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Le rôle de Corchia compromet-il son avenir en Bleu ?
Lille affronte Everton ce soir en Ligue Europa (19h). Si Sébastien Corchia est annoncé remplaçant, on ignore encore s'il rentrera dans la peau d'un milieu de terrain ou d'un défenseur. Si sa polyvalence offre une large palette de choix à René Girard depuis son arrivée à Lille, il se pourrait bien qu'elle soit aussi une entrave très sérieuse à l'apparition du joueur en équipe de France.
2009. Alors qu’il arbore un poulet Loué sur sa tunique du Mans, Sébastien Corchia rêve déjà d’un coq étoilé sur sa poitrine. Avec sa tête d’enfant sage, son air désinvolte et cet insouciant talent dans son couloir droit, le gamin promet sacrément et ne tarde pas à se faire un nom dans l’Hexagone. Défenseur latéral appliqué et puissant, le natif de Noisy-le-Sec dispose du parfait profil pour incarner l’avenir des Bleus dans le couloir droit. On l’imagine même en relève idéale de Thuram et Sagnol. Seulement voilà, après des passages répétés chez les Espoirs et des performances toujours plus intéressantes sous les maillots de Sochaux puis de Lille, Sébastien Corchia ne compte, à 23 ans, toujours pas de sélection en équipe de France. Alors : anomalie ou simple logique ?
Une polyvalence à succès
Déjà, anomalie. Parce que Corchia n’est pas vraiment moins bon que les abonnés à son poste que sont Mathieu Debuchy ou Bacary Sagna. Son absence du monde bleu, le joueur ne la doit donc pas véritablement à un manque ou à une perte de niveau quelconque, mais peut-être finalement à l’évolution de son profil au cours des derniers mois. Avant le passage de Hervé Renard à Sochaux, Corchia était accroché à son poste de latéral droit. Mais les plans de jeu du coach sont tels qu’il voit dans l’ancien Manceau un joueur à même d’être plus offensif et donc d’évoluer plus haut sur le terrain.
Un choix payant, puisque le joueur s’approprie son nouveau rôle avec une belle efficacité. Un renouveau qui a même comblé ses anciens partenaires doubistes. « J’aime beaucoup le repositionnement de Sebastien, avait déclaré Teddy Richert. Il est percutant, défend bien de par son poste de départ, participe à beaucoup d’actions, a une vraie qualité de centre. Il est buteur, passeur… » Lors de la fin de son aventure sochalienne, le joueur de 23 ans aura donc plus fréquemment délaissé ses tâches défensives pour s’impliquer dans l’entrejeu doubiste, avec réussite encore une fois, et ce, malgré la relégation finale du FCSM.
Un frein chez les Bleus
Passé l’échec franc-comtois, le joueur débarque à Lille où ses qualités au milieu de terrain n’ont évidemment pas échappé à l’œil de René Girard. Son nouveau coach l’aligne plus fréquemment à droite de Balmont, mais pas que. Car dans son évolution, le joueur n’a pas délaissé ses qualités défensives. Loin de là. Parfois milieu, parfois arrière, Corchia assure et rassure. Son évidente polyvalence offre ainsi des perspectives tactiques nombreuses à l’ancienne tête pensante de Montpellier.
Seul hic, Corchia ne trouve pour le moment pas sa place dans le système de Didier Deschamps. Dans la tête du sélectionneur, il n’y a, semble-t-il, guère de place pour l’indécis : si on est un attaquant, on joue attaquant et si l’on est défenseur, alors on joue défenseur. Pourtant, la véritable première de Corchia au poste de milieu droit ne date pas de l’ère Renard ou de l’ère Hély. Comme l’a confié le joueur, c’est « avec les -14 ans au PSG » qu’il s’exerce initialement à son double rôle. Chez les pros, son premier repositionnement intervient d’ailleurs lorsqu’il évolue sous les couleurs du Mans. Il le fait alors pour dépanner, mais se montre déjà décisif en offrant la victoire aux siens contre Valenciennes (1-0, 17 avril 2010). Évènement épisodique, mais qui ne rebutera pas Erick Mombaerts à l’appeler de nombreuses fois chez les Espoirs, jusqu’à en devenir le capitaine.
Un vrai poste pour une sélection ?
Il y a quelques jours, quand Didier Deschamps communique sa liste de joueurs pour les rencontres contre le Portugal et l’Arménie, on se dit qu’en l’absence de Debuchy, l’heure de Corchia va sonner. Mais lorsque le nom de Jallet résonne dans son téléviseur, le Lillois comprend qu’il ne fera, une fois encore, pas partie de la liste. Une déception pour un défenseur devenu milieu de terrain à une époque où l’équipe de France regorge de talents dans l’entrejeu (Payet, Valbuena, Griezmann, Schneiderlin entre autres, en plus de ceux qui frappent à la porte comme Thauvin ou Imbula), mais se cherche encore de robustes défenseurs latéraux. Ce repositionnement est peut-être finalement ce qui entrave le décollage définitif du Lillois.
Comme le disait Girard à l’époque du transfert avorté du joueur, Corchia « a le cul entre deux chaises » . Une malédiction qui semble le poursuivre. Brièvement à cheval entre Sochaux et Lille au début de l’année, le joueur l’est aussi entre son rôle de milieu et celui de défenseur. Et le cul entre deux chaises, cela s’applique aussi pour son rapport à l’équipe de France : cette faculté d’être une option évidente pour Deschamps, mais de végéter dans le mutisme de ces anciens Bleuets demeurés espoirs. Barré chez les milieux, Corchia aurait certainement une chance auprès de Deschamps en tant que latéral s’il redevenait simplement défenseur. Peut-être parce que la Desch’ est persuadée qu’à trop rester le cul entre deux chaises, on finit par tomber.
Par Aurélien Renault et Jean-Guillaume Bayard