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Peiser : « On s’échauffe avec les joueurs de foot US »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
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Formé au PSG, parti très tôt au Bayer Leverkusen, et aujourd'hui à Ottawa après plus de 15 ans en pro, Romulad Peiser est un globetrotter du football. Le gardien de but a connu cinq championnats, deux continents, beaucoup de joies et quelques peines...

Comment as-tu atterri à Ottawa après six années au Portugal ?

J’ai rencontré l’entraîneur Marc Dos Santos, un peu par hasard en janvier 2014. Il était venu voir un attaquant de deuxième division au Portugal. Je connaissais le joueur de vue et je l’ai aperçu alors qu’il était en discussion avec le coach d’Ottawa. On s’est salués et il m’a présenté Marc Dos Santos. Il me connaissait car il a une grande connaissance du football portugais, on a un peu parlé et on est restés en contact à partir de ce moment-là.

Comment se fait-il qu’au mois de juin il te prenne au Fury d’Ottawa, il avait besoin d’un gardien ?

Pas spécialement, mais l’occasion s’est présentée car il cherchait des joueurs, et moi, j’étais en fin de contrat. J’ai eu des propositions pour rester au Portugal, même en première division, mais c’étaient des offres pour rester un an ou deux. Comme je ne suis plus tout jeune et que j’ai toujours eu l’envie d’aller jouer en Amérique du Nord, que j’ai senti un bon feeling avec le coach et que je m’étais renseigné sur le club – ils ont d’excellentes structures, un gros groupe derrière qui se donne les moyens de réussir – donc j’ai dit à mon agent « Vois avec le coach d’Ottawa si cela l’intéresse ou pas » . Il était intéressé…

Quand tu dis qu’ils ont un projet et des ambitions, on t’a promis quoi ?

Ils ont construit un nouveau stade, un centre commercial… Le club appartient à un groupe qui s’appelle OSEG (Ottawa Sports and Entertainments Group), qui possède une équipe de hockey sur glace, de football américain, une équipe de soccer donc. Leur projet sportif global représente un coût de 400 millions de dollars.

Donc ton club vise « la montée » en MLS en fait ?

Pour aller en MLS, il faut montrer que l’on a un club viable, que des spectacteurs viennent aux matchs, qu’il y a un engouement de la ville autour du football. Il faut montrer que l’on a des capacités sportives aussi. New York City a mis 50 millions sur la table, d’autres clubs comme Ottawa doivent se construire plus lentement avant de poser une candidature. Là, on est un peu dans l’antichambre, la NASL (North American Soccer League), la plupart sont passés par là : Montréal, Toronto… Après, cela permet de voir si le projet est viable ou pas. Mais dans le pire des cas, Fury d’Ottawa restera un club jouant le titre en NASL. C’est un club qui vaut le coup d’œil. Un fait impressionnant : le matin, nos préparateurs physiques préparent à la fois les joueurs de foot US et ceux de soccer. On s’échauffe donc ensemble et on se retrouve ensemble aussi pour les repas. C’est du même niveau que ce que j’ai connu à Leverkusen, pourtant en première division allemande. Même la nourriture, elle est préparée par des chefs cuisiniers. Je suis heureux d’être ici.

Six ans au Portugal avant d’arriver au Canada, le choc climatique n’est pas trop violent ?

Pour l’instant, ça va, il fait bon, on a une sorte d’été indien même s’il commence à faire un peu frais. Le championnat s’arrête entre novembre et mars, donc la plus grosse période de froid, on va l’éviter. L’an dernier, ils ont fait un stage en Floride, on va également s’entraîner en intérieur, et puis j’en profiterai pour aller un peu en France aussi.

On dit que le Canada offre d’excellentes conditions de vie, cela a joué dans ton choix de carrière ?

C’est sûr. Ottawa, c’est la capitale, c’est plus ou moins francophone car on est proche du Québec, le coach parle français, et moi, je me débrouille bien en anglais. Je suis vraiment bien. J’étais déjà allé en vacances à Toronto… Je viens d’avoir mon deuxième enfant, donc c’était important d’avoir de bonnes conditions de vie. Une nounou vient deux à trois heures par jour, on a une belle maison, un jardin, de l’espace, un parc pour les enfants juste à côté. Ce sont des conditions de vie que j’adore. En plus, au Canada, c’est relativement cool, moins agressif qu’aux États-Unis, donc c’est très bien…

Le choix du Canada, c’est un peu lié à tes projets post-carrière de joueur ?

