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Aurélien Collin : « Le costume d’Obama, c’était très baggy »

Propos recueillis par Pierre Boisson
8 minutes
Aurélien Collin : « Le costume d’Obama, c’était très baggy »

Reçu ce mercredi à la Maison Blanche, le Français Aurélien Collin, champion MLS avec Kansas City et MVP de la finale, s'est fait chambrer par Barack Obama dans son discours et a depuis fait le tour des brèves du monde entier. L'occasion de parler avec l'ancien défenseur de Sedan et d'Amiens coupe de costume, MLS et États-Unis de l'intérieur.

Il faut donc que Barack Obama te vanne pour qu’on parle de toi ?

Ouais, tous mes amis me disent la même chose, ça les énerve qu’il faille ça pour que j’existe. J’étais MVP, donc je me doutais qu’il allait me dire quelque chose, même si je ne m’attendais pas à ce qu’il me fasse une blague dans son discours. Moi, je suis plutôt content : il a parlé de ma ligne de vêtement, ça me fait de la pub, et comme je suis en fin de contrat dans deux mois, ça prépare mon mercato (rires) !

Tu aimerais rester en MLS ou revenir en Europe ?

Je suis parti aux États-Unis parce que j’ai eu beaucoup de problèmes en Europe, avec les contrats, les salaires, etc. Ici, je savais que j’allais avoir des stades extraordinaires, des installations, un staff pour progresser, et tout s’est super bien passé. Donc si je reviens en Europe aujourd’hui et si je veux jouer dans les mêmes conditions, il faut que ce soit vraiment un bon club.

C’est difficile d’intéresser les clubs européens quand on vient de MLS, un championnat où on a plutôt l’habitude de voir partir des vieux en pré-retraite que des mecs qui ont leur carrière devant eux ?

C’est très dur. J’ai eu quelques offres ces trois ou quatre dernières années, mais assez peu, alors que j’ai tout gagné ici. J’ai fait les all star game, j’ai été élu meilleur défenseur du championnat, dans la meilleure équipe. On a une très mauvaise image des États-Unis en France, alors que mon équipe, par exemple, a largement le niveau Ligue 1. T’as des gens en National qui me disent « C’est quoi le niveau, CFA, National ? » , ça me fait rire ! Bon, j’avoue, quand j’étais en France, j’avais jamais regardé la MLS non plus ! Et puis, c’est aussi parce que les États-Unis, de toute façon, ils s’en foutent de tout ce qui se passe en dehors de leur pays. Si la France se fout de la MLS, ils en ont rien à faire. L’important pour eux, c’est que tout soit le mieux possible chez eux. Le reste…

Obama disait dans son discours que la ville de Kansas City était très liée à son équipe de foot. Formule politique ou réalité ?

C’est vrai, on a fait 50 matchs de suite sold out (à guichets fermés) dans notre stade. La mentalité américaine est très fanatique, même si c’est moins offensif qu’en Europe. Les supporters, c’est des familles, c’est pas comme en Angleterre ou 80% sont des hommes. Ici, c’est ce qu’on appelle des « nouveaux fans » , tu as des vieux, des femmes, des enfants, mais il y a des chants et les gens sont derrière nous à 100%. C’est extraordinaire de sentir des choses comme ça. Avant que j’arrive, il y avait seulement 5 000 ou 6 000 personnes aux matchs, et l’équipe jouait dans un stade de baseball ! Mais maintenant, Kansas City est une vraie ville de foot.

Klinsmann nous disait qu’une des difficultés pour faire progresser le football américain (voir SO FOOT n°117) était l’absence de pression sociale sur les joueurs : tu peux perdre un match et le lendemain aller tranquillement au supermarché…

Ça c’est sûr, mis à part dans quelques clubs comme Portland, Seattle ou Houston, où les supporters sont plus offensifs. Mais ici, il y a une autre pression, énorme : tu signes des contrats de 4 ans, mais chaque année c’est des options. Si tu joues mal, le club peut casser ton contrat, sans que tu n’aies aucun recours légal. Alors oui, on ne risque pas de descendre en deuxième division, il n’y a pas de pression des fans, mais au bout de six mois, tu peux te faire virer, et du jour au lendemain, t’as plus de salaire.

Tu te verrais sans problème passer l’essentiel de ta carrière en MLS ?

En fait, la ligue est à l’image des États-Unis, c’est les extrêmes. D’un côté, il y a des trucs géniaux, et de l’autre, le salary cap ralentit tout. S’il n’y avait pas cette question des limites de salaire, tous les joueurs qui ont 5 ou 6 ans de Ligue 1 viendraient aux États-Unis. Ici, t’es traité comme un roi, les gens sont très respectueux. Si t’es au supermarché, les gens ne viennent pas t’embêter, mais ils te tweetent en rentrant. « Eh, je t’ai vu. » En décembre, il y a des renégociations, ils disent que le salary cap va augmenter. Si c’est le cas, ça va ramener plein de gens parce que, pour le moment, c’est assez injuste. Par exemple, moi, je bosse beaucoup, je fais mon travail, et dans mon équipe, il y a un Argentin, qui est très sympa, mais qui gagne cinq fois plus que moi parce que c’est un des « DP » (chaque club peut rémunérer jusqu’à 3 « joueurs désignés » ou Designated Player sans plafond de salaire, ndlr) alors qu’il ne joue pas depuis un an parce qu’il s’est embrouillé avec le coach.

