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Aulas, l’ennemi qui vous veut du bien
Jean-Michel Aulas trimbale sa stature de Tonton Flingueur avec la négligence du vieux sage qui a déjà tout vu. En fin de compte, il maîtrise surtout l'art de se rendre incontournable. Et cela au-delà des 280 signes d'un gazouillis.
Jean-Michel Aulas est en train de voler la vedette au PSG trop occupé à panser ses plaies et se trouver un futur entraîneur, voire même à l’OM, pourtant sur son petit nuage européen. Le président de l’OL doit savourer la séquence. Car il le sait trop bien, peu importe que l’on parle de moi en bien ou en mal, l’important c’est que tout le monde le fasse. Aulas squatte donc l’actualité. Il vous en remercie. De Marseille à Toulon, l’axe du mal passe par le Rhône. Il est possible d’interpréter de multiples façons ces clashs à répétition avec son homologue marseillais, Jacques-Henri Eyraud, puis désormais la tête brûlée du rugby français, Mourad Boudjellal. Avec un peu de cynisme et une lichette de complotisme, il serait tentant de se demander si tout ce remue-ménage médiatique n’a pas pour finalité ultime de gonfler les enchères des droits télé en réinventant de nouvelles rivalités capables d’alimenter l’affiche du samedi soir. Ou, pardon, du dimanche midi.
Seul contre tous
On aurait presque envie de prendre l’affaire au premier degré. Cette passe d’armes a certes les atours d’une commedia dell’arte, elle révèle surtout l’ADN profond d’un club qui s’identifie à son boss jusque dans son style de grand méchant loup et sa place singulière au sein de la grande famille du foot français. Tout d’abord parce qu’on ne doute pas une seconde que Jean-Michel Aulas y prenne un certain plaisir, ce qui n’exclut pas de la lucidité : depuis plus de trente ans, il a fini par comprendre que son OL ne serait grand qu’au cœur de la tempête et seul contre tous. Certains on dû d’ailleurs oublier cette période pas si lointaine où les Gones faisaient figure de vilains mastodontes capitalistes, hégémoniques et sans âmes de la Ligue 1. La mauvaise réputation, notamment politique, de ses supporters (jusqu’à une confrontation violente sur une aire d’autoroute entre Bad Gones et South Winners marseillais) ou encore le goût avéré et quasi trumpien du tweet de son président participe de ce storytelling sulfureux. Le geste de Fekir dans le Chaudron couronnera cette saison l’idée que Lyon aime être détesté et sait se défendre.
Peu importe après tout qu’on lui accole l’image de « Parrain » qui impose la crainte et le respect. Peu importe qu’on dénonce son impunité devant les instances de discipline de la LFP. Peu importe surtout que se multiplient les interviews assassines. Au contraire : « Venez donc tout casser chez moi » , semble s’amuser celui qui sait jongler autant avec les millions qu’avec les réseaux sociaux. Car tout le monde lui reconnaît d’avoir construit une belle maison, dont il est en outre propriétaire (une exception quand, de Lille à Marseille, les enceintes PPP ruinent les finances publiques). De son centre de formation à la promotion du foot féminin (après la finale de la Ligue Europa, le Parc OL accueillera la finale de la prochaine Coupe du monde féminine en 2019), sa contribution à l’exception française dans le ballon rond reste unique. Il devrait être le bon élève méritant. Apparemment, il s’amuse de continuer à la recréer.
Le hater transformé en preux chevalier
Sa capacité à susciter malgré tout l’hostilité et l’agacement surpasse donc le seul trait de caractère, la maladresse de com’ ou le penchant pour le contre-pied (le hater des arbitres qui devient le preux chevalier à leur rescousse). Alors que tous les centres de gravité (sportif, économique, etc.) éloignent les regards de la capitale des Gaules, voilà qu’un seul homme arrive à monopoliser toutes les attentions. Et nul doute que si tout se passe bien lorsque les Marseillais entreront sur le terrain contre Arsenal ou l’Atlético, les caméras réaliseront d’abord un gros plan sur un homme penché sur son smartphone.
Par Nicolas Kssis-Martov