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Baptiste Chassagne : « Monconduit a le bon profil pour une SaintéLyon » 

Propos recueillis par Maxime Brigand

Sacré champion de France de trail long en mars, Baptiste Chassagne est surtout, à 28 ans, un dingue de l'AS Saint-Étienne. Entretien madeleine de Proust, entre Didier Zokora, Roland Romeyer et quelques descentes.

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Comment le foot a débarqué dans ta vie ?

J’ai joué de mes quatre ans jusqu’à ma sortie de Sciences Po, donc pendant une grosse vingtaine d’années. J’ai essentiellement été 6, un 6 besogneux, à la Toulalan. Le bon joueur de devoir, quoi, qui fait tout à une touche de balle, car il est un peu limité techniquement, mais toujours présent dans l’engagement. Je me suis souvent retrouvé capitaine de mes équipes, par l’exemple plus que par le talent. (Rires.) J’ai joué dans plusieurs clubs : le PLHM, qui est un club du 8e arrondissement de Lyon, l’ASCUL, et au LOSC, pas les Dogues hein, mais le Lyon Ouest Sporting Club. Au plus haut, j’ai dû évoluer à un niveau régional avec trois entraînements par semaine et le match le week-end, mais là où j’ai pris le plus de plaisir, c’est à Sciences Po, car j’ai réussi à coupler le côté étudiant, où tu joues avec tes potes, avec un niveau plutôt relevé, parce que des mecs sortaient de centre de formation. J’ai trouvé cette période vraiment cool.

Chez toi, on parlait de foot avant ça ou pas du tout ?

Dans ma famille, le foot est culturel. Mon père m’a emmené à Geoffroy-Guichard avant mes quatre ans. Toute ma famille est de Saint-Étienne, mais mes parents ont dû déménager à Lyon pour le boulot quand on est né avec mon petit frère. Mon père a toujours été abonné, le stade lui manquait, je crois que ses potes n’allaient plus trop au stade à cette époque, donc il s’est dit qu’il allait m’emmener. Au départ, la carotte a été qu’il m’achetait un sandwich au saucisson énorme – vraiment énorme car petit, il devait faire ma taille – que je mangeais pendant toute la durée du match sans me soucier de ce qu’il se passait sur le terrain. Je kiffais mon moment, il kiffait le sien, et petit à petit, j’ai grandi, je me suis intéressé à ce qu’il se passait sur le terrain et dans les tribunes. Je me souviens de flashs de moi petit, avec mon père, tout en haut dans les kops, avec des fumigènes autour… J’ai quatre ou cinq ans, il y a un mélange de peur et de bonheur, mais à partir de là, Sainté, ça a été sans discontinuité.

Je n’ai jamais eu la moindre peur de revendiquer mon amour de l’ASSE. En cours d’EPS, j’arrivais avec mon maillot Duarig, floqué Julien Sablé, Nicolas Marin ou Lilian Compan.

Baptiste Chassagne

Comment tu expliques ce mélange que tu as ressenti ?

Pour moi, le stade a toujours été un synonyme de bon moment, même si au début des années 2000, le club ne vivait pas la meilleure période de son histoire. Les résultats n’étaient pas dingues, t’as l’affaire des faux passeports… Mais au stade, je me sentais bien, et depuis tout petit, ça n’a pas changé : dès que j’arrive à Geoffroy-Guichard, j’ai l’impression d’être un parmi d’autres, mais aussi d’appartenir à un corps, à quelque chose de très fusionnel, de très puissant, alors qu’autour de moi, il n’y a jamais les mêmes supporters. Il y a un énorme mélange social : on est tous ensemble, on a chaud ensemble, on vibre ensemble.

Malgré cet attachement à l’ASSE, tu as grandi à Lyon, à une époque où l’OL roule sur tout le monde. Ça, tu le vis comment ?

Bien, parce que je n’ai jamais eu la moindre peur de revendiquer mon amour de l’ASSE. En cours d’EPS, j’arrivais avec mon maillot Duarig, floqué Julien Sablé, Nicolas Marin ou Lilian Compan. J’ai même eu un maillot floqué Mickaël Citony. À l’entraînement au foot, pareil. Tout le monde a toujours su que j’étais pour Sainté et ça a fini par passer, surtout que quand j’étais petit, l’ASSE et l’OL n’étaient pas vraiment en concurrence trop frontale. (Rires.) C’est revenu plus tard, mais j’ai aussi vite compris qu’à Lyon, les gens détestent aujourd’hui plus l’OM que Sainté. Avec Sainté, la rivalité est surtout historique. On se plaît à se charrier là où avec l’OM, je sens une vraie haine.

C’est quand même assez étrange de grandir dans une ville où le club gagne tout sans le partager émotionnellement, non ?

