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Charme et Čech

Par Maxime Brigand
Charme et Čech

Mardi, via un message sur les réseaux sociaux, Petr Čech a annoncé qu'il mettrait un terme à sa carrière au printemps. Mais alors, que faut-il retenir ? Beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses.

C’est l’histoire d’un type qui, enfant, rêve d’enfiler un plastron, un casque, une culotte et de se balader avec une crosse dans la main droite. Il passe ses journées à se fantasmer en Dominik Hašek, plus connu sous l’étiquette de Dominator : pourquoi ? Car dans les discussions, Hašek est celui dont on parle comme du « dernier rempart » , comme un « sauveur » , souvent « seul » et, surtout, différent : il a un autre équipement, un autre rôle et a la possibilité de prendre le palet à la main. Forcément, chez le gosse qu’est Petr Čech, la perspective excite : « Papa, je veux être comme ça. » Être un héros, un numéro un, un mec à part, un homme qui sort sur le terrain pour détruire le plaisir là où les autres se pointent pour le créer.

Problème, le hockey sur glace est trop cher, alors, en 1989, Václav Čech décide de ré-axer son fils vers le foot. Un monde que Petr découvre dans un premier temps sur le côté, ailier gauche, où il brille grâce à une vision du jeu singulière et sa capacité naturelle à « organiser les mouvements » . Jusqu’à un duel fatal : lui contre le gardien, son tibia et son péroné contre les crampons de ce « dernier rempart » . Pendant un an, Petr Čech ne peut rien faire, si ce n’est « capter des ballons et être au sol » . La suite, c’est un rendez-vous raté par les deux gardiens de son équipe de l’époque, un entraîneur qui lui demande de s’essayer dans le but et les planètes qui s’alignent. Avant le sommet.

Il était un soir, à Munich

Le 20 mai 2012, à trois heures du matin, Petr Čech est à Munich. Dans sa main, un cognac, qu’il accompagne d’un cigare. Il est dans un salon d’hôtel, avec Didier Drogba et Christophe Lollichon, rencontré dix ans plus tôt à Rennes, sur un parking. Leur premier échange ? « Petr, pourquoi tu joues aussi bas ? » Sur le coup, le natif de Plzeň ne comprend pas, avoue qu’il a « joué assez bas toute sa vie » , mais accepte d’écouter les conseils avant de pousser pour la nomination de Lollichon comme entraîneur des gardiens du Stade rennais. Petr Čech a rejoint le club breton lors de l’été 2002, quelques semaines après avoir remporté l’Euro espoirs avec la République tchèque en battant en finale l’équipe de France. Lollichon, lui, arrive à ses côtés un an plus tard : « Au bout de trois jours, je me suis demandé ce que j’avais fait. Il était fou. Lors du premier match amical, il a collé des élastos sur la pelouse, dans le prolongement des lignes de la surface de réparation et hurlait : « Va plus haut ! Va plus haut ! » Il ne me laissait pas une seconde pour souffler. C’est là qu’on a commencé à analyser les matchs en détails, lui et moi. On a la même philosophie du poste de gardien : on veut trouver la perfection. » Alors, quelques semaines avant cette soirée du printemps 2012, Christophe Lollichon et Petr Čech s’enferment. Avec un objectif : bouffer de la vidéo.

L’objet d’étude est le Bayern Munich, adversaire d’une finale de Ligue des champions après laquelle Čech court depuis qu’il a signé à Chelsea, huit ans plus tôt. « On regardait des penaltys, des situations de jeu, des actions de Robben, Ribéry, on analysait la manière dont Mario Gómez arrivait à se rendre disponible, expliquait l’ancien gardien des Blues lors d’un entretien donné à SO FOOT en septembre 2017. On a tout regardé, avec l’aide des autres gardiens du club – Hilario, Turnbull, Blackman. Avec du recul, je me demande encore comment il est possible de regarder autant d’images pour préparer une rencontre. Mais ce fut la clé de notre succès. » Un succès décidé au bout de la nuit et au terme d’une séance de tirs au but étouffante, débutée par une phrase d’Hilario à Čech : « Maintenant Petr, c’est ton talent qui va faire la différence et nous faire gagner la Ligue des champions. »

Vidéo

Avant la finale, Lollichon s’est enfilé tous les penaltys tirés par le Bayern depuis 2007 : un montage de 29 minutes et 30 secondes qui donnera des clés au gardien tchèque. Résultat ? Petr Čech sort un penalty de Robben en pleine prolongation, part du bon côté sur les cinq tirs au but du Bayern, arrête celui d’Olić et est aidé par son poteau sur le dernier de Schweinsteiger. Chelsea est champion d’Europe, Lampard s’en va prendre la parole face caméra : « Neuer est un gardien fantastique, mais aujourd’hui, Petr Čech a réaffirmé qu’il était le meilleur gardien du monde. » D’où le cigare, d’où le cognac.

