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Fabinho, Wallace et l’ASM : l’amour est dans le prêt
Ils ont été accueillis par le regard sceptique des observateurs. Aujourd'hui, il ne sont pas loin de faire l'unanimité. Fabinho et Wallace, les deux ex-inconnus, font partie des gagnants de la belle série que traverse Monaco, à qui ils n'appartiennent toujours pas. Récit de deux prêts pas comme les autres.
Fabinho et Wallace ont plusieurs points communs. Ils sont brésiliens, sont issus de clubs portugais, ont tous deux débarqué à Monaco avec le statut d’inconnu, jouent de mieux en mieux et sont prêtés à l’ASM. Une petite anomalie dans le marché, puisque la coutume veut plutôt que les petits empruntent aux plus puissants. Or, à moins de vivre sur une autre planète, Rio Ave et le Sporting Clube de Braga ne peuvent pas se targuer d’être meilleurs ni plus riches que le club du Rocher. Il convient donc de se demander pourquoi ces deux joueurs, qui n’avaient même pas été réclamés par les entraîneurs en place à leur arrivée – Jardim aurait carrément pris connaissance des négociations pour Wallace quelques jours avant que le prêt ne prenne acte – ont atterri à Monaco dans de telles circonstances.
Jorge Mendes, évidemment
Pour comprendre les arrivées de Fabinho, Wallace et, dans une moindre mesure, celle de Bernardo Silva – qui a lui déjà signé à l’ASM -, il faut remonter le temps jusqu’en novembre 2008 et se rendre à Vila do Conde, bastion du Rio Ave FC, à quelques kilomètres au nord de Porto. Antonio Campos vient d’être fraîchement élu à la présidence d’un club ruiné par la crise. « À ce moment-là, je dois rapidement trouver un moyen de stabiliser la situation financière. Dans mon entourage, on ne me parle que d’un homme. C’est Jorge Mendes par-ci, Jorge Mendes par-là… J’ai fini par craquer, j’ai frappé à sa porte pour lui demander de l’aide. » Jorge est doux. Jorge est frais. Donc il accepte d’aider le jeune boss de Rio Ave, en plaçant dans un premier temps des joueurs de la Gestifute à Rio Ave, puis en vendant Julio Alves (petit frère de Bruno) à l’Atlético Madrid pour un montant de 2 millions d’euros (une fortune pour un club dont le budget culmine aujourd’hui à 4 millions).
Puis, Jorge Mendes a une idée, et il décide de la tester sur deux joueurs : Filipe Augusto et un certain Fabinho. Le premier part en prêt à Valence, et le second file au Real Madrid sans avoir disputé le moindre match en Liga Sagres. Si Valence décide de garder le premier, le Real Madrid ne renouvelle pas son prêt. Mais Jorge a un nouveau terrain de chasse : Monaco. C’est là qu’il envoie le latéral droit. Cette fois-ci, Fabinho a du temps de jeu, et le plan se met en marche. « L’idée est de faire en sorte que l’on prête ces joueurs pour nous donner accès aux marchés français et espagnol et surtout pour les valoriser à un point qui nous aurait été impossible d’imaginer en les gardant sur le sol portugais. C’est le seul moyen pour nous de réaliser des gros transferts dans le futur, parce qu’il n’y a aucun scout de clubs étrangers majeurs qui vienne prospecter du côté de Rio Ave » , explique Campos. Effectivement, le mieux que le club pouvait espérer avant ça était un coup de fil des trois gros portugais. Et encore.
Tout le monde est heureux
La perspective d’un gros transfert n’est pas la seule garantie offerte par Jorge Mendes à Antonio Campos. « Les prêts sont payants » , et c’est là tout l’intérêt de la manœuvre. Rio Ave – comme Braga avec Wallace – touche une somme (inconnue) qui l’aide à atteindre ses objectifs économiques (en 2014, le petit club a affiché un léger bénéfice pour la sixième année consécutive), tandis que Mendes attend les transferts définitifs pour toucher ses commissions. De son côté, Monaco bénéficie d’un joueur de bonne qualité sans avoir à aligner les gros sous tout de suite. Bien utile, surtout dans un contexte où la menace du fair-play financier plane au-dessus de Louis-II. L’arrivée de Wallace prend donc ici tout son sens. Certes, la manœuvre était risquée, car personne ne connaissait Fabinho et Wallace en Europe à part la Gestifute, mais Jorge Mendes reste un homme de confiance. De plus, le prêt permet d’obtenir un « oui » des potentiels emprunteurs plus facilement. Car en cas d’arnaque, le retour à l’envoyeur est envisageable (jurisprudence Real Madrid avec Fabinho), et on évite ainsi un nouveau « cas Bebé » . Bref, la nouvelle méthode Mendes est rodée. Est-elle efficace ? Les dirigeants de Rio Ave et Braga diront « oui » le jour où l’ASM achètera Fabinho et Wallace pour 10 millions d’euros chacun. Mais pour le moment, et en regardant les récentes prestations des deux Brésiliens, c’est bien Leonardo Jardim et Monaco qui trinquent.
Par William Pereira