Oui, mais j’ai toujours été à l’aise avec ça. D’ailleurs, je crois que c’est aussi pour ça que je cours aujourd’hui : je cours pour vivre des émotions, et le résultat, je n’y suis finalement qu’assez peu attaché. Forcément, j’aime voir Sainté gagner, mais ça va au-delà. Pour te donner un exemple, lors de la finale de Coupe du monde contre l’Argentine, quoi qu’il se passe à la fin, j’étais content, car j’ai passé un top moment pendant 120 minutes, bourré de rebondissements. J’ai fini repu d’émotions, mais autour de moi, les gens étaient davantage dans la finalité, dans le résultat, donc ils étaient déçus. Finalement, ce qui me fait kiffer, c’est vraiment l’émotion ressentie : celle que tu prends plein visage sur le ciseau de Bridonneau pour remonter en Ligue 1 en 2004, par exemple. Ça, je l’ai vécu sur la place Jean-Jaurès, à Saint-Étienne, parce qu’on n’avait pas réussi à avoir des places, mais ce moment-là peut suffire à mon bonheur, car l’intensité de l’émotion ressentie sur l’instant est si forte…

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Tu as voyagé avec l’ASSE ?

Mon père m’a initié au club, il nous a donc beaucoup emmenés à Geoffroy-Guichard avec mon frère, et j’ai aussi eu la chance que ma grand-mère habite à la Bertrandière, soit à un kilomètre de l’Étrat. On est souvent allé aux entraînements, on a été au stade tout notre collège et notre lycée, puis j’ai fait mes études à Paris, mais quand je suis revenu à Lyon, mon frère m’a proposé qu’on se réabonne. On l’a fait dans un kop, avec les Magic Fans, et ça a duré jusqu’à une descente sur un but contre l’OM où j’ai fini tout en bas de la tribune après un énorme roulé-boulé. À partir de ce moment-là, j’ai eu peur d’aller dans le kop, mais surtout de me blesser. À cette période, on a fait quelques déplacements avec le groupe, oui. Il y a notamment eu celui pour la finale de la Coupe de la Ligue 2013, j’ai aussi été marqué par un voyage à San Siro, en 2014, où les supporters de l’ASSE ont retourné Milan. Je peux te dire qu’après, les Milanais savaient placer Sainté sur une carte. Il n’y avait pas eu de cassage, ça avait juste donné une super image du club.

Les trailers ne connaissent pas le foot amateur, la culture supporter… Ça a développé chez moi une envie de revendiquer mon amour du foot, de le défendre en quelque sorte, tout en mettant le trail face à ses contradictions.

Baptiste Chassagne

Est-ce que ces moments t’ont permis de définitivement intégrer la mystique des Verts ?

Oui, mais aussi d’autres moments. En fait, il y a une vraie forme de nostalgie quand tu es supporter de Sainté. Chez nous, les anciens parlent très souvent du club, sortent souvent des photos en noir et blanc… Il y a un poids de l’histoire qui est présent en permanence. Il n’a pas fallu que je me déplace à l’extérieur avec les Verts pour que j’en prenne conscience. Il m’a suffi de voir à quel point l’histoire du club influe sur son présent. Par contre, quand je suis parti faire mes études sur Paris, j’ai aussi compris l’ampleur du club car j’ai trouvé des supporters à plusieurs endroits. J’allais notamment voir les matchs à La Divette, un bistrot mythique du 18e arrondissement qui avait été ouvert par un supporter du club et qui a fermé depuis quelques mois. À chaque fois que j’ai bougé, même quand j’ai vécu à l’étranger, j’ai toujours trouvé des fans des Verts.

Il paraît d’ailleurs que ton frère en est aussi un très gros.

Moi, je suis assez calme, mais lui… On est très proches. On a un an et demi d’écart. Je pense d’ailleurs que la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie soit cette proximité avec mon frère. On partage les mêmes passions pour le sport, pour la musique et pour Sainté. Dès qu’on peut, on regarde les matchs ensemble et dans tous les cas, si on n’est pas ensemble, on débriefe tous les deux avec mon père sur une conversation qu’on a ensemble. Lui, il vit le truc à 200%, il peut crier. Il est très tendu. Sa copine ne veut plus regarder de matchs avec lui parce qu’il vit ça de façon viscérale. Aujourd’hui, il fait ses études de médecine de sport, mais secrètement, son rêve, c’est d’être médecin de Sainté.

Toi, tu n’as jamais voulu faire de choses avec le club ?

Quand j’ai commencé à courir, j’ai fait une course qui s’appelle le Sainté-Trail-Urbain, que tu peux faire en préparation de la SaintéLyon. C’est une course locale, qui est assez cool parce que le dernier kilomètre est dans le stade Geoffroy-Guichard. Elle est souvent parrainée par l’association Cœur Vert et il y a souvent des joueurs et des dirigeants qui viennent. J’y ai donc déjà rencontré Roland Romeyer. On peut penser ce qu’on veut du président, mais l’homme, je l’ai toujours trouvé hyperbienveillant, et il m’avait mis un peu en relation avec le service de communication, vu que j’aurais peut-être aimé rejoindre le service com ou marketing du club, mais ça n’a pas abouti.