À partir du mois de janvier, je vais passer mes diplômes d’entraîneur, c’est aussi ça que le club recherche. On a signé un contrat à long terme, avec des années en option si jamais je reste assez bon. Mais il y a un projet de reconversion dans ce contrat. À la fin de la saison en novembre, je devrais aller coacher un peu l’Academy, on me met déjà le pied à l’étrier. C’est ce que j’ai aimé dans la proposition du club, si cela leur convient, il y a un contrat sur du long terme, si cela se passe mal, je ne suis pas obligé de rester ni eux de me garder.

Le Canada, c’est donc un choix de vie ?

Exactement. Il y a beaucoup d’espace, les rues sont grandes, c’est très vert avec des parcs, des fleuves… Ottawa est vraiment une ville magnifique, et calme en plus. C’est la capitale, donc il y a beaucoup de diplomates, c’est une population relativement posée…

Cela ressemble à quoi, la NASL ?

Le style de jeu, c’est un mix entre l’Angleterre et l’Allemagne, cela va d’un but à l’autre et c’est très engagé au niveau de l’impact physique. Je suis assez surpris par le niveau, il y a quand même de bons joueurs. À San Antonio par exemple, il y a d’anciens internationaux colombiens, Kleberson, l’ancien de Manchester United, joue à Indianapolis… Il y a quand même un certain niveau, c’est difficile de comparer car le style est différent. Un club comme Ottawa, sur un match, peut rivaliser avec une Ligue 2 ou une Ligue 1 de bas de tableau. Après, en comparaison avec un championnat comme le Portugal, il y a beaucoup de bonnes équipes, mais pas une ou plusieurs grosses écuries. C’est un championnat assez équilibré. C’est supérieur au Championnat National français, c’est sûr. Cela ne vaut pas le haut du tableau en Ligue 2, mais mon club pourrait survivre en Ligue 2 sans problème.

Vous jouez devant combien de spectacteurs ?

À Ottawa, on a joué devant 15 000 personnes contre le New York Cosmos, sinon, on joue en général devant 5 000 spectateurs. Après, le club est assez récent, donc cela augmente progressivement. On a eu plusieurs matchs à 12 000 ou 15 000. C’est très variable, on a un stade tout neuf de 24 000 places. Quand on a joué à Minnesota, avant notre match il y avait Manchester City contre Olympiakos, donc quand on est entrés sur le terrain, il y avait encore les 40 000 spectacteurs. Ils font des events, ils ont une culture du spectacle. Il y a les hymnes américain et canadien avant les matchs, c’est vraiment du spectacle.

Et dans les tribunes, c’est plus des spectateurs que des supporters ?

Oui, mais il y a quand même des kops. Mais ils sont plus enthousiastes que les spectateurs en France. Quand ils voient un beau tacle, ils vont se lever et fêter ça autant qu’un but, un peu comme en Angleterre. Ils vivent vraiment le match, ils adorent l’engagement, ça me plaît.

Remontons le temps : en 1998, formé au PSG, tu signes au Bayer Leverkusen et tu es perçu à l’époque comme un grand espoir. Comment tu expliques 16 ans après l’écart entre les attentes que tu suscitais et la carrière que tu as accomplie, honorable, mais loin d’une carrière internationale ?

Il faut avoir un certain niveau de chance pour pouvoir évoluer au très haut niveau. J’ai perdu pas mal d’années avant d’avoir l’opportunité de jouer, c’est peut-être ça. Après, j’ai quand même fait à peu près 300 matchs en professionnel. J’étais en équipe de France de jeunes, et tous dans les équipes de jeunes ne peuvent pas arriver jusqu’aux A, il y en a même beaucoup qui n’arrivent pas jusqu’à une carrière professionnelle. J’appartiens à une génération où il y avait Réveillère, Escudé, Malbranque, une grosse génération… Il y en a certains qui n’ont pas réussi à percer alors qu’ils étaient très bons. J’aurais aimé être en équipe de France, mais quand je regarde derrière, j’ai duré, j’ai joué en Ligue 1, connu plusieurs championnats, j’ai été deux fois dans un groupe engagé en Champions League et deux fois dans un groupe en UEFA… Finalement, ce n’est pas si mal que ça.

Quand on fait une carrière comme la tienne, moins médiatique et top niveau, mais plus portée sur l’étranger et les voyages, est-ce que le côté « passion » est mieux préservé ?

