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« Boutobba, on a la haine qu’il n’ait pas signé pro chez nous »

Propos recueillis par Flavien Bories
9 minutes
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« Mouiller le maillot », sa devise. Sur le terrain, on reconnaissait Pancho le Gitan à son engagement, sa hargne et ses cheveux longs. Aujourd'hui retraité, l'ancien défenseur s'occupe de la réserve de l'OM. Retour sur un destin atypique.

Les Niçois t’ont bien accueilli ?Oui car d’entrée on a eu de bons résultats. Dès le premier match j’ai pris un jaune. Il fallait marquer les esprits. C’est ce que j’ai fait. On avait une équipe à fort caractère et ça plaisait. La mayonnaise a pris de suite. Les Niçois se sont identifiés à moi, je me suis identifié à eux. C’était un mariage parfait.

Tu t’attendais à rester aussi longtemps ?Non pas du tout j’ai été prêté par Marseille à Nice pendant 3 ans avant d’y être transféré. Mais je ne regrette pas c’était incroyable. Les supporters niçois sont les mêmes que les supporters marseillais. Ils veulent des grands joueurs, des grands noms mais qui n’aime pas ça ? Eux ce qu’ils voulaient c’était des garçons qui rentrent sur le terrain qui te regardent dans les yeux et te disent : « je ne peux pas donner plus, je n’ai pas plus. » C’est ce que veulent les Marseillais aussi. Bien-sûr à l’OM des stars ont fait rêver les supporters mais si tu compenses avec une envie, une agressivité positive, ils le voient et se régalent.

Cyril Rool, c’était un garçon extraordinaire. Une mentalité…. c’était un vrai footeux. Sur le terrain c’était un rat d’égout, un chien alors que dans la vie de tous les jours c’était un mec super

Ton plus beau souvenir à Nice ?Quand ils m’ont remis l’Aiglon d’or. En début de saison on présentait tout l’effectif aux supporters. À la fin de chaque année ils élisaient le joueur symbole du club. Fred, le patron de la Brigade Sud Nice, (un club de supporters) m’ a appelé pour me dire : « Pancho on a une surprise pour toi. » Quand je suis arrivé, ils m’ont remis l’Aiglon d’or. C’était super.

Tu avais un lien particulier avec ton coéquipier Cyril Rool.Cyril je l’ai connu à l’OM. Lorsqu’il est arrivé, ça s’est mal passé, il est resté trois mois, il s’est échappé ! Il est parti à Monaco. Ensuite je l’ai retrouvé pendant trois ans à Nice. C’était un garçon extraordinaire. Une mentalité…. c’était un vrai footeux. Sur le terrain c’était un rat d’égout, un chien alors que dans la vie de tous les jours c’était un mec super. Il avait deux caractères différents. Sur le terrain il changeait de comportement.

Je faisais un peu de plongée, je lavais ma voiture mais ça, ça ne peut durer qu’un mois ou deux. On s’emmerde vite

Tu étais un peu pareil…Oui on me le reprochait souvent… parfois quand il y avait de l’action on me disait : « Cyril calme toi ! » alors que c’était moi. On avait tous les deux les cheveux longs. On nous confondait.

Niveau style de jeu, ton Nice et celui d’aujourd’hui sont bien différents. C’était obligé qu’il change. Nous on jouait à l’envie, à la gnaque, à la hargne, au combat. Ça peut marcher 7, 8 mois mais pas sur la durée. Il faut proposer du jeu. C’est ce que fait Claude Puel. S’il n’avait pas pris ce virage, il ne s’en serait pas sorti.


Pourquoi être parti en Allemagne ?

Ça a été un crève-cœur. J’étais obligé. Le coach Antonetti a fait venir Vincent Hognon. Je jouais de moins en moins, je ne supportais pas d’être remplaçant. J’ai mangé mon pain noir, je m’entraînais pour moi, certes en faisant la gueule mais je n’ai jamais été voir le coach pour lui demander une explication. Je n’ai pas non plus distribué de mauvais coups à mes camarades. Je me disais que si une opportunité se présentait, il fallait que je l’a saisisse. J’avais 29 ans, j’avais reçu deux offres, une en Turquie une en Suisse. Encore une fois j’avais peur. Lorsque j’ai reçu l’offre de Nuremberg, financièrement je ne pouvais pas refuser sauf si Nice me donnait la possibilité de jouer régulièrement. J’ai expliqué la situation aux supporters. Nuremberg jouait la Coupe d’Europe, j’ai visité les installations. C’était le club qui me fallait. On a perdu en quart de finale de Coupe UEFA contre Benfica mais je n’y ai passé qu’un an.

J’avais pris 8 kilos, je ne faisais que manger. Je suis descendu à 83 kilos en un mois. J’ai bastonné. J’ai repris mi-décembre avec le groupe, on a fini 4e

Après il y a eu Valenciennes, Grenoble, Fréjus Saint-Raphaël et l’OM en amateur…

Quand ma carrière a été finie on m’a demandé d’être consultant pour la chaîne OM TV. Ça m’a plu car j’étais à la maison, je ne foutais rien. Je faisais un peu de plongée, je lavais ma voiture mais ça, ça ne peut durer qu’un mois ou deux. On s’emmerde vite. J’ai pris ce travail à cœur. Ça a duré 8 mois. À la même période la CFA 2 de l’OM était relégable. Là José Anigo, Robert Nazaretian et Rani Berbachi me convoquent à la Commanderie et me disent : « Pancho on veut que tu rechausses les crampons. Trop de garçons n’ont pas le niveau. Il faut que tu sauves la CFA 2. On te laisse un mois pour te préparer. On va te demander beaucoup d’efforts. Donne-nous ce coup de main après on te mettra dans le staff de la CFA » J’avais pris 8 kilos, je ne faisais que manger. Je suis descendu à 83 kilos en un mois. J’ai bastonné. J’ai repris mi-décembre avec le groupe, on a fini 4e.