Du coup, ton lien passe aussi par la course.

Oui, et sur les courses, je n’hésite pas à revendiquer ma passion de l’ASSE. Ce qui est drôle, c’est que dans le trail, je trouve qu’il peut y avoir une forme de parisianisme. En venant de la ville, j’ai pu ressentir une forme de complexe d’infériorité par rapport à ceux qui viennent de la montagne. Et mine de rien, le foot reste très lié à une forme de culture urbaine et est souvent très mal vu en montagne. Globalement, les trailers n’aiment pas le foot, quoi. Ils estiment ne pas partager les mêmes valeurs, mais c’est aussi un monde qu’ils ne connaissent pas. Dans leur tête, le foot, c’est le PSG. Ils ne connaissent pas le foot amateur, la culture supporter, et ça a développé chez moi une envie de revendiquer mon amour du foot, de le défendre en quelque sorte, tout en mettant le trail face à ses contradictions parce que quand on est trailer, on se dit très ouvert d’esprit, sauf que pas toujours.

Pourquoi cours-tu souvent avec le maillot de l’ASSE Manufrance et pas un autre ?

Il y a la symbolique, déjà, parce que c’est le maillot de 1976, mais aussi parce que j’aime bien ce vert-là. C’est aussi un maillot qui m’a été offert par mon frère. Bon, après, là, il a quand même bien ramassé. (Rires.)

Aujourd’hui, comment ça se passe, ta vie de supporter ?

Je suis toujours autant le club et bizarrement, encore plus cette saison, en Ligue 2. Je préfère limite voir ce Sainté qui met des 4-2 épiques comme face au Paris FC qu’un Sainté mièvre qui végète dans le ventre mou de Ligue 1. Cette année, j’ai eu un vrai regain d’enthousiasme, même si c’est assez compliqué d’aller au stade parce que si j’y vais, c’est dans le kop nord, sauf que j’ai peur des descentes. Elles sont violentes à Sainté, et avec les entraînements, les compétitions, tout ça, j’ai peur de la blessure, évidemment. Quand le kop est plein, ça va très vite. Très, très vite. Malgré tout, ça me manque. Ça me manque vraiment.

C’est quoi la plus grosse descente que tu as vécue ?

Celle sur le 2-0 contre Lyon, en février 2017, sur le but d’Hamouma. De la folie. Avant ça, il y a eu un but de Monnet-Paquet et ça a déjà été très dingue. On a eu une chanson pour Monnet-Paquet derrière.

C’est qui le joueur qui t’a le plus frappé ?

Tous les 6 marquants. J’ai adoré Didier Zokora, que je trouvais trop fort, et Blaise Matuidi. Lui, il m’a toujours fasciné. J’ai toujours aimé le mec aussi. Je sais pas, Matuidi, tu as envie d’être pote avec lui.

Tu l’aurais vu sur un trail ?

Honnêtement, on a eu le débat avec des potes pendant la Coupe du monde : tu penses qu’il y a combien de joueurs de l’équipe de France qui sont capables de courir le dix bornes en moins de quarante minutes ? Matuidi à son époque, il aurait pu. Kanté, pareil, je pense qu’il peut. Niels Nkounkou de Sainté, il a aussi un gros moteur. Après, si on reste au trail, je pense que Monconduit a typiquement le bon profil pour faire une SaintéLyon, pour s’arracher dans la galère et sortir vainqueur de son combat. Je n’ai jamais eu l’occasion d’échanger avec des joueurs, mais je sais que Loïc Perrin a couru la SaintéLyon en relais avec Sidney Govou, François Clerc et Jérémy Clément.

Est-ce qu’aujourd’hui il y a un côté refuge à supporter un club comme Sainté ?

Oui, carrément. Aller au stade, ça me donne chaud, regarder Sainté, pareil. Quand j’ai une petite période de down ou de chute de motivation, je sais qu’aller au stade, ça peut me faire du bien pour me libérer, tout ça en agitant une corde de nostalgie. C’est la madeleine qui est réconfortante. Quand il y a un match de Sainté, je sais que ça va être un moment important de mon week-end. Quand c’est la trêve, je le perds, je perds mon refuge. Ce qui me porte, c’est aussi que je ne suis pas seul : à Sainté, ça ne bouge pas. Malgré tout ce qu’il s’est passé, les gens restent, ils vont remplir un parcage à Charlety, ils entretiennent vraiment la devise « partout, toujours ». Ce n’est pas galvaudé. D’ailleurs, voir une photo des tribunes, ça peut me mettre un shot de motivation. Sur mon ordinateur, j’ai un petit dossier « stade ASSE » et je l’ouvre souvent. Ça me fait du bien de m’y replonger. Pour le moment, j’estime pourtant que je peux encore faire plus pour le club : j’aimerais faire un défi sportif un peu dingue lié au club. Avec le titre de champion de France de trail, ça devrait davantage être possible.

Propos recueillis par Maxime Brigand

Crédit photo : Simon Dugué.

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