Tu sais, les six ans au Portugal, sur le plan médiatique, la France, c’est de la rigolade à côté. En France, il n’y a aucune pression à part à Paris et Marseille. Même en ayant joué dans des petits clubs traditionnels (Naval et Academica Coimbra, ndlr), on a trois-quatre quotidiens qui sortent tous les jours. Niveau passion, le Portugal vit le foot avec plus d’intensité. La France, c’est là où j’ai été le plus peinard. Au Portugal, le journal de 13h commence avec les entraînements de Porto ou Benfica. Tous les jours, il y a des conférences de presse et les médias cherchent la petite bête. Les gens ont du mal à le comprendre, mais c’est aussi pour ça qu’un petit pays comme celui-là est au-dessus de la France à l’indice UEFA. Les Français pensent que leur championnat est meilleur ; pour avoir évolué en Allemagne, je peux dire que la Bundesliga est dix fois plus intéressante et spectaculaire. Au Portugal, il y a aussi de superbes équipes : Porto, Benfica, Sporting, mais aussi Braga. Même Guimarães l’an passé a emmerdé Lyon. Les Français se voient un peu plus beaux qu’ils ne le sont, heureusement qu’il y a le PSG et Monaco pour relever l’indice UEFA. C’est un bon championnat, mais plus un centre de formation pour l’Angleterre, l’Allemagne et l’Espagne, du moins vu de l’extérieur.

En 2002-2003, après l’Allemagne, une expérience un peu champêtre, tu es parti au FC Vaduz, au Liechstenstein…

Il me restait un an de contrat à Leverkusen, et un club de division 2 me voulait. J’ai demandé à être libéré, ce que le Bayer a accepté. Mais le club de D2 a été retoqué par l’équivalent allemand de la DNCG et je me suis donc retrouvé le bec dans l’eau. Le FC Vaduz m’a fait une offre, il jouait en Coupe d’Europe, et visait la montée en D1 suisse… Vaduz en Suisse, c’est un peu le même principe que Monaco en France. J’étais jeune, j’avais vraiment envie de jouer, donc j’ai vu cela comme une opportunité. L’année d’après, je suis allé en Roumanie, au Rapid Bucarest, mais cela s’est mal passé, je n’ai pas été payé et c’était un peu space. Au moins Vaduz, cela m’a permis d’appréhender le métier dans la peau d’un gardien titulaire. Se préparer pour une saison comme titulaire ou comme remplaçant, l’approche est totalement différente. J’ai pu gagner en régularité et goûter à l’UEFA comme titulaire. On a perdu contre Livingston après un nul 1-1 à la maison et un 0-0 à l’extérieur, mais c’était sympa pour l’expérience. À Vaduz, on a terminé premiers du championnat avant de disputer les play-offs. On a terminé troisièmes du tour de play-off, mais seulement les deux premiers allaient en première division…

Le Rapid Bucarest, tu es ok pour en parler un peu plus ?

C’était vraiment bizarre : je suis resté 3-4 mois sans jouer et être payé. On n’avait même pas signé le contrat, donc je suis parti en pensant être libre. Je reviens au mois de novembre en CFA à Poissy, histoire de jouer, et le directeur sportif du club m’a expliqué que c’était impossible car j’avais un contrat de trois ans en Roumanie… C’est un truc que je préfère oublier. Cela ne pourrait plus arriver aujourd’hui. J’ai même lutté pour récupérer mon passeport et quitter le pays…

Tu as passé seulement quatre ans en France, tu en retiens quoi ?

C’était bien, j’ai vécu de belles expériences, mais ce ne sont pas les quatre plus belles années en matière de souvenirs, même si j’ai été nommé aux trophées UNFP et qu’il y a eu une montée. Le championnat français est intéressant, il y a de belles pelouses et de beaux stades, mais ce n’est pas de ça dont je vais me rappeler en priorité à la fin de ma carrière.

Tu as pris plus de plaisir au Portugal où tu es resté six ans ?

Exactement. Jouer contre Porto, Benfica, disputer la Coupe d’Europe. Même en Allemagne, j’ai évolué avec des stars comme Ballack, Zé Roberto, Emerson… Ce sont ces souvenirs ou les voyages que je fais maitenant, par exemple le match à San Antonio – où on joue à côté du Fort Alamo -, ce sont plus des choses comme ça que je vais retenir.

Quel stade t’a le plus marqué ?

Ceux de Benfica et Porto, ce sont vraiment des ambiances chaudes, difficiles à imaginer. C’est comparable à Paris et Marseille, mais ce qui est frappant, c’est qu’au Portugal, tu es supporter de Porto ou Benfica. Tout le pays est concerné par ce match. On ne peut pas l’imaginer en France. Même les femmes et les enfants choisissent leur club. Pendant un Benfica-Porto, le pays s’arrête de tourner, et je n’exagère pas. C’est de la folie. Les Allemands sont passionnés aussi, mais ils ne sont pas fous comme au Portugal, où ils ne se contrôlent plus, cela déborde. C’est la chose la plus importante pour eux, cela les affecte. Même mes coéquipiers en première division, la plupart supportaient Benfica ou Porto en plus de notre équipe. Je ne vais pas aller jusqu’à dire que si Benfica ou Porto gagnaient mais nous non, cela allait pour eux, mais on était pas loin de ça… C’était pourtant des joueurs de première division.

