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Damien Martin : « Je n’ai rien contre les sangliers, mais le terrain a toujours été là »

Propos recueillis par Simon Butel
9 minutes
Damien Martin : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je n’ai rien contre les sangliers, mais le terrain a toujours été là<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Sale semaine pour le Rhône Crussol Foot 07 : en plus de s’être fait cogner (0-7) au 4e tour de la Coupe de France par Limonest (N3), le club ardéchois a, comme son voisin du FC Larnage-Serves quelques jours plus tôt, vu une harde de sangliers démolir l’un de ses terrains d’entraînement à coups de groin. C’était dans la nuit du 24 au 25 septembre, et ça n’a pas beaucoup fait rire le président du club, Damien Martin, dont le quotidien de dirigeant est déjà bien assez compliqué comme ça.

Vous avez été président du club de Saint-Péray pendant quelques années, et vous êtes celui du Rhône Crussol Foot 07 depuis 2015. Est-ce la première fois de votre carrière de dirigeant qu’une telle mésaventure vous arrive ? Non, de mémoire, on a déjà eu une autre visite. Mais le problème, c’est que le club a grossi depuis, et qu’on n’a que deux terrains homologués pour les matchs de niveau Ligue. Ça nous pose de gros problèmes de planification pour le week-end prochain. Ce week-end, on a pu gérer correctement, on a avancé des matchs de jeunes au samedi. Pour l’équipe première, ça n’a pas d’incidence, car le terrain honneur n’a pas été touché. Mais il faut savoir que selon les règlements, un match de Coupe de France n’est pas censé avoir de lever de rideau, et là (interview réalisée dimanche matin, quelques heures avant le 4e tour de Coupe contre Limonest, perdu 0-7, N.D.L.R.), il y a les filles qui sont en train de jouer. J’avais anticipé en appelant le délégué de terrain, puis on a fait une demande à la Ligue, qui a été très compréhensive.

Votre club est né de la fusion entre Saint-Péray et Guilherand-Granges. Vous disposez donc des installations de deux communes.Oui, mais ça ne suffira pas étant donné qu’on n’a qu’un terrain homologué « Ligue » . On envisage d’inverser des matchs. Concernant les délais, ça va être just, mais bon, on ne va pas pleurer. (Rires.) On a bon espoir que ça se passe bien, maintenant ça reste les règlements, donc si les gens ne veulent pas jouer le jeu, c’est leur droit. Mais ça nous posera de gros problèmes d’organisation. On a un autre terrain où on joue de temps en temps, et qui rendra service pour les matchs de niveau départemental, mais sur le site de La Plaine (à Saint-Péray), on n’a plus qu’un terrain pour les matchs de Ligue.

Je ne vais pas acheter un fusil et attendre au bord du terrain que les sangliers passent.

On a coutume de dire qu’un terrain en mauvais état avantage la moins technique des deux équipes. Est-ce qu’il n’aurait pas été préférable pour votre équipe première, qui affronte Limonest (N3, quatre divisions au-dessus), que les sangliers bousillent le terrain d’honneur ? Non, pas du tout. On veut accueillir notre adversaire dans les meilleures conditions possibles. Et puis, on a une bonne petite équipe, on fait du jeu, et on a bon espoir de passer. Govou ? Non, il ne joue plus à Limonest, aux dernières nouvelles. En revanche, il y a le joueur qui avait blessé Falcao il me semble (Soner Ertek, qui évoluait à l’époque à Chasselay, battu par Monaco en 16es de finale de la Coupe de France en janvier 2014, rencontre où Falcao s’était rompu les ligaments, N.D.L.R.). En tout cas, quel que soit le résultat, aujourd’hui c’est la fête du club. Les dirigeants sont mobilisés, tout le monde est content, tout le monde est excité, et on sait recevoir. Pour l’histoire, on les avait battus en 2009 ou en 2010, l’année où on avait gagné la coupe de Rhône-Alpes, mais on évoluait plus haut à l’époque, en PHR.

Comment le passage des sangliers a-t-il été vécu au club ? Ça ne nous fait pas trop rire, franchement. Je suis président du club, mais je suis un mécène du temps, pas un mécène d’argent. On a déjà eu les gens du voyage pratiquement tout l’été. Ils sont passés une première fois en juin, une autre en juillet et une troisième fois en août, et quand ils sont partis, le terrain était dans un sale état. Ça a un peu tronqué notre préparation d’ailleurs. Entre les gens du voyage et les sangliers…

Ça ferait peut-être un peu plus rire si la prolifération des sangliers n’était pas une véritable sujet de préoccupation dans votre région. Oui, c’est un réel problème. Notre terrain est situé dans la vallée, presque en bordure du Rhône, c’est un passage quasi obligatoire pour les sangliers. Les chasseurs sont tout de suite venus nous voir et nous ont dit qu’ils ne devraient pas remonter tout de suite, c’est tellement sec là-haut. Mais que voulez-vous que je fasse ? Je ne vais pas acheter un fusil et attendre au bord du terrain qu’ils passent.

L’image du chasseur qui s’envoie deux-trois bouteilles de vin avant de prendre le fusil est révolue.

Vous n’avez pas des chasseurs parmi vos joueurs ?Non, je ne crois pas. Et si j’avais des chasseurs, ils s’absenteraient parfois le week-end, donc je préfère qu’il n’y en ait pas.

