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Coupe du monde : Stéphanie Frappart, un paradoxe au Qatar

Par Nicolas Kssis-Martov
Coupe du monde : Stéphanie Frappart, un paradoxe au Qatar

Stéphanie Frappart va devenir la première femme à exercer la fonction d’arbitre principale lors d’un match de Coupe du monde de football masculin, ce jeudi soir, à l'occasion de Costa Rica-Allemagne. Un symbole fort dont la FIFA compte bien se servir pour faire oublier sa gestion calamiteuse des polémiques autour de son Mondial. Car cette première survient dans un pays où les femmes ne disposent que de droits limités. Une réalité sur laquelle la grande famille du ballon rond ne s’est guère exprimée.

Ce Costa Rica-Allemagne va entrer dans l’histoire, quels qu’en soient le résultat et les conséquences pour les deux sélections, qui jouent pourtant gros à cette occasion. Stéphanie Frappart, bien connue en France, où elle exerce déjà en Ligue 1 depuis 2019 (et lors des compétitions européennes comme la Supercoupe ou la Ligue des champions), sera la première femme à arbitrer une rencontre entre 22 messieurs dans une Coupe du monde masculine (elle était quatrième arbitre pour Mexique-Pologne et Portugal-Ghana). Le moment n’a de la sorte rien d’anodin. Si les pros du sifflet sont devenus l’objet de toutes les critiques et souvent les boucs émissaires des mauvais résultats, ils conservent une mission symbolique d’autorité. Ces protecteurs du jeu incarnent finalement ce qui distingue, dans son essence, le ballon rond des autres sports, autrement dit ses règles spécifiques. Quand l’ancienne joueuse d’Herblay brandira un carton jaune devant un petit gars de la Mannschaft, visuellement, devant des centaines de millions de téléspectateurs et spectatrices potentielles, l’instant sacrilège fera forcement le bonheur des réseaux sociaux et des commentateurs.

Pour nous, ce sont uniquement des arbitres officielles. Et c’est le message que je leur ai donné : « Vous n’êtes pas ici parce que vous êtes des femmes, vous êtes ici parce que vous êtes des arbitres de la FIFA. »

Une arbitre ordinaire

La principale intéressée, qui conserve par ailleurs un emploi à temps partiel à la FSGT, reste discrète et n’aime guère endosser ce rôle imposé de « pionnière » . Elle préfère ramener son évolution à la seule reconnaissance de ses compétences. « Je suis très émue, car ce n’était pas forcément attendu. Une Coupe du monde, c’est le summum, la plus grosse compétition au monde. Donc je suis honorée d’y participer », expliquait-elle déjà en septembre à l’annonce des arbitres retenus pour la compétition. Même son de cloche dans les instances de la FIFA. La légende Pierluigi Collina, responsable de l’arbitrage au niveau international, avait aussi pris la parole au coup d’envoi du tournoi : « Pour nous, ce sont uniquement des arbitres officielles. Et c’est le message que je leur ai donné : « Vous n’êtes pas ici parce que vous êtes des femmes, vous êtes ici parce que vous êtes des arbitres de la FIFA. »  » Ce discours édulcore toute récupération universaliste trop occidentalo-marquée (égalité hommes-femmes) pour mettre l’accent sur le vieil argument méritocratique. Il est peut-être aussi un moyen de se protéger d’un possible bashing ou bad buzz sexiste en cas d’erreur flagrante qui éliminerait l’un ou l’autre (on pardonne peu à celles qui doivent se montrer exemplaires). Il s’agira plutôt de juger la prestation d’une arbitre ordinaire parmi les arbitres ordinaires.

La question du droit des femmes au Qatar

Seul problème, cette Coupe du monde n’a rien d’ordinaire. Elle se déroule au Qatar. Et dans ce pays, les droits des femmes, peu évoqués, sont loin d’être satisfaisants. En commençant par les nombreuses travailleuses migrantes, souvent en tant que domestiques, qui en plus des conditions de travail difficiles, subissent violences et agressions sexuelles. Les Qatariennes quant à elles conservent de fait un statut de sous-citoyennes. Amnesty International rappelle qu’en dépit de progrès formels (droit de vote ou accès à des charges publiques, voire certains sports), « dans le cadre du système de tutelle, elles restent liées à leur tuteur masculin, généralement leur père, frère, grand-père ou oncle ou, pour les femmes mariées, leur mari. Les femmes ont toujours besoin de l’autorisation de leur tuteur pour prendre des décisions de vie essentielles, comme se marier, étudier à l’étranger grâce à des bourses du gouvernement, occuper de nombreux emplois de la fonction publique, voyager à l’étranger jusqu’à un certain âge et recevoir certains types de soins de santé reproductive. »

On imagine en conséquence que la FIFA, qui brille par son silence sur la question LGBT ou des droits humains, va tout faire pour confiner le cas Stéphanie Frappart aux seules limites du stade. Pour ce qui relève de la France, on se souvient de la prise de position d’Hugo Lloris concernant l’homophobie : « Lorsqu’on accueille des étrangers en France, on a souvent l’envie qu’ils se prêtent à nos règles et respectent notre culture. J’en ferai de même lorsque j’irai au Qatar. Je peux être d’accord ou pas d’accord avec leurs idées, mais je dois montrer du respect par rapport à cela. » Dans ce cadre, en suivant jusqu’au bout cette logique, n’aurait-il pas fallu laisser Stéphanie Frappart à la maison pour ne pas froisser les hôtes du Mondial ? Cela dit, Noël Le Graët n’hésite pas de son côté à faire savoir que ses bonnes relations avec Gianni Infantino ne sont pas étrangères à cette décision.

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