Tu as connu cinq pays différents hors de France, tu parles combien de langues ?

Quatre : français, allemand et portugais, je les parle couramment, et en anglais je me débrouille.

C’est un superbe bagage pour l’après-carrière…

Oui, et aussi pour les expériences de vie, le fait de s’adapter partout, faire des rencontres, découvrir de nouvelles cultures. Je m’étais toujours dit que soit j’aurais l’opportunité de jouer en équipe de France, et là il faudrait faire des choix de carrière, ou sinon, plutôt que de jouer 500 matchs en Ligue 2, cela valait plus le coup de voyager. Je pouvais gagner autant d’argent voire plus ainsi, et surtout, je serais plus riche humainement. C’est le choix que j’ai fait. J’aurais pu rester pépère en France, à la fin de mon contrat à Gueugnon, Reims m’avait fait une proposition, mais j’ai préféré aller à Naval pour voir autre chose. Je ne dis pas que j’aurais dit non à un beau club de Ligue 1… Il y a des joueurs qui n’osent pas franchir ce pas, moi je suis heureux de l’avoir fait. Tout n’a pas été rose, il y a eu des retards de salaire, notamment au Portugal, le changement de continent, ce n’est pas évident également au début…

Avec ton parcours, la probabilité d’avoir une compagne française est infime…

Elle est suisse, d’ailleurs je le suis aussi puisque j’ai obtenu la double nationalité il y a quelques années. J’étais au Portugal, je l’ai demandé après dix ans de mariage. On s’est rencontrés quand j’étais en Allemagne, c’est une Suisse germanophone…

Si je suis un génie qui te propose d’échanger ta carrière actuelle avec une carrière d’international, tu le fais ?

Honnêtement, je ne sais pas. Ma carrière m’a comblé en tant qu’homme, il n’y a aucun doute là-dessus. Donc c’est difficile de répondre à ta question car il n’y a pas que le foot qui entre en ligne de compte. Après, c’est sûr que cela aurait été bien d’aller en équipe de France, mais cela ne m’inspire aucun regret. Par contre, je serais resté toute ma carrière en Ligue 2, là peut-être je me serais dit que j’avais raté quelque chose. Quelques collègues me l’ont déjà dit : « Ah, même si j’ai fait une centaine de matchs en Ligue 1, qu’est-ce que j’ai été con de ne pas tenter une expérience à l’étranger » . Beaucoup me disent « Tu as bien fait, nous on n’a pas eu les couilles d’y aller, c’est vraiment un truc qu’on regrette » . Moi, je l’ai fait, et je m’y suis plu la plupart du temps. J’ai vécu à la montagne, j’ai vécu à la mer, sur un autre continent. Quand on connaît les statistiques de l’UNFP qui disent qu’une carrière dure en moyenne 2-3 ans, moi j’en suis à 16-17 ans…

Un mot sur le PSG, ton club formateur ?

C’est le premier club qui m’a fait vibrer et aimer le foot. J’étais ramasseur de balles dans les années 90, l’époque des exploits européens contre le Milan AC ou le Real Madrid. C’était magnifique, je suis content que le club en soit là aujourd’hui. La tête de Kombouaré, je l’ai vu en première loge, c’était la folie, les jeunes comme moi avec une carte pour aller voir tous les matchs. Un peu comme maintenant, l’équipe de cette époque faisait rêver.

Le paradoxe de ce PSG, c’est que le centre de formation n’a jamais été mauvais, mais peu de jeunes percent en équipe première. C’est un souci pour toi ?

Pas spécialement. Ils forment de bons joueurs de Ligue 1, mais eux ils ont une équipe de All-Star. Cabaye sur le banc alors qu’il est titulaire en équipe de France… Dans tous les gros clubs, c’est un peu comme ça, il n’y en a qu’un ou deux de temps à autre qui s’imposent vraiment dans l’équipe première. S’ils en forment un tous les deux ans qui arrivent en équipe première, ce sera suffisant. Rabiot, Chantôme, ce sont de bons joueurs, mais comparés aux autres internationaux de l’équipe, il y a quand même une marge.
Lyon, au carrefour de ses ambitions

Propos recueillis par Nicolas Jucha

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