C.Bilardo : « Diego n’est pas plus con qu’un autre »

Avec votre expérience, qu’est-ce qui vous a fait accepter de devenir l’adjoint de Maradona ? Je ne sais pas. Quand j’étais plus jeune, je pensais qu’à mon âge, à 69 ans, je serais déjà en maison de retraite en train de jouer aux dominos, mais en fait j’ai toujours envie d’entrainer. Ça fait 15 ans que je dis à ma femme que je vais abandonner le football pour mieux m’occuper d’elle. Mais après 15 ans de mensonges, elle ne me croit plus (rires). Quand Julio Grondona (président de la fédé argentine, ndlr) m’a appelé pour épauler Maradona, je n’ai pas douté une seule seconde pour lui répondre favorablement. Je crois que le duo que je vais former avec Diego peut apporter beaucoup de choses à la sélection. A nous deux, nous avons plus de 100 matchs avec la sélection argentine, c’est pas rien quand même ! Vous avez beaucoup milité pour que les champions du monde 86 prennent en charge la sélection. Oui. J’ai toujours défendu l’idée que les champions du monde 86 et les vice-champions du monde 90 méritaient une opportunité. Je les connais tous très bien et je peux vous dire qu’ils connaissent le football mieux que n’importe qui. Si en plus, je peux les encadrer dans leurs premiers pas en tant qu’entraineurs, c’est tant mieux pour moi. Le football appartient aux footballeurs. Regardez el Checho (Sergio Batista) et Tata (Brown). Ils ont fait un excellent travail avec les jeunes aux Jeux Olympiques. Maintenant, ils vont nous aider à diriger la sélection des grands. Vous pensez vraiment que c’était le moment idéal pour que Maradona entraine la sélection ? Oui. Diego va très bien. Il est très lucide et surtout je vois qu’il a faim de victoires et de reconnaissance en tant qu’entraineur. Il est très enthousiaste et il va se donner à 1000% ; si je suis revenu en sélection, c’est avant tout pour lui. Je serai un peu son garde-fou, sans être sa nounou. Mon rôle c’est de le conseiller dans ses choix, pas de prendre des décisions. De toute façon, personne ne dicte des ordres à Diego (Rires). Pour ce qui est de son inexpérience, je ne pense pas que ce soit vraiment un problème. Le meilleur joueur de l’histoire du football mérite sa chance en tant qu’entraineur de l’Argentine. Nous avons raté nos dernières coupes du monde avec des entraineurs expérimentés, alors on ne peut pas faire pire quoi qu’il en soit. Quand Maradona aura besoin de quelque chose, je serai là. On a déjà beaucoup parlé de ce que nous comptions faire avec les joueurs. Ça va être énorme, vous verrez !
Pourquoi Maradona, alors que la plupart des Argentins voulaient Bianchi comme entraineur ? Tout simplement parce qu’il mérite sa chance après tout ce qu’il a fait pour cette nation ! Maradona ne doit rien à personne, c’est d’ailleurs le seul être humain que je connaisse qui ne doive rien à personne. De nos jours, c’est plutôt rare d’être intègre. Beaucoup doutent pourtant de ses talents d’entraineur… Oui et c’est normal. Mais Diego est loin d’être plus con qu’un autre ! Vous verrez…Quand l’Allemagne a choisi Klinsmann pour entrainer l’équipe, il n’avait aucune expérience. Pareil pour Beckenbauer et je ne parle pas de Rijkaard…Diego va feinter toutes les difficultés, j’en suis convaincu ! Il a de l’expérience, il a une grande gueule et il connaît toutes les arcanes d’un vestiaire. C’est déjà pas mal non ? Vous pensez que Maradona peut redonner la motivation qui fait actuellement défaut aux internationaux argentins ? Bien sûr. Diego est un motivateur professionnel. Vous n’avez qu’à écouter Tevez, qui est convaincu qu’avoir Maradona est un plus pour tous les joueurs. Tout le monde connaît l’icône Maradona, tout le monde veut lui ressembler et surtout, tout le monde veut recevoir des compliments du meilleur joueur de football du monde. Mais pour ça, il faut bien jouer. C’est pour ça que je pense que les joueurs vont se défoncer pour leur coach. Avec Maradona, il y a une magie qui n’existe avec personne d’autre. Il va redonner sa fierté à l’Argentine et va transmettre son amour du maillot aux joueurs. Bien sûr, nous allons avoir beaucoup de travail, mais je pense qu’il faut déjà que nous nous concentrions sur le mental de chacun avant d’aborder les questions tactiques.
