CAN ’08 : Welcome to Ghana !!!
Tous les deux ans, c'est la même romance. A chaque biennale africaine, toujours les mêmes rengaines. Dans la presse française, les marronniers reviennent hanter à intervalles réguliers nos colonnes et en Afrique subsaharienne, on appelle ça comment ? Des baobabs ? Des doums ? Des moabis ? Le tournoi n'est pas encore commencé que déjà la Ligue professionnelle anglaise et Sepp Blatter himself en remettent une couche sur l'organisation de la CAN les années impaires au mois de juin. Peu importe que la saison des pluies sévisse alors dans la majorité des pays du continent, seuls comptent les intérêts des clubs européens et notamment des Anglais qui enrôlent désormais de l'Africain à tour de bras (42 sont présents au Ghana).
La CAF (la Confédération africaine, pas la Caisse d’allocs familiales) a concédé un premier arrangement en avançant Angola 2010 de dix jours. Une mesure qui ravira les pays qui bénéficient d’une trêve hivernale mais sûrement pas Albion qui redouble d’efforts à cette période de l’année.
Mais qu’importe finalement puisque les stars du Continent Noir sont indéfectiblement liées à une épreuve qui connaît un essor considérable depuis une petite vingtaine d’années. Il ne viendrait à l’idée d’aucune d’entre elles d’imiter Kaka, Ronaldinho ou Ronaldo, plus avant, de se voir dispenser comme les étoiles brésiliennes le font de temps à autre avec la Copa America.
SEPT COACHES FRANCAIS
Au fil du temps, la Coupe d’Afrique des Nations est donc devenue après l’Euro la seconde compétition continentale de la planète. L’afflux massif de footballeurs venus d’Afrique sur le Vieux Continent depuis l’arrêt Bosman (et ses avenants Malaja et Cotonou) contribue également à élever le niveau même s’il a tendance à gommer les spécificités locales. On glose moins cette année en revanche sur la nationalité des sélectionneurs. Seules quatre équipes africaines disposent pourtant d’un sélectionneur du cru (l’Angola, l’Egypte, le Soudan et la Zambie) tandis que les Français sont les plus nombreux avec sept coachs (si l’on compte le Franco-Polonais Kasperczak). Malgré l’absence de Stilieke (reparti outre-Rhin veiller son fils malade), on compte trois Allemands, Pfister (Cameroun), Fabish (Bénin) et Vogts (Nigeria). Un Brésilien (Pareira) pour l’Afrique du Sud et un Néerlandais (Schans pour la Namibie) complètent le contingent.
Cette vingt-sixième CAN pourrait donc être la plus relevée de l’histoire. Une bonne moitié des escouades présentes peuvent en outre prétendent l’emporter. Contrairement à ses homologues des autres continents, néanmoins, organiser l’épreuve confère un avantage certain. Onze pays hôtes l’ont emporté en vingt-cinq éditions dont les deux derniers, soit la Tunisie (en 2004) et l’Egypte (en 2006) ; par comparaison, le ratio est de trois sur douze en Europe.
LE GHANA POUR L’HISTOIRE
Comme son vieil ennemi égyptien, il y a deux ans, le Ghana de Claude Leroy jouera pour l’histoire avec en ligne de mire un virtuel cinquième sacre. Comme les Pharaons, les Black Stars sont plutôt performants à domicile puisqu’ils gagnent à chaque fois ou presque (1963 et 78).
Seule la co-organisation avec le Nigeria (en 2000) ne lui a guère réussi (éliminé en quarts de finale). Recordman des finales (7 dont la dernière en 1992), le Ghana devra néanmoins composer avec une pression maximale et l’impatience de ses fans qui attendent une victoire depuis 1982.
Vainqueur de cette CAN avec les Black Stars à 18 ans (??), Abedi Pelé verra peut-être son fils Ayew, présent à cette édition, lui succéder au palmarès. Il faudra d’abord sortir d’un groupe A particulièrement épicé où figurent le Maroc, qui n’en finit plus de surprendre, et la Guinée de Nouzaret, un des mavericks les plus redoutables de l’épreuve. Les Brave Warriors namibiens, qualifiés pour la deuxième fois de leur histoire à la dernière minute au détriment de la RDC, seront là pour apprendre.
