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Le choix de Nabil…
Ce sera la France. Le prodige lyonnais a confirmé officiellement sa volonté de jouer pour les Bleus, plutôt qu'avec les Verts d'Algérie. Un feuilleton maladroitement écrit par malhabile Fekir, mais qui s'achève bien pour le football français, grand gagnant ici dans ces affaires de binationaux appelées à se reproduire désormais de façon chronique…
Nabil est un garçon énervant. La façon dont il s’est mis en scène au début d’année 2015 en annonçant rendre publique courant mars sa future décision de jouer pour la France ou pour l’Algérie relevait d’une maladresse coupable. À l’écouter, ce serait l’une ou l’autre sélection, au vu de son talent, très élevé certes, mais effrontément revendiqué. N’importe quoi… À 21 ans et une demi-saison, certes réussie, le p’tit Nabil s’invitait à la table des grands, à savoir les A d’ici ou les A de « là-bas » . C’était évidemment un manque de respect pour l’équipe de France, où les cadors à son poste ne manquent pas, mais surtout pour l’équipe d’Algérie. Car on devinait bien que la France restait le premier choix de Nabil. Le Gone avait déjà joué un match avec les Bleuets face à la Suède en automne dernier (1-4). Et du coup, la sélection algérienne apparaissait comme un pis-aller, une solution de repli. Une vulgaire option. Pas sympa pour l’EN (l’équipe nationale en Algérie) qui a frôlé les quarts au Brésil en tenant en respect la Nationalmannschaft, future championne du monde… Et comme pour les Bleus, les Verts possèdent aussi des talents offensifs qui, eux, ont déjà fait leurs preuves au haut niveau (Brahimi, Feghouli). Nabil Fekir a donc bien imposé son agenda personnel aux deux sélectionneurs, Didier Deschamps et Christian Gourcuff. Pour ne rien arranger, l’attaquant lyonnais a formulé maladroitement encore sa décision dans L’Équipe de ce mardi matin : « Je suis français d’origine algérienne et j’en suis très fier, mais j’ai estimé qu’il était de mon intérêt d’opter pour la France » . Intérêt ? Là aussi, pas sympa pour l’équipe de France, ni pour l’équipe d’Algérie : on choisirait donc telle ou telle sélection en fonction de ses « intérêts » ?
EN
Même si on n’est pas dupes des choix de tous les binationaux du monde entier optant souvent pour la sélection qui mettra le plus en valeur leur talent, leurs intérêts et leur carrière, on est en droit de considérer que jouer pour une équipe nationale requiert pourtant un minimum de « fibre patriotique » . Soyons très clair sur le sujet : on ne fait pas ici l’apologie du nationalisme pur et dur, et chanter bien fort la Marseillaise la main sur le cœur n’a jamais garanti la victoire. On parle juste de cette petite considération pour les équipes nationales qui représentent aussi un peuple et une histoire. Et en Algérie, l’EN est justement dépositaire de cette identité historique. Voilà pourquoi le terme « intérêt » peut choquer, ici ou là-bas. Mais on va quand même pardonner à Nabil… D’abord parce que c’est quand même un joueur très doué, techniquement supérieur à la moyenne, et qui a encore épaté dimanche soir à Montpellier avec l’OL (5-1, dont un doublé). Ensuite parce qu’il a indirectement affirmé un attachement véritable à l’équipe de France : « J’ai pris une décision et elle est définitive » (L’Équipe de ce mardi). On rappelle que si Nabil joue pour les Bleus uniquement des matchs amicaux, il pourrait s’engager ultérieurement avec l’Algérie, car seuls les matchs de compétition lient pour toujours un joueur à sa sélection. Or, on sent bien que Nabil ne fera pas la navette entre Paris et Alger… On peut excuser enfin Nabil parce que cette situation « de devoir choisir » vécue par tous les jeunes footballeurs binationaux est très délicate à gérer. Et la volonté du père de Nabil qui préférait pour son fils l’Algérie à la France n’a pas non plus aidé à trouver une solution au dilemme. Et on ne parlera pas non plus des pressions, légitimes mais pesantes, exercées par la Fédération algérienne toujours très pugnace quand il s’agit de convaincre ses fils de l’immigration…