Vous pouvez nous dire quel sera exactement votre rôle dans tout ça ? Je serai un observateur. Je peux vous dire que je ne serai pas sur le banc avec Diego. Je ne veux pas le déranger. Il aura toutes les responsabilités, mais moi je serai celui qui se tiendra à ses côtés pour le conseiller… Qu’est-ce qu’il vous a demandé ? Etre près des joueurs. Une fois que nous aurons donné la liste de convoqués pour le match en Écosse, nous irons en Europe pour observer certains joueurs. Je souhaite installer une commission technique là-bas afin d’avoir un meilleur suivi de nos internationaux. Maradona m’a demandé de contacter tous les entraineurs, de parler avec eux, mais aussi avec les physios. Pour avoir les meilleures infos, il faut être présent sur place, c’est pour cela que nous cherchons actuellement un bureau à Rome ou à Madrid. Quel schéma tactique voulez-vous mettre en place ? Je ne peux pas vous donner de noms mais Diego aime les équipes qui exercent une grosse pression sur l’adversaire, en plus d’avoir une grosse possession de balle. Quels sont les joueurs sur lesquels Maradona va s’appuyer selon vous ? L’Argentine a largement assez de bons joueurs pour que Maradona fasse toujours de bonnes listes. Il y a en a certains qui traversent d’excellents moments et d’autres qui sont un peu plus en difficulté dans leurs clubs. Maradona a déjà son équipe dans la tête, je pense, mais il ne faudra pas qu’il se trompe. Un sélectionneur ne peut pas se le permettre.
Coco Basile n’a jamais su trouver le vrai poste de Messi sous le maillot argentin. Est-ce que vous avez déjà abordé le cas Messi avec Diego ? Oui et pour nous c’est clair, Messi est un attaquant, pas un milieu de terrain. Il doit jouer sur le flanc droit comme à Barcelone. Un gaucher qui joue à droite et qui repique dans l’axe, c’est toujours déséquilibrant pour les adversaires. En séléction, Maradona jouait comme lui au Barça. Lorsque Diego repiquait dans l’axe, personne ne pouvait l’arrêter. On veut qu’il joue comme dans son club, c’est là qu’il se sent le plus à l’aise et Maradona veut vraiment qu’il devienne la référence de l’équipe.
Vous pensez qu’il peut devenir le meilleur joueur du monde ? A Barcelone, les gens disent qu’il est très bon. Vu que tout le monde parle de lui, il doit déjà l’être non ? En février, vous allez affronter la France à Marseille. Vous pensez déjà à cette rencontre ? Pas du tout. Pour nous, la priorité c’est de bien commencer avec notre déplacement en Écosse, après on verra. Vous pensez que la France va finalement se qualifier pour la coupe du monde ? La France est une puissance mondiale dans ce sport. Bon, en ce moment, ils sont un peu en difficulté, mais ils ne sont pas encore morts. De toute façon, ce ne sont pas les éliminatoires qui comptent, c’est le Mondial… Où voyez-vous l’Argentine en 2010 ? Au sommet. Pour Diego et moi, l’objectif est clair : il faut remporter cette coupe du monde. Le défi est difficile mais c’est pour cela qu’il est aussi exaltant. Par Veronica Brunati, à Buenos Aires – Retrouvez une interview délirante de 5 pages de Bilardo dans le So Foot n.50 spécial Maradona.

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