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Bielsa : « Le supporter qui m’émeut, c’est celui qui souffre sans voir »

Propos retranscrits par Antoine Donnarieix
Bielsa : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le supporter qui m’émeut, c’est celui qui souffre sans voir<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Depuis maintenant de nombreuses années, Marcelo Bielsa a choisi de ne plus accorder d’interview à la presse, par souci d’équité et de justice entre les médias. Par souci de justice et d’équité envers Marcelo Bielsa, So Foot publie les transcriptions in extenso de ses conférences de presse avec Leeds United. Désormais dauphin du leader Norwich, Leeds se déplace samedi à Bristol.

Bonjour Marcelo. Votre dernier match (une victoire 4-0 contre West Bromwich, N.D.L.R.) est-il le meilleur depuis votre arrivée au club ? Ce match appartient au passé. Plus nous en parlerons au sein de l’équipe, moins nous serons concentrés sur le match suivant. Je considère le match suivant comme très important. Bien entendu, mon évaluation de cette dernière rencontre est similaire à celle des différents observateurs.
Est-ce désormais le même niveau de jeu que vous exigerez de vos joueurs pour la fin de saison ? (Il prend son temps.) Jouer très bien n’est pas issu d’une décision, mais d’une tentative où le footballeur parvient par lui-même à libérer toutes ses capacités, car son état le lui permet. Ce que nous souhaitons, c’est reproduire ce même état d’esprit afin que tout le monde puisse s’exprimer pleinement. Dire que je veux jouer de la même manière que lors du dernier match… C’est très facile (Rires.) !

La semaine dernière, vous aviez évoqué l’incapacité de travailler l’efficacité face au but, mais la possibilité de travailler pour se créer des occasions de but. Par rapport au match contre West Bromwich, êtes-vous satisfait de ce ratio ?Oui, la proportion de réussite était très bonne. Si Dieu le veut, notre désir à tous est de conserver cette efficacité. Cependant, cela ne dépend pas de la volonté, ni des moyens mis en place. Cela rassemble beaucoup de facteurs… Certains d’entre eux sont gérables, d’autres non.
Quelle sera votre équipe contre Bristol City ? Les même onze titulaires.

Jouer très bien n’est pas issu d’une décision, mais d’une tentative où le footballeur parvient par lui-même à libérer toutes ses capacités car son état le lui permet.

Nous notons le retour de Jack Clarke. Est-ce qu’il progresse d’une manière satisfaisante au sein de votre équipe ? Oui, il est en forme et se sent bien. Cette semaine, il va jouer un match chez les U23. Après ce match, il reviendra très probablement au sein de l’équipe première.

Après sa défaite contre votre équipe au match aller, Bristol City a connu une série de résultats positifs. Aviez-vous perçu cette capacité de Bristol à arriver sur un cycle positif ? C’est clairement l’une des équipes importantes de Championship, elle est équilibrée et densifiée en qualité dans tous les secteurs. Leur style de jeu est défini, et je crois qu’ils peuvent calquer leur philosophie dans la majorité des cas.

Cette semaine, beaucoup de bruit s’est créé à la suite de l’utilisation de la VAR en Ligue des champions et cela suscite de nombreuses polémiques… La VAR devrait arriver l’an prochain en Premier League. Quel est votre avis là-dessus ? Je ne crois pas que mon opinion sur ce sujet soit à considérer, car ceux qui évaluent la bonne utilité de ce nouveau paramètre observent cela avec des exemples bien fournis. Il serait irresponsable de ma part de me prononcer sur la VAR avec aussi peu d’expérience. Par exemple, j’ai passé toute ma vie autour du football et j’ai compris cette semaine que la balle pouvait être à la fois hors du terrain et dans le terrain.

Il serait irresponsable de ma part de me prononcer sur la VAR avec aussi peu d’expérience.