DD
Le foot français a plutôt bien surmonté l’affaire des quotas en adoptant la seule position satisfaisante pour tout le monde : laisser aux jeunes talents binationaux le temps de choisir la sélection qu’ils préféreront rejoindre. Le foot français a accepté que ce choix soit tardif et qu’il se fasse même au détriment de l’équipe de France A, surtout quand certains ont fait toutes leurs classes en sélections de jeunes (Yacine Brahimi a joué pour la France, des U16 aux Espoirs, avant d’opter finalement pour l’Algérie). Et il y aura d’autres Nabil Fekir à l’avenir… Didier Deschamps a bien fait son boulot en communiquant avec Nabil, ce que ce dernier a révélé dans son interview à L’Équipe : « Je me suis entretenu avec Didier Deschamps, qui s’est montré très convaincant. Il m’a dit qu’il comptait sur moi, que j’étais un joueur intéressant » . Sans pression ni ultimatum, DD a intelligemment montré de la considération à un jeune joueur qui est quand même supervisé de près par Arsenal ou Manchester City… Et connaissant Deschamps, on peut être sûr qu’il n’a rien promis ni garanti à Nabil : il est éligible en bleu, certes, et il peut même être appelé pour les deux matchs amicaux contre le Brésil et le Danemark, certes, mais il faudra gagner sa place ! Reste un point de détail toujours gênant avec l’équipe de France : Deschamps et Fekir possèdent désormais le même agent, Jean-Pierre Bernès. C’est avec lui que Nabil vient de se lier très récemment. Tant mieux pour l’équipe de France si la proximité inédite a forcément rapproché le sélectionneur et ce jeune talent, mais on peut s’interroger sur la « mainmise » grandissante d’un agent sur l’équipe de France…
ZZ
Le choix de Nabil est donc une belle réussite pour le foot français, pour les Bleus… et pour Jean-Michel Aulas, tweeteur fou, mais président hors pair ! Fekir, c’est encore un joueur formé à l’OL qui rejoint l’équipe de France, ou quasiment. Il faut insister là aussi sur la bonne approche psychologique entamée par Aulas et Lacombe : comme Deschamps, ils ont manifesté auprès de Nabil leur « souhait » de le voir choisir la France. Mais sans lui mettre de pression, l’assurant qu’ils respecteraient son choix. Et à l’OL, gérer les cas de binationaux n’est pas chose aisée : Anthony Lopes, né en France, avait choisi le Portugal très tôt (avec les U17 portugais)… Voilà, Nabil va très certainement honorer sa première cape avec les Bleus dans un futur proche. Pèsera alors sur lui le redoutable challenge de figurer à son tour comme le successeur de Zidane. Même s’il n’occupe pas exactement le même poste et qu’il ne décline pas, pour l’instant, le même génie irradiant que son aîné, Nabil n’échappera pas dans un premier temps aux comparaisons avec ZZ. Son profil « rebeuh créatif et technique » le fait succéder à Camel Meriem, Samir Nasri ou Mourad Meghni (Mourad a joué pour les Bleus en sélections de jeunes, mais après avec l’Algérie A), tous un temps désignés pour remplacer le Maître en équipe de France. Et les trois ont échoué… En tout cas, Nabil est lucide : « Honnêtement, la comparaison est flatteuse pour moi. Mais soyons sérieux, je suis très loin du niveau de Zidane » . D’accord. Mais à 21 ans, Nabil a tout le temps de combler son retard sur Yazid de la Castellane…
Par Chérif Ghemmour
PS : et si ce PSG actuel était vraiment très fort ? Et si ce PSG était même supérieur à ce Chelsea actuel ? Et si ce PSG était même carrément favori pour la qualif ? Réponses mercredi…