Les joueurs, justement, comment réagissent-ils ? Ils ne sont pas trop perturbés. Chez nous, c’est : « Les dirigeants dirigent, les joueurs jouent, les éducateurs éduquent. » Chacun reste à sa place. Les joueurs sont plus désolés pour nous, en fait. Mais ils se sont adaptés. On a un vieux terrain d’entraînement, sur lequel on peut encore s’entraîner de temps en temps. En terre battue, hein, on n’est pas dans le Lyonnais, c’est pas un synthétique. On n’a pas les mêmes moyens, mais remarquez, quand une équipe du Lyonnais vient jouer ici, ils sont contents de jouer sur un vrai gazon.

Quand pensez-vous récupérer votre terrain, dans tout ça ?On s’entend très bien avec la commune, qui a été très réactive. Les services techniques sont venus retirer les parties de la pelouse qui étaient endommagées, et poser des rouleaux de pelouse à la place. Maintenant, il faut que ça prenne. On devrait pouvoir rejouer dessus d’ici trois semaines.

N’est-il pas possible de clôturer le terrain ?Les terrains sont clôturés, le problème c’est que quand les gens du voyage sont venus ils ont fait des trous dans les grillages, par lesquels les sangliers ont pu entrer.

En période de traque, les sangliers peuvent changer leurs habitudes, déserter leur lieu de vie…(Il coupe.) Sans doute, mais que voulez-vous que je vous dise ? Ce n’est pas à moi de dire pourquoi ils sont là, ce n’est pas mon boulot d’étudier le cheminement des sangliers. Moi, je sais simplement que je n’ai rien contre les sangliers, mais que depuis que je suis arrivé au club en 1993, le terrain a toujours été là.

Une famille ardennaise a domestiqué un sanglier, qui jouait même carrément au foot. En Russie, on dresse des ours pour apporter les ballons de matchs sur le terrain. Dresser les sangliers pour faire ramasseurs de balle, vous y avez pensé ?(Rires.) Non, non, ça ira. Il y avait aussi George Clooney qui avait un cochon, il me semble ! Je vous donne un scoop, là ! Vérifiez l’info quand même, faites votre boulot de journaliste, hein (vérification faite, le beau George a bien été l’heureux propriétaire d’un cochon vietnamien de 130 kilos répondant au nom de Max, et décédé en 2006 à l’âge de 19 ans, N.D.L.R.).

Être champions du monde n’a rien changé pour moi.

Est-ce que la différence entre le bon et le mauvais chasseur, ce ne serait pas tout simplement que le bon chasseur tire avant que le sanglier n’ait labouré le terrain ? Encore une fois, je ne suis pas un adepte de la chasse, mais je pense que l’image du chasseur qui s’envoie deux-trois bouteilles de vin avant de prendre le fusil est révolue. J’ose quand même espérer qu’ils ne font pas des lâchers de poules et ne tirent pas à la mitraillette ! Je pense qu’ils sont raisonnables, et je pense qu’il en faut, des chasseurs. Les sangliers, si on n’en abat pas tant par an, on est embêtés.

Si on comprend bien, si votre club devait avoir une mascotte, ce ne serait pas un sanglier. Non, nous, ce serait plutôt la chèvre ardéchoise ! Le sanglier est quand même réputé ici, avec les glands, les ci, les ça, les châtaignes. On est Ardéchois, mais des Ardéchois du bord du Rhône, pas des Ardéchois des montagnes !

Au-delà de leur profil d’animaux fouisseurs, les sangliers sont considérés comme faisant partie des espèces dites facilitatrices, c’est-à-dire qu’elles permettent le développement d’autres espèces. Après leur passage, vous ne craignez pas que des champignons ou des arbustes prolifèrent sur le terrain ?Non, non, la mairie a retiré la pelouse détruite et a acheté de nouveaux rouleaux. Encore une fois, ce ne sont pas des choses que je maîtrise, je ne suis pas jardinier, mais les services techniques s’occupent bien du terrain. En tous les cas, je compatis avec ce que peuvent vivre les autres clubs qui ont vu leur terrain dévasté. Les autorités, il va quand même falloir qu’elles se penchent là-dessus.
Au-delà de récupérer votre terrain au plus vite, que peut-on souhaiter à votre club pour la saison à venir ? On souhaiterait déjà que les médias nous appellent pour autre chose que les sangliers. Aujourd’hui, le foot amateur et même le sport amateur ont mal à la tête. Être champions du monde n’a rien changé pour moi, à part m’amener de nouveaux licenciés et donc de nouvelles contraintes. On n’a même pas eu un mail de remerciement de la Fédé et ça, je l’ai un peu mauvaise. Aujourd’hui, je ne me sens pas champion du monde : notre sport à nous, il est dans la panade, et pour les bénévoles, c’est très compliqué. Je suis content qu’on ait gagné la Coupe du monde, je suis fier qu’on ait des garçons comme Mbappé ou Kanté, qui donnent une bonne image du foot français. Mais au-delà de l’image, la Fédé brasse beaucoup d’argent et ce sont toujours les mêmes qui se partagent le gâteau. Il y a beaucoup de bénévoles à la FFF, mais à partir du moment où on mange chez Pierre, Paul ou Jacques, dans des 3 ou 4 étoiles, on n’est plus bénévole. Moi, le seul contact que j’ai avec la FFF aujourd’hui, c’est le relevé de comptes. Et quand je monte à Lyon pour aller à la Ligue Auvergne-Rhône-Alpes, je ne me permets pas de donner mes frais de déplacement à mon comptable. À la Fédé, ils ont le pot de confiture devant eux, et ils mettent en permanence les doigts dedans… Quand je vois les gamins s’entraîner avec des chasubles déchirées et que je ne peux pas en acheter de nouvelles, ou que mon club ne peut offrir que le haut du jogging (sic) aux licenciés, ça me fait mal au bide. Mes contraintes, c’est ça. Celles du plus gros club du district Rhône-Ardèche.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Simon Butel

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