Même tête, même dégaine, même poste, même style de jeu : Rani, c'est un peu le frère jumeau de Sami qui serait arrivé avec sept ans de retard. Le cliché est convenu : il est le frère de, jouit forcément d'un statut particulier, en club comme en sélection, va donc naturellement souffrir de la comparaison avec son frère, et cætera. Que nenni. Rani ne peut pas souffrir de la comparaison avec Sami, puisqu'il en est la photocopie. La fratrie Khedira (qui compte aussi Denny, 19 ans) a été élevée au grain par une maman allemande et un papa tunisien prénommé Lazhar. Ce dernier, ancien gardien d'une équipe amateur au bled, est arrivé en Allemagne il y a un quart de siècle environ. Chef de section chez Mittal à Stuttgart, Lazhar n'a jamais perdu de temps après le taf ; direction la maison, pour transmettre la passion aux garçons : « Généralement, les gars me proposaient de prendre une bière après le boulot. Mais moi, je n'avais qu'une hâte, rentrer chez moi, et jouer avec mes garçons » . Enfin, jouer... ce sont surtout les gosses qui s'amusent, avec toujours le même schéma : dès qu'un petit nouveau fait son apparition sur le terrain familial, Lazhar reprend ses activités de gardien de but : « Que ce soit pour Sami, Denny ou Rani, j'ai procédé de la même façon : dès qu'ils ont été en âge de marcher, je me calais, assis par terre dans le salon, et leur envoyais la balle. Ils me shootaient dessus, et je la renvoyais, et ainsi de suite... »
Clairement, chez les Khedira, on transpire le football. Pas étonnant donc de voir le papa prendre en charge une équipe de touts petits du club du coin, le TV Oeffingen, dans laquelle il fait jouer ses ouailles. C'est par ce biais que le VfB Stuttgart est venu dénicher Sami il y a seize ans ; satisfait par le rendement du joueur, le club souabe s'est repointé il y a presque cinq ans de cela pour voir si Rani valait la même chose que Sami. Banco. Au final, Lazhar place deux rejetons sur trois à Stuttgart ; seul Denny passe son tour, la faute à une vilaine blessure.
Pour le moment, Rani a tout bon. Son daron l'emmène tous les matins au centre d'entraînement de Stuttgart, où il fait ses classes chez les jeunes. Il vient d'ailleurs de remporter la Bundesliga Süd/Südwest avec les B-Junioren du VfB (équivalent des moins de 17) ; un titre auquel il a grandement contribué avec ses 10 buts et ses 7 passes décisives en vingt-quatre rencontres. C'est ce qui lui a valu d'être retenu pour la Coupe du monde des ados par Steffen Freund. Et s'il n'a certes pas beaucoup joué, Rani a néanmoins tout donné. Tout comme son grand frère, il a couru dans tous les sens. Il a aussi couru pour être le premier à célébrer ses coéquipiers buteurs. Un joueur d'équipe, définitivement, humble, discipliné, qui ne se prend pas la tête. Comme le lui a appris son vieux, et comme lui montre match après match son idole, qui n'est autre que le numéro 24 de la Maison Blanche. Des histoires de famille, il y a en a eu en Allemagne, avec, entre autres, les frères Hoeness (Uli et Dieter), les frères Allofs (Klaus et Thomas) ou encore les frères Rummenigge (Karl-Heinz et Michael). A chaque fois, c'est le plus âgé des deux qui s'est affirmé. Rani entend bien briser cette règle. Les Khedira ont beau être originaires de Hammamet, le dernier-né de la famille ne compte pas jouer les touristes...
Ali Farhat
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ? Proposez une correction à nos secrétaires de rédaction.