Et la vie à Kansas City, au cœur des États-Unis ? C’est la ville de Charlie Parker, quand même.

Ouais, carrément, la ville du jazz ! Les gens sont gentils, la vie est cool. Il y a énormément de choses à faire, mais c’est une fois par semaine : il y a pas mal de jazz, un centre d’art où il y a du ballet et de l’opéra. Moi, je viens de Paris, donc c’est plus tranquille ici. Et au niveau gastronomique, c’est un peu compliqué pour moi ! Après, on a la chance de beaucoup voyager. J’étais à Washington il y a quelques heures, à Philadelphie deux jours avant. On arrive deux jours avant les matchs, on repart le lendemain, et les coachs nous laissent faire ce qu’on veut. La Ligue te donne de l’argent de poche pour manger au resto, c’est très bien organisé, tu peux marcher, visiter. Les Américains, ils s’en foutent, tu fais ce que tu veux. Tu peux boire jusqu’à 3h du matin, si t’es bon sur le terrain le lendemain, les gens ne te jugent que là-dessus. On nous prend plus pour des adultes ici qu’en Europe.

Et la Maison Blanche alors, tu as pu visiter un peu aussi ?

C’était rapide. Le deal, c’était quoi ? Obama nous accueille, et après, on fait une « clinique » , je sais plus comment on dit en français : on entraînait des petits sur le jardin de la Maison Blanche. Les franchises aident beaucoup la communauté et moi, en tant que chrétien, je le fais au maximum. Après, on a visité quelques salles, la salle rouge, la salle bleue, la verte. Puis Barack est arrivé, il a serré la main à tout le monde, il a fait son speech et on est allés se changer dans les vestiaires de la Maison Blanche.

Dans les quelques déclarations que tu as faites après coup, on avait l’impression que tu n’étais pas forcément d’accord avec lui politiquement…

Non, non, je disais juste que beaucoup de gens aux États-Unis le critiquent, parce qu’il a pris des initiatives dures. Moi, je prends beaucoup de recul, comme en France. J’écoute France Info tous les matins, je regarde CNN tous les jours, je suis au courant, c’est tout. Aujourd’hui, dans le monde, il n’y a plus personne de vraiment engagé dans un mouvement, tout le monde est un peu partout dans son coin. Moi, je suis engagé dans mon église.

Tu es catholique ou protestant ? J’imagine que Kansas City, c’est plutôt une ville évangéliste ?

Moi, je suis Jésus, et je pense qu’aucune église n’est parfaite. Je me suis rapproché d’un pasteur, évangéliste, qui est devenu un très bon ami et avec lequel j’étudie la Bible. Mais je vais aussi à la messe catholique de temps en temps, avec ma femme, au service latino. L’image de l’église catholique a tellement baissé avec l’ancien pape. En France, dans ma génération, c’était plutôt : « Tu crois que je vais à l’église ? Je vais pas aller écouter un père pédophile, et un pape qui s’habille comme un rappeur. » Là, ton pasteur, il est marié, tu peux parler politique, sexe, mariage. D’ailleurs, il vient à toutes les rencontres. Et on a même un pasteur au club avec lequel on prie avant les matchs, même si beaucoup de joueurs ne viennent pas.

Tu portes le numéro 78, ta marque de vêtement dont a parlé Obama s’appelle AC78. Avoue, les Yvelines te manquent un peu quand même ?

Ouais, j’ai grandi à Fontenay-le-Fleury, donc j’ai gardé le numéro 78 ! La mode, c’est un passe-temps, mais c’est beaucoup de travail. Je vais à l’entraînement, je travaille dur, je rentre, je mange, petite sieste, et après deux ou trois fois par semaine je bosse trois ou quatre heures. Je m’occupe seulement de la partie design, j’ai des associés pour le reste.

Et donc Obama, il porte bien le costume ou pas ?

Comme un Américain. Ici, ils s’en foutent si tu le portes bien ou comment tu mets ta cravate, ils sont sur le confort. Leurs costumes sont très larges, ils ne mettent pas le corps en valeur. Celui de Barack, il était très baggy. Il est mince, il est grand, donc quoi qu’il arrive il le porte bien, mais ce serait beaucoup mieux avec une coupe slim. Il voulait voir mes costumes, donc je vais lui en faire un, je vais m’occuper de lui la semaine prochaine.
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Propos recueillis par Pierre Boisson

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