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Zamora, vrai Bobby londonien
C'est l'histoire d'un gars qui n'a jamais été là où on l'attendait : ancien espoir déchu en pleine rédemption, fer de lance de Fulham alors qu'il devrait déprimer à Hull et candidat à la Coupe du Monde avec l'Angleterre alors qu'il devrait porter les couleurs de Trinidad. Portrait.
Il y a trois semaines, Craven Cottage a rugi de bonheur. Ses Cottagers chéris étaient tout simplement en train de coller la danse de l’année au triple champion d’Angleterre en titre, Manchester United (3-0). Artisan principal de cette correction, Bobby Zamora pouvait savourer. Un but, une passe décisive et une menace permanente pour la défense mancunienne il est vrai totalement novice au gré des nombreuses blessures. Mais surtout ne pas imaginer une performance isolée, un soir de grâce. Cette saison, Zamora facture une demi-douzaine de buts, une bonne poignée de passes décisives et une présence pesante pour la plupart des arrière-gardes de Premier League. Une belle revanche pour l’ancien paria de Fulham qui a failli foutre le camp l’été dernier, las d’être pris pour cible par le public des Whites. Une vraie fêlure pour ce Londonien pur sucre.
Un espoir prometteur
Sorti de la célèbre fabrique à champions de la capitale, Senrab Football Club, dont sont issus notamment John Terry, Ledley King, Lee Bowyer, Sol Campbell ou encore Jermaine Defoe, Zamora n’a pas fait une carrière à la hauteur de ses illustres compagnons. Pourtant, le natif de Barking, à l’est de Londres, avait ensuite fait ses classes de jeunes à West Ham, autant dire le meilleur centre de formation d’Angleterre. D’aucuns diront la seule académie potable du royaume. Oui, Zamora avait au départ tous les atouts pour bien faire et, au vrai, les débuts trimballaient leur lot de promesses. Parti se faire les dents dans les divisions inférieures avec Brighton, Zamora claque 56 pions en deux saisons, d’abord en National (Division One) puis en D2 (Championship) avec à chaque fois le titre de joueur de l’année. Suffisant pour attirer l’œil de David Platt, sélectionneur des Espoirs anglais. Dans la foulée, Zamora revient dans l’élite à West Ham et est élu à 25 ans Hammer de la saison 2005-2006. Oui, L’avenir semblait devoir sourire à Bobby, Robert Lester de son vrai prénom, sa vitesse de course, son sens de la percussion, son jeu de corps, bref son jeu d’avant un peu à l’ancienne comme on les aime de ce côté-ci de la Manche.
Après Drogba, le meilleur buteur face à Arsenal
Alors quel est le problème de Zamora ? La réponse se trouve dans le cursus. Si ce solide gaillard (1m85) n’ambiance que les dancefloor de Londres depuis son arrivée en Premier League, il n’a écumé que les clubs « secondaires » de la capitale entre West Ham (5 saisons) et Fulham (depuis deux ans) et une demie pige à Tottenham. Pourtant, ce n’est pas faute de s’être cassé la binette pour attirer l’attention des seigneurs du bord de la Tamise. Zamora est même le deuxième meilleur buteur face à Arsenal (8 réalisations) juste derrière l’infernal Didier Drogba qui, lui, a carrément fait des Gunners ses petites choses (10 buts en 11 matches face à eux, le salaud). Pas rien. Mais hormis ce fait d’arme tout à fait honorifique, Zamora n’a jamais été un serial scoreur, davantage chargé d’ouvrir les espaces pour les autres, sorte d’Emile Heskey en beaucoup moins gros, en beaucoup moins fort aussi du coup. En pleine stagnation, « Bob » commence à s’attirer les foudres du public de Fulham qui suggère même de le rebaptiser « Marmite » du nom de la sauce bizzarroïde que l’on adore ou que l’on déteste : love-it-or-hate-it. Et le joueur d’être au bord de la connerie.
Le coup de pouce du destin
La saison dernière, il est convoqué en sélection de Trinidad-et-Tobago. Une idée séduisante, l’équipe d’Angleterre étant désormais à des années-lumière de l’ancien espoir. Mais juste avant cette première cape avec les Soca Boys, Zamora se blesse. Un vrai coup du destin mais on ne le sait pas encore. Quelques mois plus tard, il accepte un transfert à Hull City, peut-être histoire de vérifier in situ si Mendy est aussi nul qu’on le dit. L’affaire est quasiment ficelée, le site des Tigers annonce même le deal. Mais là encore au dernier moment, Zamora se rétracte, ne voulant pas finir comme ça son histoire avec Londres, sa ville chérie. Et avant cette saison, le paria annonce la couleur : « Je vais tout casser cette saison et les fans de Fulham vont voir mon vrai niveau » . Un truc de flambeur désespéré croit-on d’abord. Mais non, Zamora enfile quatre pions en trois matches de pré-saison, comme une rampe de lancement pour les vraies joutes : 6 buts en championnat, 4 autres en Europa League.
Alors que Hull déprime en zone de relégation, Fulham et son avant-centre brillent sur le continent, en route en Premier Leaguer pour une nouvelle qualif européenne. De quoi donner des idées à ce bon Bobby qui se verrait bien du même coup décrocher un sésame dans le squad de Fabio Capello pour la prochaine Coupe du monde, ce qui serait un comble pour celui qui n’avait jamais pu ou su s’incruster dans ses meilleures années. Mais le pari, au départ audacieux, n’est plus si farfelu, au regard de ses propres performances on l’a vu, mais aussi de la longue blessure de Carlton Cole et de la méforme persistante d’Emile Heskey, deux joueurs de fixation comme lui. Zamora, joueur sans feinte mais définitivement expert dans l’art du contre-pied.
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