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Bordeaux : comment sauver le club ?

Par Pierre Rondeau
5 minutes
Bordeaux : comment sauver le club ?

Après la mise sous protection du tribunal de commerce et l’abandon de son propriétaire, King Street, le club des Girondins de Bordeaux est en vente. Et il faut trouver rapidement un repreneur si l’on veut éviter la faillite et le dépôt de bilan. D’accord, mais à quel prix ? Parce que selon la situation, ça change du tout au tout.

Officiellement, les actifs des Girondins de Bordeaux, selon les comptes de la DNCG 2019, sont évalués à 106 millions d’euros. Avec une régression liée à la crise et aux déperditions contractuelles, on pourrait parfaitement estimer le total à un minimum de 80 millions d’euros. Voilà ce que pourrait valoir le club de Bordeaux, 6 fois champion de France et en très grande difficulté, tant sportive qu’économique. Seulement, à cela, il faudrait rajouter un minimum de 70 millions d’euros, le total de la dette incompressible couverte depuis 2018 par l’actionnaire américain King Street, qu’il a laissée couler depuis (trop) longtemps. Le potentiel repreneur devrait donc s’acquitter d’un total d’au moins 150 millions d’euros s’il veut se retrouver propriétaire des Girondins de Bordeaux et sauver l’équipe d’un redressement judiciaire et d’une inévitable rétrogradation administrative.

Pour le journal Le Parisien, le prix devrait plutôt tourner autour des 130 millions d’euros, entre le rachat de la dette et un minimum garanti exigée, selon leurs informations, par la DNCG, afin de couvrir « les frais inhérents au bon fonctionnement de la prochaine saison ». Mais, dans tous ces cas de figure, c’est seulement si les repreneurs potentiels interviennent avant une procédure collective lancée par le tribunal de commerce. Ce qui fait dire au quotidien que « les repreneurs potentiels pourraient[…]être tentés d’attendre le plus tard possible et une liquidation judiciaire pour ne payer aucune dette ». En effet, lorsqu’un redressement est entamé, selon le code du commerce et l’article L631, le passif est expurgé, et le prix de cession permet de payer les créanciers sur les dettes irréductibles, notamment 40 millions d’euros dus au fonds d’investissement américain Fortress.

Quatre scénarios, du sauvetage à la liquidation

Autrement dit, soit ils payent maintenant plein pot, soit ils attendent que le tribunal de commerce lance une procédure collective et que le tarif baisse considérablement, avec l’expurgation d’une partie de la dette. Seulement, avec ce scénario, c’est la DNCG qui pourrait sévir. L’article 103 amendé depuis la crise de la Covid-19 dispose qu’en cas de procédure de redressement lancée avant la fin de la saison actuelle, le club « se verra appliquer automatiquement un retrait de 15 points pour son classement de la saison 2020-2021 ». Même en admettant que Bordeaux gagne ses deux prochains matchs, avec 45 points moins 15, il se retrouvera automatiquement en position de relégable, à la 19e place.

Ensuite, si le redressement judiciaire est « ouvert avant la reprise effective du championnat 2021-2022, [le club] ne sera pas rétrogradé dans la division immédiatement inférieure à celle pour laquelle il aurait été sportivement qualifié la saison suivante, sous réserve des décisions éventuelles de la DNCG ». Enfin, si « le club était en période d’observation dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire à la date de la reprise effective du championnat 2021-2022, [il] ne pourrait prendre part à aucun championnat organisé par la LFP ».

Pour résumer, quatre options se présentent : 1. Les repreneurs acceptent de tout récupérer avant une procédure de redressement et mettent une somme équivalente aux minima exigés par la DNCG tout en couvrant la dette. 2. Un redressement judiciaire a lieu avant la fin de la saison, le club perd 15 points et est relégué, mais la DNCG valide le plan de cession, Bordeaux jouera en Ligue 2.
3. La procédure a lieu durant l’été, la Direction nationale du contrôle de gestion validera le plan de cession proposé par les repreneurs et autorisera alors le club à jouer « dans la division pour laquelle il aurait été sportivement qualifié la saison suivante ». 4. La procédure est entamée après la reprise de la saison 2021-2022 et Bordeaux sera automatiquement rétrogradé en N3, correspondant au niveau de sa réserve, et on parlera de ré-amateurisation.

Dernier cas de figure, le pire : aucun plan de cession n’est validé, ni par le tribunal de commerce ni par la DNCG, et le club est immédiatement liquidé.

À quel prix ?

Concernant le prix, en fonction de ces quatre scénarios proposés, on peut imaginer une fourchette comprise entre 2 millions et 130 millions d’euros. Les 2 millions correspondant à une situation d’un club relégué en 5e division, avec le rachat de son nom et sa marque, plus que centenaires, mais associé à une décrépitude économique et sportive absolue. Quant aux 130 millions d’euros, c’est le scénario du Parisien, mais il peut néanmoins être grandement nuancé. En effet, il correspondrait au minimum exigé par la DNCG, 60 millions d’euros, pour assurer les frais de fonctionnement du club, et au rachat des dettes, à 70 millions d’euros. Or, la garantie financière exigée par l’instance de contrôle n’est qu’une approximation ne correspondant en rien à la réalité. Elle peut changer du tout au rien en fonction du contexte sportif, des choix administratifs, des politiques directionnelles, etc.

De même, le rachat de dette n’est absolument pas obligatoire. L’article L642 du code du commerce indique que le repreneur pourra s’engager à intégrer le passif à son compte, autrement dit de maintenir les remboursements, de couvrir et de solvabiliser la dette sans la payer immédiatement. Si Bordeaux doit 40 millions à Fortress d’ici octobre 2022, le cessionnaire potentiel n’a aucune obligation de s’acquitter de cette somme lors du rachat, il peut tout simplement l’intégrer à son passif et poursuivre l’échéancier. Ainsi, Bordeaux pourrait parfaitement être vendu tout de suite à 20 millions d’euros, par exemple, si King Street l’accepte, si la DNCG le valide et si le nouveau propriétaire, derrière, couvre les dettes. Malheureusement, le contexte est tellement compliqué que même dans ce cas de figure, peu de monde va se bousculer au portillon…

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Par Pierre Rondeau

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