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Nguyen Quang Hai, ça va faire mal

Par Clément Barbier
7 minutes
Nguyen Quang Hai, ça va faire mal

Il y a autant de fantastiques, que de saisons dans une année, que de joueurs vietnamiens évoluant en Europe. Mais ce total pourrait prochainement bondir de 25 % : Nguyen Quang Hai, présenté comme « le Messi vietnamien » et véritable prophète en son pays, suscite les convoitises sur le Vieux Continent. Zoom sur ce grand talent d’Asie du Sud-Est auquel l’Europe a décidé de s’intéresser. Enfin.

L’Asie du Sud-Est : un espace inégalement mondialisé face aux nouveaux défis. Les cours de géographie de terminale ne mentent pas, et d’un point de vue footballistique, le Vietnam souffre effectivement de cette réputation. La preuve : ils ne sont que quatre footballeurs vietnamiens à évoluer en Europe. Et encore, aucun d’entre eux n’y joue en tant que professionnel. Pourtant, à 25 ans, Nguyễn Quang Hải est en passe de devenir l’un de ces Vietnamiens à franchir le pas, puisque plusieurs clubs français, belges et néerlandais se sont penchés sur le profil de celui qui est surnommé le « Messi vietnamien » en son pays. « C’est la superstar numéro un dans le pays. C’est la plus grande icône. Pourtant, il est jeune, témoigne Ibou Kebe, 32 ans, ancien coéquipier de Quang Hải à Hanoï. Un temps dits proches du dossier, Nantes et Nîmes n’enrôleront finalement pas le meneur de jeu, tel que l’a informé son agent Nguyễn Đắc Văn sur Facebook, puis nous l’a confirmé – concernant le NO – Rani Assaf, le président des Crocos, qui évoque « un pari risqué qu’on ne peut pas se permettre lors d’une saison à quatre descentes ». Pour l’heure, seul le FC Metz semble encore tenir la corde.

Elégance et ambitions

Quand Ibou Kebe débarque en Asie en 2019, l’Alsacien s’aperçoit rapidement du phénomène qu’il a en face de lui. « Pour moi, quand j’arrive, je ne connais personne, mais sur les premières prises de balle… Je l’ai senti, je l’ai vu. » Et Kebe de détailler la graine de star qu’il avait sous ses yeux : « C’est un petit gaucher. Il a vraiment un toucher de balle, comment dire… soft. Il est beau à voir jouer, il est élégant. Et il va très, très vite dans ses enchaînements. C’est un joueur qui peut jouer n’importe où. Sa spéciale ? Contrôle de la semelle, passe de l’extérieur. Et ça va vite : tac-tac. » D’ailleurs, il n’y a pas meilleur que Quang Hải au Vietnam, et ça, tout le monde le sait très bien. L’intéressé y compris, dont les envies de départ remontent à il y a de cela au moins trois ans. Refus catégorique de la direction du club de Hanoï. « Trois jours après que j’ai signé à Hanoï, le président nous convoque. Réunion. Au début, je ne comprends pas, se souvient Ibou Kebe. Et à la fin, on m’explique que Quang Hải veut déjà partir. Et c’était en 2019. Le problème, c’est que le président lui a dit à lui, et à d’autres :« Vous êtes sous contrat, il n’y a personne qui va partir. Vous honorez votre contrat, j’ai encore pas mal de choses à faire avec vous, et je ne veux pas vous laisser. » »

Est donc enfin venu le temps où Quang Hải en a fini avec son contrat le liant à Hanoï. Et où l’idole de toute une nation s’envolera vers d’autres cieux, ceux qui surplombent la France, sauf surprise. Si Kebe réclame bien sûr du temps au milieu offensif polyvalent, le Strasbourgeois ne doute absolument pas de sa réussite dans l’Hexagone. « C’est fort, c’est très fort, ce petit. Il y a eu des matchs, franchement, je ne vois pas comment on pouvait les gagner. Et il changeait la décision à lui tout seul. Sur un coup de pied arrêté, sur un exploit technique ou sur une passe qu’il trouvait. » Du Leo Messi dans le texte.

