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Andrés Iniesta, parce qu’il suffit d’un ballon

Par Markus Kaufmann
Andrés Iniesta, parce qu’il suffit d’un ballon

Juan Roman Riquelme s’y connaît un peu en football. Donc lorsqu’il affirme que « Messi est le plus grand, mais c’est Andrés Iniesta qui joue le mieux au football », on est tenté de le croire.

« Leo Messi est le plus grand, mais Iniesta est celui qui joue le mieux au football. Il sait quand il faut aller de l’avant, quand il faut repasser par l’arrière. S’il a la balle à gauche, il sait qui est à droite, il sait tout ce qu’il faut faire. Quand il faut trottiner, quand il faut mettre de la vitesse, quand il faut manœuvrer lentement. Et je pense que c’est la seule chose que l’on ne peut ni acheter, ni apprendre. On peut apprendre à taper dans le ballon, à contrôler la balle, mais pour être au courant de tout ce qui se passe sur le terrain, il faut être né avec ce savoir. » Évidemment, Riquelme a raison. Il y a la vitesse d’exécution et la technique qu’exigent le double contact, mais c’est la vitesse de prise d’information qui impressionne le plus chez Iniesta. Mais comment peut-il voir tout cela, si vite ? Comment peut-il savoir ?

Quand les autres tentent de maîtriser le ballon avec les pieds, le natif de Fuentealbilla (Albacete) maîtrise tellement la chose qu’on a envie de croire, pour les autres, qu’il joue avec les mains. Et si c’était vrai ? Et si Iniesta n’était pas vraiment comme les autres ? On peut essayer d’être crédule jusqu’au bout, mais comment se persuader qu’un « homme » porterait un tel maillot de bain aujourd’hui ? Double contact, contrôle impossible, coup d’œil irrésistible, dribbles entre cinq joueurs : tel Manu Ginobili ou Zinédine Zidane, le jeu d’Iniesta grave des images, des tableaux dans nos esprits. Une seule touche de balle suffit. Ce dribble devant Coentrão au Bernabéu, ce contrôle contre Getafe au Camp Nou, toutes ces manœuvres à peine croyables… Iniesta est déjà entré dans l’histoire en marquant les deux buts les plus décisifs de l’histoire du Barça et de la sélection espagnole, contre Chelsea et les Pays-Bas, et ce n’est pourtant même plus la première chose qui nous vient à l’esprit, quand on parle de l’enfant lune. Quand on associe Messi à des statistiques hors normes et Cristiano à des prouesses inhumaines, on finit toujours par rattacher Iniesta à son jeu. Comme un Pirlo, un Borja Valero ou le meilleur Zidane.

L’évolution du Barça conduit à Iniesta

Dans la vie, il y a des tendances, des évolutions, des suites d’événements et des répétitions de phénomènes, qui vont dans un sens. Le sens de l’histoire. Et l’évolution du jeu du plus grand Barça de l’histoire aboutit à Don Andrés. Avec l’arrivée de Guardiola, tout commence avec un système, dont le travail est conclu par les Eto’o, Henry et Messi. Puis, il y a la prise de pouvoir de la mène infatigable du cerveau Xavi. Messi se déplace peu à peu vers l’axe et concentre les envolées lyriques du jeu blaugrana. Quand Xavi finit par se fatiguer, se blesser et logiquement perdre de l’influence, Messi prend ses aises dans le système de Pep. Au départ, le coup de crayon prévoyait une position axiale pour mieux toucher le ballon, plus souvent, plus tout le temps. Sauf que les équipes adverses se sont habituées et ont décidé de fermer l’axe.

Depuis, Leo touche moins de ballons, a moins d’influence, mais marque toujours plus de buts. Un élément est incontournable : sa scène n’est plus le terrain entier, mais les alentours de la surface de réparation. Les déplacements ne sont plus ceux d’un milieu offensif, mais ceux d’un vrai attaquant, voire un avant-centre. Quand le jeu barcelonais grandit au cours du match sur le tempo d’Iniesta, Messi observe, rode, attend la faille. Il ne se presse pas, pour que son génie ait toute la lucidité du monde quand une occasion se présente. Riquelme résume parfaitement le phénomène : « Messi peut être en train de penser à la mère (expression argentine voulant dire « penser à n’importe quoi, être distrait » ) et d’un coup le ballon apparaît et il met un but de nulle part, comme l’autre jour avec l’Argentine contre la Suisse. » Messi « hors » du jeu, Xavi fatigué, Pedro sur un côté, Busquets en salle des machines, c’est donc Iniesta qui dirige le jeu. Il manœuvre, accélère, ralentit, dribble. On ne voit plus que lui, et c’est très bien comme ça. Avant, quand le Barça jouait, on pouvait se lasser de la répétition académique des mêmes mouvements. Aujourd’hui, on peut encore s’en lasser, mais Iniesta a tout le temps le ballon. Un spectacle.

