- CAN 2024 Féminine
CAN 2024 féminine : le Maroc en hôte de luxe, l’Afrique en quête de lumière
Reportée à juillet 2025, la CAN féminine revient au Maroc pour une édition stratégique (du 5 au 26 juillet). Entre ambitions sportives et quête de reconnaissance, le football féminin africain veut enfin sortir de l’ombre.

En ce mois de juillet 2025, les amateurs de football féminin ont de quoi se réjouir. En parallèle de l’Euro 2025, qui occupera le devant de la scène européenne, le continent africain accueillera la 15e édition de la Coupe d’Afrique des nations féminine – officiellement encore nommée « édition 2024 », malgré son report dû aux Jeux olympiques de Paris. Un rendez-vous prometteur, à la fois festif et décisif pour la reconnaissance du football féminin africain. Sur les pelouses marocaines, les meilleures sélections du continent vont s’affronter dans un tournoi encore trop souvent relégué au second plan.
Depuis sa création en 1991, la compétition a bien évolué : le passage de huit à douze équipes en 2022, un format modernisé, des efforts visibles de la Confédération africaine de football (CAF) pour professionnaliser le tournoi, etc. Sur le terrain comme dans les tribunes, la passion est bien là, même si la CAN féminine peine encore à sortir de l’ombre et à se faire un nom. La couverture médiatique reste marginale – le tournoi sera diffusé cette année sur la chaîne YouTube de la CAF, CAF TV – , les sponsors se font rares, et les médias traditionnels hésitent encore à lui consacrer de l’espace. Tandis que l’Euro féminin 2025, organisé en Suisse, s’annonce déjà comme un événement majeur du calendrier, la CAN, elle, continue de lutter pour exister, même sur son propre continent.
Le Maroc, hôte stratégique et symbole d’un tournant
Cette édition 2024 ne sera cependant pas une CAN comme les autres. Pour la deuxième fois d’affilée, le Maroc enfile le costume d’hôte (c’était déjà le cas en 2022). Et comme jamais deux sans trois, l’édition 2026 aura, elle aussi, lieu sur le même territoire. Un triplé inédit dans l’histoire de la compétition, symbole fort de l’ambition marocaine. Un choix hautement stratégique, révélateur des ambitions du Royaume sur la scène sportive continentale et mondiale. Les mots de Patrice Motsepe, président de la CAF, ne laissent aucune place au doute : « Cette CAN sera la meilleure et la plus réussie de l’histoire de la compétition. Les pays africains se déplaceront au Maroc afin de célébrer cette grand-messe du football africain. »
The #TotalEnergiesWAFCON2024 final draw: ✅ Which group is the toughest? 🤩 pic.twitter.com/UNiolcvSNd
— CAF Women’s Football (@CAFwomen) November 22, 2024
Un coup de projecteur bienvenu pour une compétition en quête de reconnaissance, mais aussi un signal politique fort : le Maroc veut s’imposer comme le hub du football africain, toutes catégories confondues. Après avoir accueilli la CAN U17 (du 30 mars au 19 avril 2025), le pays enchaîne donc avec une nouvelle CAN féminine, mais aussi la Coupe du monde U17 féminine (du 17 octobre au 8 novembre 2025), puis la très attendue CAN masculine (du 21 décembre au 18 janvier 2026). Une déferlante footballistique.
Sur le plan des infrastructures, le Royaume met les petits plats dans les grands : six stades répartis sur cinq villes (Rabat, Casablanca, Mohammedia, Berkane et Oujda) accueilleront la compétition. Le match d’ouverture et la finale auront lieu au stade olympique de Rabat. Cette répartition géographique témoigne d’une volonté de décentraliser l’événement, d’impliquer les territoires, et de permettre à un maximum de supporters d’accéder aux rencontres. C’est aussi une démonstration de force : celle d’un pays qui veut prouver qu’il est capable d’organiser à la chaîne des tournois majeurs, avec une logistique maîtrisée et des conditions dignes du haut niveau.
Des stars, des outsiders et des promesses
Sportivement, cette édition 2024 a de quoi séduire. Douze nations, trois groupes, des sélections en pleine progression et quelques figures bien connues du football féminin africain. Dans le groupe A, le Maroc jouera à domicile avec une équipe séduisante emmenée par Ghizlane Chebbak, fille du légendaire Larbi Chebbak, et un public fidèle. Finalistes en 2022 après avoir éliminé le Nigeria, les Lionnes de l’Atlas veulent confirmer. Elles affronteront la Zambie de Barbra Banda ainsi que le Sénégal et la RD Congo.
Le groupe B sera dominé par les Super Falcons du Nigeria. Onze fois championnes d’Afrique, les Nigérianes ont longtemps régné sans partage. Mais les écarts se resserrent. Si Asisat Oshoala est toujours là, l’Algérie, la Tunisie et le Botswana espèrent créer la surprise. Le groupe C est le plus ouvert : l’Afrique du Sud, tenante du titre, retrouvera le Ghana, le Mali et Zanzibar, invité surprise qui fait figure de petit Poucet. Les Sud-Africaines, bien coachées, solides techniquement, veulent désormais asseoir leur nouveau statut après avoir tenu tête à la Suède et à l’Italie lors de la dernière Coupe du monde.
Une vitrine… et un miroir des inégalités
Derrière les sourires des affiches officielles, et les discours de circonstance, la réalité est bien plus contrastée. Dans beaucoup de pays, les joueuses continuent de se battre pour le strict minimum : primes inexistantes, équipements dépareillés, stages annulés, voyages organisés à la va-vite… Le professionnalisme reste, dans bien des cas, un vœu pieux. Certaines voix commencent à briser le silence. Cynthia Djohoré, gardienne de la sélection ivoirienne, se confiait récemment à Ancré Magazine : « On doit venir avec notre propre paire de gants. On ne perçoit aucune prime pour les entraînements, seulement 8 euros pour le transport. Ce n’est pas avec les 150 euros que me verse le club que je peux nourrir ma fille. »
Sur le continent, seules quelques structures comme l’AS FAR de Rabat ou les Mamelodi Sundowns en Afrique du Sud offrent un semblant de stabilité. La Ligue des champions féminine africaine, lancée en 2021, tente d’installer une dynamique. Mais les écarts restent abyssaux. Du 5 au 26 juillet, les yeux se tourneront – enfin, un peu – vers le Maroc. Il y aura du jeu, de la ferveur, des moments d’émotion. Peut-être aussi des surprises, des révélations, des trajectoires inspirantes. Cette CAN 2024, si elle tient ses promesses, pourrait marquer un tournant. Non seulement pour les sélections africaines, mais aussi pour la reconnaissance d’un football trop longtemps marginalisé. Alors, que la fête commence.
Les Parisiens sur un nuage après leur succès face au RealPar Nesrine Bourekba