Lors du match du Real Madrid, la balle était en direction de la sortie, mais la projection de la balle par rapport à la ligne laisser penser que le ballon était à l’intérieur. Il y avait une zone de deux centimètres au-dessus de la ligne… Moi, j’ai cru que la balle était sortie car la base du ballon est hors du terrain. Mais ce n’est pas comme cela que sont jugées les sorties de balle. Cela démontre qu’il est bien difficile d’être un arbitre. C’est tellement difficile, car nous sommes déjà en train de juger l’arbitre alors que nous ne connaissons même pas la règle. Est-ce une surprise pour vous d’aligner la même composition pendant quatre matchs successifs ? Sincèrement, je ne sais pas si cela est arrivé avant dans la saison. De toute façon, réfléchir sur des faits positifs est une invitation à ce que cela s’arrête. (Il sourit.) C’est pour cela que je ne préfère pas trop m’exprimer là-dessus…

Adam Foreshaw est proche de rejoindre l’équipe première ? Il fait des progrès, mais c’est une progression plus lente que ce que l’on imaginait. Nous sommes tous dans l’attente que sa convalescence se termine, car j’aimerais pouvoir compter à nouveau sur lui.

L’état de forme mentale est une chose restée dans les mains des joueurs, parce qu’ils ont démontré qu’ils méritaient cette liberté, cette indépendance.

La récupération a duré plus longtemps que ce qu’il imaginait et il pensait que sa blessure allait guérir rapidement. Quoi qu’il arrive, la récupération devrait nous permettre de le réintégrer pour cette période-là.

Comme nous arrivons dans une période charnière de la saison, portez-vous davantage d’attention à la préparation mentale de vos joueurs ? Nous faisons plus attention aux détails de façon générale. Au fur et à mesure que s’accumulent les mois de travail et les matchs de compétition, la forme réelle de l’équipe est déjà prédéfinie. Ce que nous tentons de corriger, ce sont les petites nouveautés qui apparaissent au jour le jour. L’état de forme mentale est une chose restée dans les mains des joueurs, parce qu’ils ont démontré qu’ils méritaient cette liberté, cette indépendance. À travers nos hauts et nos bas, ils ont toujours démontré qu’ils pouvaient réagir par eux-mêmes : ils sont passés au-delà des moments compliqués et se sont maintenus au top dans les moments forts.
Merci. (Bielsa approuve de la tête et esquisse un sourire vers le journaliste.)

Au début de la saison, quel était votre niveau de motivation dans l’objectif de promouvoir Leeds en Premier League ? (Bielsa se redresse sur sa chaise et s’interroge.) Vous voulez savoir si je pensais que cela était possible ? Au-delà du fait que cela soit possible, est-ce que le fait de faire monter Leeds dès la première saison était une source de motivation principale ? En tant que club, Leeds United possède les arguments pour donner de l’enthousiasme à un entraîneur.

Si les relations humaines sont satisfaisantes, à savoir aimer et être aimé, respecter et être respecté, cela ouvre la voie vers le triomphe.

Quand je vous parle de cela, je pense au stade qui est toujours plein, le public est généreux et impliqué dans le développement de l’équipe, les installations sont excellentes, les ressources humaines sont d’un niveau optimal, et les joueurs sont sérieux et impliqués dans ce projet. De plus, leur académie donne toujours de jeunes éléments potentiellement intégrables à l’équipe première. Pour un entraîneur, toute cette attention fait que l’intérêt de travailler pour Leeds est omniprésent. Peut-être que tous les entraîneurs ne souhaiteraient pas travailler ici, mais en ce qui me concerne, c’est l’endroit où je veux être.

La promotion en Premier League était votre motivation principale ?Je ne sais pas… Je suis venu pour prendre part à un programme avec des objectifs, et nous sommes bien entendu conscients de ce que cela représente pour la ville, pour le club, pour les joueurs et les fans. Mais je ne peux pas non plus vous dire que… (Bielsa prend un temps de réflexion, puis s’agace dans la réponse.) Que je suis seulement intéressé par le succès ! Le succès m’intéresse, car c’est l’objectif final, mais je suis intéressé par la manière dont nous construisons la victoire.

Qu’est-ce qui vous intéresse le plus là-dedans justement : le triomphe ou vos conceptions de jeu ?(Il coupe la traduction.) Les relations humaines. Si les relations humaines sont satisfaisantes, à savoir aimer et être aimé, respecter et être respecté, cela ouvre la voie vers le triomphe. Quand vous parlez d’une équipe reconnue pour ses victoires, ce qui en ressort est toujours basé sur la condition humaine. Ce que l’on retient, ce ne sont pas les matchs remportés, mais les comportements, les anecdotes au sein du vestiaire… En ce sens, nous nous rappelons toujours ceux que nous avons admirés durant cette période, mais aussi ceux que nous avons ignorés…

(Le journaliste coupe à son tour la traduction.)