Une conduite de balle qui vaut tous les buts du monde

C’est quand le Barça va moins bien que c’est le plus criant : on ne voit plus que le 8. Où était Messi à Milan et à Madrid ces dernières semaines ? Mario Balotelli vous jurera qu’il ne l’a pas vu. Mais que le héros de Brescia ose nous dire qu’il n’a pas aperçu Don Andrés. Messi transforme le football en un jeu de calculs, de statistiques. Marquer 91 buts en une année civile est une performance unique. Que dire ? Mais Iniesta en fait quelque chose d’autre, de plus, de mieux. Quand Iniesta perd, il a mieux joué que tout le monde, comme à Milan. Plus juste, plus beau. Lui, le « non-catalan » , le petit garçon de la province perdue d’Albacete, sorte d’antithèse de la Catalogne, est devenu la personnalisation rêvée et impossible de la philosophie catalaniste de ce Barça. « On a perdu, mais on a mieux joué au football » , répétait Xavi ces dernières saisons en cas de déroute blaugrana. Aujourd’hui, même si Iniesta perd à Milan ou à Madrid, peu sont les spectateurs qui diront qu’Iniesta n’a pas été le joueur qui a le mieux joué sur la pelouse. Contre Messi ou CR7, tu perds un match. C’est le football, l’objectif est toujours de gagner, mais au bout du compte, tu n’as perdu qu’un match, sur une ou deux (ou trois, ou quatre, hein Arsène) fulgurances. Tu peux encore gagner le prochain. Contre Iniesta, c’est une autre histoire. Tout au long du match, de la première à la dernière seconde, Iniesta te montre et te démontre qu’il t’est supérieur.

L’homme et le taureau

Iniesta te rend inférieur. Tu lui cours après, tu essayes de lui prendre le ballon, mais au bout du compte, il joue et tu le regardes, il dribble et tu fais un footing. Iniesta est le « footballeur torero » par excellence. Peu importe le résultat, l’essentiel semble être la qualité de la prestation. C’est tout le football espagnol, voire plus, réuni en deux pieds et un esprit. À quoi bon marquer à la première et à la dernière seconde si tu n’as rien montré durant quatre-vingt-dix minutes, diraient tous les aficionados. Pour qu’une faena soit réussie, la prestation doit être intense à la fois artistiquement, techniquement et esthétiquement. Il faut le résultat et la manière, au début, au milieu, à la fin. Comme Iniesta. Quand Don Andrés perd, il laisse l’impression d’avoir pu faire plus. Comme si, s’il l’avait vraiment voulu, il aurait pu prendre le ballon, dribbler tout le monde, et délivrer un caviar au point de penalty à l’un de ses coéquipiers. Souvent Messi, d’ailleurs.

De l’or pour l’Espagne

À y regarder de plus près, cette nuance « joueur le plus fort / joueur qui joue le mieux » n’est pas si jeune. Et historiquement, le Ballon d’or l’a même longtemps consacrée. Zidane, Nedvěd, Ronaldinho, Kaká n’étaient pas les joueurs les plus performants ni les plus réguliers. Mais ils savaient mieux jouer que leurs contemporains, tout simplement. Aujourd’hui, de tous les joueurs grandioses de notre époque, Andrés Iniesta est finalement le seul à faire véritablement l’unanimité. Messi, Cristiano, Ibrahimović, Falcao, van Persie, Luis Suárez, Özil, tous sont discutables, que ce soit pour irrégularité, absence de performances en équipe nationale ou faiblesse mentale. D’ailleurs, alors que Messi est détesté par une bonne partie du public merengue, Iniesta a le droit de donner une leçon de football aux joueurs du Real Madrid et de sortir sous une ovation du Bernabéu. La classe. Il convient même d’ajouter, que si le monde du football se cherche encore un véritable modèle irréprochable, il peut immédiatement se mettre à chercher dans les archives une histoire de contrat signé sur une serviette pour le petit Andrés.

L’Espagne attend toujours une juste récompense pour sa domination du football mondial depuis 2008. Cela fait déjà cinq Ballons d’or passés. La France a eu Platini et Zidane. Le Brésil a eu Ronaldo et Rivaldo. L’Allemagne a eu Matthäus. Les Pays-Bas ont eu Cruyff et van Basten. L’Italie a eu Cannavaro. Même la belle République tchèque a eu Pavel Nedvěd. Et l’Espagne attend son tour, avec Iniesta sous le bras, peut-être pour 2014. Les pouvoirs du football sont insoupçonnables. Alors que le Jeu a déjà fait d’un petit argentin trapu à boucle d’oreille une icône divine et un symbole de la paix dans le monde, il est en train de transformer un petit homme timide, craintif et au physique insipide, en un surhomme éternellement magnifique. Parce qu’il suffit d’un ballon.

Tu sais que tu es amoureux d’Andrés Iniesta quand…

Par Markus Kaufmann

Le site Faute Tactique

à lire aussi : Özil et Iniesta, La Beauté sauvera le monde

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