu’importe si les clubs anglais continuent de déréguler les marchés des transferts, qu’importe si les footballeurs signent des contrats publicitaires toujours plus juteux : au bout du compte, quand ils marqueront un but, ils redeviendront les enfants que nous sommes tous quand nous jouons au football. Et ils tomberont dans les bras de leur coéquipier le plus proche, parce que la joie du moment est si intense qu’elle ne peut être que partagée. Vive les câlins.
Par Gabriel Cnudde