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Afrogasy : « Madagascar, c’est l’Islande de la CAN ! »

Propos recueillis par Mathias Edwards
Afrogasy : « Madagascar, c’est l’Islande de la CAN ! »

Madagascar méritait mieux que la moitié de Tragédie, pour être représenté dans le grand cirque de ce qu'on appelle désormais « la musique urbaine ». C'est désormais chose faite avec les rappeurs d'Afrogasy. Pour s'imposer, le duo formé par Tito Le Vicomte et Jmsah Rza, deux cousins d'origine malgache ayant grandi en région parisienne, a décidé de miser sur les Barea, leur équipe nationale de foot, en leur concoctant un hymne. Et si c'était parce qu'ils l'écoutent avant chaque match, que les Malgaches sont quasiment en huitièmes de finale ?

En France, la communauté malgache est la plus importante d’Afrique noire, et pourtant, on n’entend peu parler de vous. Vous avez une explication ?Tito : On est un peu comme les Chinois, discrets. C’est ce que notre génération essaie de bousculer, notamment avec la musique, même si les anciens ne captent pas trop notre délire, avec nos cheveux teints et tout le reste. On ne peut plus rester entre nous, comme c’était le cas de nos parents.

Pourquoi y a-t-il aussi peu de rappeurs d’origine malgache ?Jmsah : C’est culturel. Les Malgaches préfèrent le chant, et surtout la musique religieuse, comme le gospel. Il y avait de la musique à fond tous les week-ends, chez nous. De la musique malgache, comme Mily Clément ou Mahaleo, mais aussi Johnny Hallyday, Céline Dion, Mireille Mathieu.Tito : C’est aussi pour ça qu’on a fait le morceau « Barea Barea » , en l’honneur de notre équipe nationale. Si on ne le faisait pas nous, personne ne l’aurait fait.Jmsah : Et puis la musique est une bonne échappatoire, dans la vie en général.

Notre hymne national est sérieux. Quand il retentit, on se lève, on porte la main sur le cœur, on pivote à 90 degrés et on lève la tête. Toute la famille, même les enfants.

Vous vous sentiez obligés de faire ce morceau ?Tito : Oui, depuis le début. Et même si Madagascar ne se qualifiait pas pour la CAN. La preuve, c’est que le clip a été réalisé avant la qualif’. Notre principale fierté, c’est que les joueurs l’aient validé. Ils le chantent, le jouent dans les vestiaires, le partagent sur leurs réseaux… Jmsah : L’idée, c’est qu’ils l’écoutent même lorsqu’il dorment. C’est un hymne ! Ils se motivent avec juste avant les matchs, surtout qu’il débute avec le rituel de la prière.

Lorsque vous l’avez mis en ligne, vous espériez devenir « les Vegedream malgaches » ?Tito : Bien sûr ! Les points communs entre nos deux morceaux, ce sont l’unité et la fierté. Et puis on a fait encore mieux que lui, parce que les joueurs ont participé au tournage de notre clip.

Quand avez-vous rencontré les joueurs de l’équipe nationale pour la première fois ?Tito : Il y a deux ans, en donnant un concert destiné à récolter des fonds pour financer des jeux de maillots pour les Barea. C’est Faneva Andriatsima, le capitaine, qui avait eu l’idée. Depuis, on échange beaucoup par WhatsApp, même pendant la CAN. Ils n’arrêtent pas de nous dire que l’ambiance est au top. Jmsah : Après le match contre la Guinée, j’ai dit à Lalaina Nomenjanahary, le joueur du Paris FC qu’on surnomme « Bolide » : « Dis donc, t’as beaucoup couru, t’as dû perdre du poids avec cette chaleur ! » , parce qu’il n’arrêtait pas de faire des allers-retours dans son couloir. Et il m’a confirmé qu’il avait maigri. Nous, à la base, on voulait juste faire un single en l’honneur des Barea, en espérant une éventuelle qualification pour la CAN. Et maintenant qu’on y est, il s’avère qu’on fait un début de compétition remarquable.

Où avez-vous regardé le match face à la Guinée (2-2) ?Tito : Chez des amis pas du tout malgaches, qui fêtaient un anniversaire. Je leur ai imposé le match, et depuis, ils sont tous supporters des Barea.

Je suis noir, j’ai des yeux bridés et des tâches de rousseur. Et l’équipe de Madagascar ressemble à ça, donc on n’a aucun problème quand Jérémy Morel nous rejoint.

Jmsah : De mon côté, j’étais en famille. On était aux aguets, tous avec nos maillots et nos écharpes. C’était la folie, on a réveillé les voisins. Dans l’immeuble, tout le monde nous a entendus, parce qu’on chante beaucoup, à commencer par l’hymne national, qui est sérieux chez nous. Pendant qu’il retentit, on se lève, on porte la main sur le cœur, on pivote à 90 degrés et on lève la tête. Toute la famille, même les enfants. Tito : Ce match nous a rendus très fiers. Tout le monde nous annonçait perdants, même les commentateurs malgaches. On peut toujours souligner nos défauts, mais l’état d’esprit des joueurs était remarquable.Jmsah : Moi, c’est notre défense qui me fait un peu peur.

Justement, vous attendez le retour de Jérémy Morel, actuellement blessé, avec impatience ?Tito : Oui, bien sûr. Là, apparemment ils l’ont frotté avec un peu de « panafody » ( « médicament » en malgache, N.D.L.R.), ça devrait aller. Jérémy, on est allés le voir, comme tous les autres joueurs, à Bondoufle, où les Barea ont joué contre le Kenya pour préparer la CAN. On lui a dit qu’il fallait qu’il soit en forme. À cette occasion, on avait même fait un petit show sur la pelouse, à la mi-temps.

