C1, les dynasties éteintes
Caramba, encore raté ! Comme tous ses devanciers depuis 1990, Manchester United a échoué mercredi soir à remporter deux Ligues des Champions de suite. Pourquoi donc les tenants se retrouvent-ils fort dépourvus quand le bis est venu ?
De Dynasty aux twists et cliffhangers permanents : depuis trente ans, l’histoire de la C1 ressemble un peu à celle de l’évolution des séries télé. Cela fait maintenant deux décennies et le grand Milan de Sacchi (1989-1990) qu’aucun club n’a réussi à conserver son titre, et les légendes que sont le Real (1998, 2000, 2002) ou le Milan, justement (2003, 2007), n’en remportent plus que sur courant alternatif. Manchester, lui, a rejoint mercredi soir le Milan de Capello (1995), l’Ajax (1996) ou encore la Juve (1997) au cimetière des doublés manqués de peu. Où sont passées les grandes sagas ? Les dinosaures des confortables années prog-rock 71-76, quand un Ajax Floyd ou un Bayern Zeppelin enquillait les Coupes d’Europe comme d’autres les doubles albums ? Ils ont été tués avec un stylo-bille dans les salons de Luxembourg et de Nyon par les colonels de l’UEFA et de la justice européenne.
Contrairement à l’opinion répandue, l’UEFA a un peu savonné la planche des grands clubs en leur permettant de se qualifier plus facilement pour la compétition-reine. Avant la Ligue des champions et ses tickets multiples par pays, la C1 faisait un peu figure de Coupe Davis époque pantalons en flanelle et raquettes en bois, quand le vainqueur était qualifié directement pour la finale de l’édition suivante. Les « gros » n’avaient qu’un nombre de rencontres de haut niveau relativement modeste à remporter pour tenir leur rang, et l’OM pouvait atteindre deux finales en trois ans en battant, outre le Milan, Tirana, Poznan, le Spartak Moscou, Bruges ou les Rangers. Des équipes dont la présence en huitièmes constituerait aujourd’hui un évènement. Maintenant, pour les favoris, la C1 équivaut généralement à au moins quatre matches de haut niveau au premier tour et des finales avant l’heure dès les huitièmes.
Cette chute des empires est également contemporaine de l’arrêt Bosman de 1995 – qui coïncide symboliquement avec le départ à la retraite du dernier joueur capable de remporter deux Ballons d’or de suite, Marco Van Basten. Avec la libre circulation des joueurs et les carrières de globe-trotters, construire une dynastie comme on bâtit un empire familial, à coups de mariages durables et d’alliances mûrement méditées, est devenu impossible. En se refilant leurs cracks, les équipes sont devenues consanguines ? Les dynasties se sont donc éteintes. Sur les onze vainqueurs de la finale de mercredi, seulement trois étaient titulaires lors de la finale 2006 contre Arsenal (2-1). Henry, le grand perdant ce soir-là, était mercredi dans le camp des vainqueurs ; Ronaldinho, la superstar annoncée de la finale de Saint-Denis, s’est depuis perdu en route ; souvent annoncé ces dernières années en Espagne, Cristiano Ronaldo a fini sa soirée avec la médailles des vaincus. Et le manège continue de tourner…
« Come writers and critics, who prophesize with your pen… and don’t speak too soon, for the wheel’s still in spin… for the loser now, will be later to win » , chantait Bob Dylan. Vraiment : les scribouillards du monde entier, en extase devant le Barça, seraient bien inspirés de ne pas trop s’avancer. Même si, motivation supplémentaire, la finale 2010 aura lieu à Bernabeu, il est déjà acquis que les Blaugranas ne la gagneront pas.
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