Les Ghanéens auront également intérêt à terminer premiers de leur poule car celle-ci sera croisée en quarts de finale avec le groupe de la mort que chaque compétition digne de ce nom se doit de comporter. Comme son alter ego, le groupe B sera composé de trois vainqueurs potentiels et notamment du gros favori de la compétition pour bon nombre d’observateurs, la Côte d’Ivoire, vice-champion d’Afrique en titre et mondialiste émérite il y a une paire d’années. Un Nigeria rajeuni et des Aigles maliens aussi irréguliers que talentueux lui disputeront le droit de passer ce premier tour. Comme la Namibie, les Ecureuils béninois de Stéphane Sessignon prendront des notes avant de revenir une troisième fois.
La lecture du groupe C sera a priori aisée puisque les quintuples champions égyptiens et un Cameroun revanchard et à la recherche de son lustre d’antan devraient aisément se qualifier aux dépens des Faucons du désert soudanais (triples finalistes et vainqueurs en 1970 quand même) et de la Zambie (indigente depuis 1996).
Le groupe D pourrait bien être le plus passionnant de cette première phase avec quatre équipes qui se tiennent. Le Sénégal d’Henry Kasperczak et la Tunisie de ce bon Roger semblent toutefois sur le déclin. Les Tunisiens ont eu du mal à digérer leur titre de 2004 malgré les innombrables efforts de l’ex-sélectionneur des Bleus pour renouveler sa formation. Le Sénégal vieillissant, corrigé il y a peu par le Maroc en amical (0/3), connaît lui aussi d’énormes difficultés à se remettre de sa formidable année 2002. En conséquence, on miserait bien quelque argent sur de jeunes Bafana-Bafana cornaqués désormais par Carlos Alberto Parreira, le faiseur de miracles brésilien, et sur les Palancas Negras angolaises, surprenants mondialistes et convaincants pour faire sauter la banque. Les deux formations, rajeunies, préparent chacune une compétition d’importance chez elles, alors…
LE GHANA, TERRE DU PANAFRICANISME
Trente ans après, la CAN revient donc vers la deuxième nation du continent (après le Soudan) à obtenir son indépendance en 1957. Un pays singulier où son premier Premier ministre, Kwame Nkrumah, fut un des héros de l’Afrique indépendantiste, appelant à la désobéissance civile, ce qui lui vaudra quelques ennuis avec le tutorat britannique avant d’obliger ce dernier à quitter la Côte-de-l’Or (l’ancien nom de la République du Ghana). Ami personnel du théoricien du Panafricanisme, l’Antillais George Padmore, Nkrumah rêve d’ « Etats-Unis d’Afrique » , un souhait qui restera un vœu pieu mais qui saura influencer durablement d’innombrables artistes africains comme l’immense Fela Anikulapo Kuti, qui migrera même en exil au Ghana en 1978 quand Obasanjo, le président nigérian, voudra le mettre aux arrêts, en hommage à l’ex-président ghanéen.
Aujourd’hui, le deuxième producteur de cacao de la planète (22 millions d’habitants) vit loin des coups d’Etat qui furent fréquents jusqu’au début des 80’s. John Kufuor, son président, qui termine son deuxième mandat, fait même figure de sage dans la région sub-saharienne puisqu’il intervient régulièrement dans les conflits alentour : Sierra Leone, Liberia, Côte d’Ivoire, RD Congo…La CAN, qui revient en Afrique noire pour la première fois depuis 2002, semble connaître quelques problèmes d’infrastructures (la recherche d’un hôtel sur l’un des quatre sites semble toujours problématique) et les prix pratiqués irritent prodigieusement le million de visiteurs attendus, loin des dix millions de supporters/touristes qui s’étaient rendus à la coupe d’Asie l’été dernier mais le pouvoir d’achat n’est évidemment pas le même entre les deux continents…
En attendant, les visiteurs ghanéens pourront toujours se rendrent aux innombrables concerts donnés à Sekondi, Kumasi, Tamale ou Accra voir Tic Tac, Mensah, Buk Bak ou Bollie et Tinny. Longtemps berceau du highlife, une sorte de rythmn n’ blues portuaire, et tête de pont du rap américain en Afrique, le Ghana voit fleurir depuis environ une décennie une incroyable scène hip life, subtile collision des deux genres qui explose dans toute l’Afrique anglophone et qui commence à embraser aussi toute l’Amérique du nord. Sans même parler de la musique caribéenne en vogue dans la capitale Accra qui conduit à l’émergence d’un genre nouveau, le raglife (hybride de l’hybride reggae ou ragga et hip life). C’est là-bas que ça se passe. Définitivement !!!
Yazid Khalifa
Par