Une fois la qualification acquise, certains joueurs ont décroché leur téléphone pour appeler Nicolas Dupuis, le sélectionneur des Barea, pour lui signaler qu’ils étaient un peu malgaches, et que bon, ça leur plairait pas mal de participer à une CAN. Que pensez-vous de ça ? Tito : C’est un peu triste pour ceux qui ont joué les qualifications et qui ne sont finalement pas à la CAN, mais le sport de haut niveau, c’est aligner la meilleure équipe possible pour être compétitif.Jmsah : Concernant Jérémy Morel, il faut quand même savoir que son grand-père était malgache, et qu’il a fait carrière dans un club local bien référencé. Donc ça ne me dérange pas. À partir du moment où tu es malgache et que tu as le niveau, tu as ta place chez nous. Et puis, on a besoin de son expérience, parce qu’encore une fois, en défense, on a des joueurs qui en manquent.Tito : L’important, c’est que les mecs soient fiers de représenter Madagascar. Et pour l’instant, ça fonctionne, on ne passe pas pour des rigolos.

Le principal reproche que je fais à Morel, c’est sa façon de danser. Il manque de flow, il ne se lâche pas, même s’il commence à s’intéresser à la culture malgache, à s’impliquer.

Surtout que les Malgaches sont le fruit d’un grand métissage…Tito : Exactement, comme les Brésiliens ! Regarde, je suis noir, j’ai des yeux bridés et des tâches de rousseur. Et l’équipe de Madagascar ressemble à ça, donc on n’a aucun problème quand Jérémy Morel nous rejoint.Jmsah : Ouais, tant qu’il ne fait pas de bourdes. Parce que s’il en fait, il ne remettra plus les pieds là-bas.Tito : Le principal reproche que je lui fais, et je lui ai dit, c’est sa façon de danser. Il manque de flow, il ne se lâche pas, même s’il commence à s’intéresser à la culture malgache, à s’impliquer. Au début, il ressentait de l’appréhension, parce qu’il se faisait traiter d’opportuniste, mais maintenant, ça va. Jmsah : L’esprit malgache est thérapeutique : nous, on est là pour la bonne ambiance, c’est notre devise. Et je suis certain que quand Morel va marquer, il va enfin lâcher un déhanchement de qualité. Ça va swinguer.

Que représente le foot, à Madagascar ?Tito : C’est hyper important. Avec un ballon, tu réunis toutes les générations, tout le village vient jouer ou regarder. Après, le championnat, c’est un truc de tueurs, il faut être costaud. Cela manque encore de structures, mais les choses se mettent en place petit à petit.

Ce début de compétition réussi est un sacré motif d’espoir, non ?Tito : Oui, surtout que le dernier match sera contre le Nigeria, qui va certainement préserver ses meilleurs joueurs en étant déjà qualifié. Donc ce sera finalement le match pour la première place du groupe.

OK, donc même si c’est la première participation de Madagascar à la CAN, vous êtes déjà super ambitieux…Tito : On est préparés ! On a prévenu le concurrence ! Il y a tout un peuple derrière les Barea, et à partir du moment où tu joues avec le cœur…

Vous voyez Madagascar aller jusqu’où dans cette CAN ?Tito : Au moins jusqu’en quarts. On est les Islandais de la CAN ! Après, si on va en finale, je me déplace jusqu’en Égypte.Jmsah : En vrai, on croit à une victoire finale. Comme on dit dans le morceau, « On veut la CAN, on veut la gagne ! »

Ce serait bien de clarifier les choses avec le Sénégal. Ils ont dit que chez nous, ils avaient joué sur un champ de patates. Alors que nous, quand on est allés chez eux, nos joueurs sont revenus avec des entorses tellement c’était un champ de manioc.

Vous rêveriez de rencontrer quelle équipe, en finale ?Tito : Le Sénégal, qui représente la puissance africaine et qu’on avait affronté lors des qualifications. On s’entend bien avec eux, mais ça ferait plaisir de les battre aux tirs au but.Jmsah : Et puis ce serait bien de clarifier les choses. Ils ont dit que chez nous, ils avaient joué sur un champ de patates. Alors que nous, quand on est allés chez eux, nos joueurs sont revenus avec des entorses tellement c’était un champ de manioc.

Pour les commentateurs étrangers, le vrai problème des Malgaches, ce sont vos noms à rallonge. Cela vous fait rire, quand vous les entendez galérer ?Tito : Bien sûr, mais c’est notre quotidien. Cela rend même difficile nos recherches d’emplois. Quand un employeur voit ton nom, il peut avoir la flemme de t’appeler, rien que parce qu’il a peur de ne pas savoir le prononcer correctement. Lors d’une rentrée au lycée, ils ont tellement écorché mon nom que je n’ai pas compris que c’était moi qu’ils appelaient. C’est pour cela qu’on adopte tous des diminutifs. Il m’est déjà arrivé d’avoir des collègues qui ont passé l’année à essayer d’apprendre mon nom par cœur.Jmsah : Ce qu’il faut savoir, c’est que nos noms ont chacun une signification. Quand tu écris notre nom, tu écris une histoire. Au XIXe siècle, Madagascar était un royaume, et depuis, on a tous un peu de sang royal qui coule dans nos veines.

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Propos recueillis par Mathias Edwards

Entretien réalisé avant Madagascar-Burundi.

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