En fait, en tant qu’entraîneur déjà champion avec Newell’s, j’aurais aimé savoir si le fait de monter en Premier League avec Leeds United serait une fierté pour vous ?Bien sûr ! Je ne vois pas en quoi cela ne constituerait pas une fierté… Ce n’est pas une réussite commune. Ces réussites s’évaluent en fonction de la joie que vous apportez à vos supporters. Je vais profiter de cette question pour vous commenter une chose qui a particulièrement attiré mon attention afin de mettre en lumière le supporter : ceux qui se situent derrière les buts et qui ressentent de fortes émotions possèdent une intuition au moment où l’action se situe de l’autre côté du terrain. Ils ne peuvent pas voir l’action avec clarté…

À partir du moment où le football s’est transformé en une industrie, tous les domaines de ce sport ont empiré. La seule chose que l’on ne peut pas changer avec cette politique, c’est l’amour d’un supporter pour son club.

Si nous voyons le soutien émotionnel de quelqu’un d’intuitif sur sa vision, vous pouvez comprendre la mesure totale de son soutien. De notre côté, nous réalisons notre travail pour une série de raisons, mais la plus valeureuse est la joie que nous pouvons apporter à ceux qui sont dans la difficulté d’en avoir ailleurs que dans le football. En totale légitimité, il y a des spectateurs qui vont au stade comme s’ils allaient au théâtre. C’est très bien pour eux, ils sont chanceux de pouvoir en profiter de cette manière. Mais personnellement le fan qui m’émeut, c’est celui qui souffre sans voir.

Vous avez dit que les relations humaines étaient les plus importantes dans votre conception, mais les joueurs ont expliqué que vous souhaitiez avoir une relation parfois distante dans le vestiaire. Pouvez-vous nous expliquer plus en détail cette relation ?

(Bielsa réfléchit, puis se tourne vers un autre journaliste.) Pour compléter la réponse à la question précédente, je voudrais dire qu’à partir du moment où le football s’est transformé en une industrie, tous les domaines de ce sport ont empiré. La seule chose que l’on ne peut pas changer avec cette politique, c’est l’amour d’un supporter pour son club, son écusson. Nous n’encenserons jamais assez les supporters. (Bielsa se retourne vers le journaliste auteur de la dernière question.) En ce qui concerne votre question, j’aime mes joueurs. Si ce n’était pas le cas, il serait difficile de bien faire mon travail. Bien entendu, plus vous êtes proche de quelqu’un, plus il perçoit votre personnalité dans sa globalité. Parfois, ce lien affectif est plus facile à conserver lorsque l’on garde une distance minutieuse avec l’autre. Si mes joueurs me voyaient vraiment tout le temps, ils me respecteraient beaucoup moins parce qu’il me verrait comme je suis au quotidien. Je ne joue pas un rôle, mais il est mieux qu’ils me perçoivent à distance plutôt que de manière très rapprochée. Mon but, c’est de maintenir une relation durable entre une vingtaine de personnes avec un but commun. La conduite d’une équipe de football professionnelle s’opère sur le comportement et les valeurs liées à ce comportement. C’est une notion essentielle à connaître. Parfois, vous allez avoir plus de résultats avec un joueur à travers des reproches que des louanges. En cela, c’est un véritable art de manager des êtres humains.

La semaine dernière, un reportage sur vous est passé à la radio. L’avez-vous écouté ? Non.

Est-ce que vous lisez ce qu’écrit la presse ? Uniquement le strict nécessaire pour l’exercice de mes fonctions. Je ne peux pas omettre l’opinion de mes propres joueurs, particulièrement si l’opinion est rendue publique. J’essaie juste de connaître le nécessaire afin de mieux faire mon travail.

Comment va Kemar Roofe ? Il travaille avec beaucoup d’envie et de sérieux.
Savez-vous quand il pourra revenir dans l’équipe ?Non, mais il récupère d’une manière très satisfaisante. Par respect envers vous, j’aime communiquer mes informations à travers des conférences de presse collectives et non individuelles. Si le documentaire radiophonique dont vous me parlez indique un quelconque type de contact avec un journaliste en particulier, sachez que ce n’est pas le cas.

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