Le casque, les plaques et la machine

Pourquoi aime-t-on Petr Čech ? Tout simplement pour ça : parce qu’il est un type à part, brillant gants aux mains, brillant intellectuellement – très bon élève enfant, il parle plus de six langues –, brillant dans sa recherche de la performance. « Je sais que le corps humain a des limites, mais personne ne les connaît » , glissait-il, toujours à SO FOOT, tout en s’ouvrant sur son travail quotidien : « Si tu vas à l’entraînement sans challenge, tu acceptes de t’enfermer dans une routine et tu ne progresses plus. Par exemple, je capte des ballons depuis trente ans, donc je ne peux plus m’améliorer là-dessus. La répétition est trop simple, donc j’essaye surtout de travailler la phase de préparation, l’approche, de me mettre en danger. » Le danger, justement : si le gardien de but passe ses journées à régler son corps afin de devenir une machine infaillible, Čech a un jour vu sa cuirasse se fendre. C’était en octobre 2006, jour où Stephen Hunt est venu s’empaler dans le crâne du gardien de Chelsea et où le Tchèque a « survécu » . Sur le moment, certains médecins lui affirment que sa carrière doit s’arrêter. Lui, non, ce qui donne une image : au XXIe siècle, Petr Čech a empêché le mal avec un casque et des plaques dans la tête, ce qui l’a longtemps embêté dans les aéroports.

Et les chiffres, dans tout ça ? Qu’on se le dise : Čech semble avoir été bâti pour ce rôle de héros, du Chmel Blšany au Sparta Prague, du Stade rennais à Arsenal, mais surtout à Chelsea, où il aura soulevé quatre championnats d’Angleterre, dont un, décroché en 2005, avec 24 clean sheets. Ce qui ramène au plus célèbre des records du bonhomme : à 36 ans, il est le champion des clean sheets en Premier League (202, sur 443 matchs joués). Mais les chiffres ont toujours été secondaires pour Petr Čech, batteur à mi-temps, même si son père a longtemps tenu un cahier de statistiques compilant toutes les prestations du fiston. Lui aime avant tout les joueurs, les hommes, ce défi collectif qui explique qu’il a signé à Arsenal, en 2015, après avoir perdu sa place de titulaire à Chelsea. Pourquoi Arsenal ? Pour tenter de faire « gagner » un club qui ne gagne plus, ce que Čech n’aura pas réussi à faire. Aujourd’hui, il a de nouveau laissé sa place à un gardien d’un autre style (Bernd Leno) et avoue avoir « accompli tous les objectifs » qu’il s’était fixés. Alors, Petr Čech va s’en aller au printemps, partira avec des images, des souvenirs, sa demi-finale de C1 extraordinaire contre le Barça en 2012, sa séance de Munich, son arrêt dingue sur une tête d’Andy Carroll en finale de la FA Cup la même année… Et une promesse, alors qu’il a déjà passé ses premiers diplômes de coach : « Quand je vais arrêter le foot, vous ne me trouverez jamais à la maison, assis, les jambes en l’air, à ne rien faire. » Alors, à bientôt, fucking legend.


L’hommage de Christophe Lollichon

« Il y a des nouvelles que l’on ne voudrait jamais lire ou entendre, en croyant naïvement que l’éternité existe, que le temps n’a pas de prise sur les moments forts de votre vie, sur les personnes qui ont contribué a faire ce que vous êtes.

La décision de Petr nous ramène à la réalité. The End existe bien et pas seulement a la fin des films.

L’histoire aura duré 20 ans. J’ai eu le bonheur et l’honneur d’en partager neuf avec lui.

J’ai toujours été conscient de la chance que j’ai eu d’avoir pu côtoyer, travailler, quasiment vivre avec ce joueur, cet homme.

En tant qu’entraîneur de gardiens, vous ne pouvez pas espérer mieux. Petr m’a tout simplement rendu meilleur par son exigence, son professionnalisme et son humanité. Il véhicule l’image du footballeur que l’on souhaiterait voir suivre par les nouvelles générations.

Il a massivement contribué à l’évolution du poste de gardien sans jamais tomber dans le piège du « spectaculaire », préférant donner la priorité à l’analyse permanente du jeu afin d’anticiper les solutions, en étant le plus proactif possible.

Je suis extrêmement fier d’avoir partagé cela avec toi Petr.

N’oublie pas que le football a besoin de toi, quel que soit le rôle que tu puisses y tenir.

Merci pour tout,

Christophe. »

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