Le monde est Hanoï

Lancé en pro en 2014 à Hanoï, Quang Hải, rapidement prêté à Saïgon – le club de Hồ Chí Minh-Ville –, s’impose ensuite dans le club dont il portait les couleurs depuis ses neuf ans, avec à la clé, la bagatelle de 33 buts en 150 rencontres avec l’escouade de la capitale vietnamienne. Parallèlement, son empreinte avec sa sélection s’épaissit ; à 25 ans, le meneur de jeu au format réduit (1,68 m) a déjà joué à plus de 110 reprises pour le Vietnam. Le décompte s’effectue de la sorte : 70 capes et 15 buts en équipes de jeunes, et depuis 2017, 43 sélections pour 10 réalisations avec les A. En 2019, la cote de popularité de Quang Hải redouble encore d’intensité lorsque le Vietnam atteint les quarts de finale de la Coupe d’Asie, compétition qui voit le maestro s’illustrer en envoyant un coup franc direct contre le Yémen.

Cette notoriété, elle aussi, Ibou Kebe l’a rapidement mesurée. « Pour mon premier match avec Hanoï, on joue à l’extérieur. Et dans le vestiaire, il ne restait plus que lui et moi. Je sors, et là, je vois 600/700 personnes en train de crier. Je regarde, je dis :« C’est comme ça, le Vietnam ? »La sécurité nous fait monter dans le bus, et un joueur me demande avec qui je suis sorti. Je lui réponds que je suis sorti avec Quang Hải. Il commence à rigoler. C’est le Messi du pays ! C’est normal, quand les gens le voient, ils pleurent », détaille avec beaucoup d’amusement l’ancien attaquant du Mans. « S’il signe, tous les Français verront l’engouement qu’il y a autour de ce joueur. C’est juste incroyable. Tous les Vietnamiens vont venir le voir. Qu’il soit dans le Sud, dans le Nord, dans l’Est, dans l’Ouest, ils vont tous venir », assure Ibou Kebe, encore abasourdi par le traitement réservé à l’icône vietnamienne.

Route de la soie

Comme tout phénomène chéri du grand public, Quang Hải est une mine d’or en matière de marketing. Mais le facteur influence est encore plus grand au Vietnam, où les groupies affluent. Sa cote de popularité est telle que le désormais ex-métronome de Hanoï remplit tous les encarts publicitaires possibles au Vietnam. « Il est partout, se rappelle Ibou Kebe. Publicité pour la télé : c’est lui. Les téléphones : c’est lui. À manger : c’est lui. Il y a tout. Par exemple, quand j’arrive à Hanoï, on discute dans l’ascenseur avec l’entraîneur adjoint. Il y a des pubs qui défilent, et c’est encore lui. Toutes les grandes affiches de sponsoring, il est dessus. »

Par l’intermédiaire de Quang Hải, l’Asie du football pourrait voir s’ouvrir une nouvelle porte d’entrée vers la crème du football mondial. Toutefois, Ibou Kebe, de son expérience vietnamienne, repère un premier obstacle à cette fuite des talents. « L’objectif des joueurs asiatiques, c’est de venir jouer en Europe, parce que c’est ce qui se fait de mieux. Il y a Messi, Ramos, Neymar, Di María qui sont en France. En Angleterre, pareil. Ça donne envie de venir. Mais le problème, pour les Asiatiques, c’est qu’ils sont très famille. Du coup, beaucoup restent en Asie, parce qu’ils n’ont jamais vraiment été loin des leurs. » La concernant, peut-être l’Europe arrêtera-t-elle de regarder son nombril et s’intéressera à ce qui se fait aussi de bien ailleurs. C’est l’autre obstacle pointé du doigt par l’ex-buteur hanoïen. « Le problème, c’est que l’Europe ne regarde pas ce qui se fait en Asie. Le seul moyen pour lui de se faire voir en Europe, c’est de jouer une Coupe du monde ou des compétitions avec des équipes européennes », détaille Ibou Kebe. Convaincu que Nguyễn Quang Hải trouvera des admirateurs en France, Kebe y voit aussi l’occasion de redessiner le réseau de routes commerciales qui ralliait autrefois l’Asie à l’Europe. Et de lui donner, cette fois, une connotation sportive. « Moi, je sais que Quang Hải va s’imposer. Parce que je l’ai vu, j’ai joué avec lui. Derrière, d’autres joueurs vont suivre. Ils ont un vivier, mais ce n’est pas parce que c’est en Asie que le football y est nul. Je vous laisse découvrir : le petit vient d’arriver, laissez-le signer. »

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