Aujourd’hui qui mieux que Pancho, ancien minot pour aider les jeunes Marseillais.J’ai été à leur place. Tous les matins, je leur donne tous les outils pour réussir mais surtout pour qu’ils n’aient pas de regrets.


Quel est ton discours vis-à-vis des jeunes qui désespèrent de pouvoir jouer en équipe première un jour ?C’est difficile mais je leur dis : « Vous pensez peut-être que vous n’allez jamais jouer en équipe une. C’est frustrant mais les efforts vous les faites pour vous en premier. Si vous venez à l’entraînement en traînant les pieds, vous ne rendez service ni à vous ni à vos coachs » . Je les pousse, je les pique, je leur parle de l’histoire de l’OM, de ce que les supporters et les gens du club attendent. Face à nous entraîneurs, c’est vrai que certains garçons sont timorés mais le but c’est qu’ils réussissent que ce soit à l’OM ou ailleurs. « À chaque match il y a toujours des personnes qui viennent vous voir. Même le monsieur avec une casquette de pêcheur est peut-être un recruteur. » À tous les matchs ils doivent se mettre en valeur. Bien-sûr on veut garder nos meilleurs talents, c’est le but de la formation.

Quel discours tu tiens à Antoine Rabillard qu’on ne voit plus avec l’équipe première de l’OM ? « Qu’est-ce qu’on fait Antoine ? Tu lâches maintenant que tu viens de signer ton contrat pro ? Tu veux t’endormir sur tes lauriers ? Tu vas t’acheter des belles voitures en te disant « j’ai réussi » ou tu vas chercher quelque chose d’autre. Le coach ne te fait plus jouer pour X raisons. Tu arrêtes de travailler et pendant trois ans tu t’emmerdes ou tu continues à bosser ? L’année prochaine tu reprends avec l’équipe pro, tu me fais une superbe préparation. Tu sais le football va tellement vite. » C’est comme ça qu’on les maintient. Il faut leur donner de l’espoir mais pas les faire rêver, il ne faut pas confondre. Si on forme des joueurs on forme avant tout des hommes.

Moi en 2000 j’ai connu l’OM avec des joueurs qui pleuraient dans les vestiaires

Beaucoup viennent te voir en disant : « Pancho je n’y crois plus ? » Tous les matins. Il y en a beaucoup : des U19, de la CFA. Moi ce que je veux c’est faire une analyse, un état des lieux pour sortir le positif. Certains on ne les conservera pas cet été. Ils le savent on a eu des réunions mais le discours que je tiens c’est : « sers toi de cette saison pour rebondir ailleurs. Les bêtises et les manques que tu as eu ne les reproduis pas. »

Ton regard sur le cas Bilal Boutobba qui refuse de signer pro avec l’OM ?Il a fait le choix de ne pas signer pro à l’OM. C’est son problème. On est passé à autre chose. Nous on va faire signer deux jeunes: Sané et Kamara. Bilal a fait son choix, il faut le respecter.

Il n’est pas venu te voir quand il doutait ?L’année dernière il s’entraînait souvent avec les pros. Cette année il était frustré. Il nous disait : « L’année dernière j’étais avec les pros, j’ai joué des matchs, là je ne fais pas un entraînement » . Nous on essayait de le tenir à flot. Il avait l’équipe de France en même temps. Je lui ai dit : « tu sais Bilal, Franck Passi vient souvent voir jouer la CFA. Tous les matchs sont enregistrés. Ils vont les voir, les analyser, il ne faut pas lâcher. » Après je ne suis pas dans leur famille je ne sais pas comment ils réfléchissent. Mais il faut le respecter, bien sur on aurait aimé le faire signer chez nous. C’est un joueur en devenir mais on est pas maître de tout.

Mais tu comprends quand même qu’il ait eu peur de ne pas jouer ?Oui car la première fois qu’on lui a proposé un contrat pro il a dit : « Oui mais si je signe et que je ne joue pas ? » C’est normal qu’il se pose la question. Mais qu’est-ce qu’on répond à ça ?

Dans la vie de tous les jours c’est quel genre de garçon ?C’était un joueur joyeux qui mettait l’ambiance. On a la haine qu’il n’ait pas signé pro chez nous.

Comment vis-tu la crise que traverse l’OM ?On la vit mal mais je l’ai déjà connue. Quand notre club est malade on le vit mal, on est affecté à tous les niveaux. L’équipe une est la locomotive. Et puis c’est énervant, frustrant. Partout on attaque l’OM. Quand je vais faire les courses ou le plein d’essence, on entend toujours la même chose : « L’OM ça part dans tous les sens, c’est le bordel ! » Qu’est-ce que je peux dire ? Je ne réponds pas. Je ne veux pas rentrer dans le conflit ou la polémique. Je me tais mais ça me fait mal, parce que c’est mon club.

Tu comprends la rage des supporters marseillais ?Ce qu’ils veulent ce sont des résultats.

Et des joueurs qui se battent pour leur club sur le terrain…Oui mais pour ça il faut avoir un minimum. Là les joueurs qu’est-ce qu’on peut leur dire, ils sont à fond. Peut-être que la saison prochaine ça va tourner alors que ce sera les mêmes joueurs. Le football est ainsi fait. Mais je pense qu’ils doivent être très affectés. Moi en 2000 j’ai connu l’OM avec des joueurs qui pleuraient dans les vestiaires.

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Propos recueillis par Flavien Bories

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