- Amical
- Italie/Espagne
Thiago, le tube de l’été
Thiago Alcantara a trois passeports, il est né dans la même ville que Cassano, partage le même vestiaire que Messi et deviendra ce soir contre l'Italie le 27e joueur d'origine étrangère à revêtir le maillot de la Roja. Portrait d'un type qui a réussi à illuminer un été merdique.
Cesc Fabregas va devoir se faire à l’idée : il ne rejoindra peut-être pas le Barça cette saison. Tout ça à cause de Thiago Alcantara. La nouvelle petite perle des catalans semble avoir laissé de coté son statut de promesse pour devenir un joueur bankable. En quelques semaines, en effet, la météorite hispano-brésilienne n’a pas seulement brillé : elle a confirmé tout le potentiel qu’on lui devinait. L’explosion du talent formé à la Masia a véritablement commencé lors du dernier championnat d’Europe des moins de 21 ans avec la Rojita. Excellent durant tout le tournoi, Thiago fait un don à YouTube lors de la finale contre la Suisse. Un missile des 40 mètre aussi précis que malicieux vient mourir dans les petits filets du gardien adverse, dégouté de s’être fait prendre comme un bleu. L’Espagne finit par remporter logiquement le tournoi et Thiago est alors rappelé d’urgence à Barcelone par Zubizarreta, le directeur sportif blaugrana. Loin de le féliciter pour ses performances, ce dernier va au contraire l’engueuler pour ses déclarations malheureuses à la presse.
Depuis le Danemark et en plein tournoi Espoirs, Thiago avait effectivement trouvé le moyen de lâcher que le fait d’évoluer au Barça n’était pas « une fin en soi » . Un crime de lèse-majesté dans un institution qui se veut « plus qu’un club ». Un moyen, surtout, pour le jeune insolent et son mentor de darron de faire monter un peu la pression pour obtenir une prolongation. Zubizarreta et Guardiola, qui connaissent l’intérêt du Real Madrid pour le joueur, ne tergiversent pas et finissent par rallonger le contrat de l’hispano-brésilien jusqu’en 2015. Le lendemain, en conférence de presse et sans surprise, Thiago jure fidélité éternelle à son club formateur. A 20 ans à peine, le bonhomme a déjà tout compris au football…
Rhinoplastie, tatouage et génétique
Messi et Sanchez en vacances et Xavi blessé, Thiago s’est érigé comme la véritable star de la pré-saison du Barça. Visiblement, la rhinoplastie qu’il s’est fait faire au retour du Danemark lui a ouvert les bronches. Avec cinq buts en 6 matchs, Thiago brille de mille feux dans un collectif qui n’accepte généralement pas de se plier à d’autres intérêts individuels que celui de Messi. C’est à l’Allianz Arena, face au Bayern Munich, que le milieu de terrain va sceller définitivement son entrée chez les grands. A sa manière, d’une frappe des 30 mètres en pleine lucarne de Butt. Un geste qu’il reproduira avec la même désinvolture face à Manchester United quelques jours plus tard. Pep Guardiola, qui l’avait déjà lancé avec l’équipe B du Barça il y a bientôt quatre ans, s’est pourtant gardé d’encenser publiquement le prodige. « Il est en feu, c’est vrai, mais avec Thiago il faut y aller molo…Il est encore très jeune et doit encore beaucoup progresser pour devenir un grand footballeur » . Xavi, surement déjà inquiet de la concurrence, s’est empressé d’embrayer dans le même sens que son ami de coach: « Thiago est un excellent footballeur, mais il faut être patient avec lui. Il faut le laisser grandir tranquillement sans lui mettre la pression et surtout il faut que les gens arrêtent de le comparer avec moi ou avec Cesc. Nous avons tous l’ADN Barça, mais avec des caractéristiques bien différentes » .
Dans le cas de Thiago, la génétique est formelle. Son ADN est plus brésilien que blaugrana. Plus individualiste et fantasque que ses illustres ainés, l’hispano-carioca ne correspond pas vraiment au profil du milieu de terrain formé habituellement par la Masia. Ni dans le fond, ni dans la forme… Capable de se débarrasser de plusieurs adversaires garce à des séries de dribbles, Thiago est plutôt du genre à tenter le petit pont pour faire lever les foules plutôt que de faire la passe en retrait/sécurité. Ce coté amuseur, très loin du profil de « premier de la classe » de Guardiola, Xavi, Iniesta ou Fabregas s’apparente à une mini-révolution à Can Barça. D’autant que le gamin est plutôt à l’aise dans le jeu long et facile devant les buts adverses. Des qualités qui ne sont pas forcément les points forts des deux jumeaux du milieu de terrain actuel des Culés. Guardiola le sait. Avec Thiago, il va avoir du boulot. Au moins autant qu’avec Ibrahimovic. On parle quand même d’un ado qui s’est fait tatouer son propre visage sur le biceps…
Espagne, Italie, Brésil
« Je suis jeune et comme tous les jeunes j’ai envie de conquérir le monde » . Cornaqué depuis sa tendre enfance par son père Mazinho, champion du monde brésilien en 94, Thiago donne la sensation d’avoir été programmé pour réussir. Ca n’a pas toujours été aussi évident… Avant de rejoindre la Masia du Barça, Mazinho avait fait le tour des clubs espagnols pour proposer les services de son prodige. Valence, le Real Madrid et le Deportivo La Corogne n’avaient alors pas jugé le jeune cadet assez bon pour payer les 40 000 euros, les billets d’avion pour le Brésil et le poste de recruteur demandé par Mazinho en échange de son fils ainé. Coup de bol pour les brésiliens, le Barça finit par mordre à l’hameçon un peu par dépit. En effet, en 2004, la Masia se retrouve orpheline de Gerard Piqué, Fran Merida et Cesc Fabregas partis en queue de poisson pour Manchester United et Arsenal. Pour rééquilibrer ses équipes de jeunes, le Barça a besoin de sang neuf. Thiago en fait partie. Mazinho peut être content. Il a l’argent, le poste qu’il souhaitait et ses fameux billets d’avion. Après tout, rien de scandaleux : les blaugranas avaient déjà opéré de la même manière pour un certain Lionel Messi… Au contraire de la Pulga, Thiago a cependant choisi de représenter l’Espagne au niveau international et ce au plus grand dépit du père du footballeur : « J’ai tout fait pour que le Brésil s’intéresse à Thiago. J’ai même contacté Ricardo Teixeira pour lui dire qu’ils étaient en train de faire une bêtise en ne le convoquant pas. Maintenant c’est trop tard…Mais je suis heureux quand même pour mon fils. Son choix est personnel et je le respecte » .
Sélectionné dans toutes les catégories de jeunes espagnoles, Thiago va donc faire son baptême du feu avec la Roja contre l’Italie à Bari… sa ville natale. Il sera donc avec Cassano, le deuxième régional de l’étape. La convocation surprenante de Thiago est pour Del Bosque un moyen de verrouiller le joueur contre d’éventuelles sirènes venues du Brésil (s’agissant d’un match amical Thiago pourra encore être convoqué par le Brésil, même si le joueur a rejeté cette hypothèse), mais aussi une façon de préparer l’avenir de la Roja. Le moustachu sait que Xavi, absent sur blessure contre l’Italie, n’est pas éternel. Fabregas, absent pour cause de méforme et embourbé dans sa particulière telenovela estivale, n’a pas non plus été appelé par le moustachu de la Mancha. Face à la Nazionale, Thiago aura donc à cœur de briller pour définitivement balayer définitivement son principal concurrent.
Javier Prieto Santos
Par