Zico et Fenerbahce : le matin des magiciens
Bien sûr, il y a Emon et l'OM qui jouent gros samedi, Paris qui doit confirmer contre Bordeaux dimanche, Juninho qui sèche la séance vidéo de Perrin à l'avant-veille d'un match important contre Lille, Rennes aussi, Manchester contre Chelsea sans Mourinhox, Fillon qui nous fait flipper parce qu'on est en faillite. Et puis il y a toi, cher internaute (« Vous, à So Foot, vous arrêtez pas de critiquer toujours tout ! C'est lassant d'autant plus que puéril, et d'ailleurs et même que ! »).. Restons zen ! Un peu de spiritualité dans ce monde trop brut.
Jeudi matin, l’usine. Se fader TOUS les résumés de Champions League. Le boss veut qu’on soit carrés, qu’on ait tout vu, tout lu pour qu’on soit détendus. La pointeuse. Compaq S720, Windows, Internet. C’est parti pour You Tube : Barça, Rangers, Roma, Manchester, Inter. Ah, oui, l’Inter battue par euh..Fenerbahce. 1-0, il m’semble. Petite surprise de la veille, ça. Fenerbahce – Milano, 7 minutes 46, pffffff. Bon, allez, go !
Et là, soudain. LA VISION ! I saw the light ! Qu’est-ce que c’est beau la terre vue d’un stade de foot ! Fenerbahce !… J’connais pas les joueurs. Enfin, si, le petit chauve gaucher, là. Roberto Carlos, bien sûr. Et puis, j’ai pas vu la feuille de match. On s’en fout… Qu’est-ce que ça joue bien ! Ca va vite, ça écarte sur les côtés, ça revient dans l’axe, toujours en mouvement, toujours vertical : VERS LE BUT ADVERSE ! Talonnades, relais, passes de 15 mètres bien ajustées, dans les pieds, dans la course du soleil ! Centres en retrait, coups francs puissants, centres laser, duels aériens gagnants à tous les coups. Parce que ça joue à terre et EN L’AIR ! Et puis, les décalages, les appels dos au but. Merde, c’est quand même l’Inter en face ! Une demi occase pas crade pour Milano, et basta.
Tout ce tourbillon, ça me rappelle bien quelque chose. Ah, oui ! Le Brésil des années 82-86 ! Attention, pas non plus le ballet merveilleux des sambistes (Socratès, Zico, Falcao, Cerezo). Mais il y a cette ressemblance frappante entre la Seleçao et Fenerbahce : le ballon qui vit ! Une certaine télépathie.
But de Deivid ! Une longue préparation en redoublements de passes dans sa moitié, une accélération de Roberto Carlos sur le flanc gauche, un relais axial avec Kezman à l’entrée de la surface, décalage à droite sur Alex, le capitaine, centre, et reprise de volée couchée du droit, sous la barre, sur le centre en retrait à mi hauteur ! Ce qu’il y a de beau dans la poésie, c’est quand elle est complètement galvaudée : « Une reprise de volée sur un centre en retrait à mi hauteur » , c’est du verbiage de journalisme : ça ne veut plus rien dire ! Sauf que ce but, c’est exactement ça, « une reprise de volée sur un centre en retrait à mi hauteur » , autrement dit : le matin du Monde, le premier jour de la Création, l’aurore divine avant l’électricité.
But de Deivid ! Le coach turc lève les bras et exulte. Cette tête ! Mais, c’est Lui ! C’est Zico ! Evidence biblique : qui d’autre pouvait-ce être ?
Du coup, on observe un peu mieux les joueurs : métissés, ondoyants, caresseurs de cuir fouetté. Des Brésiliens, bien sûr ! Je me rencarderai plus tard : Roberto Carlos et Edu Dracena en défense, Alex et Marco Aurelio à la récupération, Wederson en milieu offensif derrière les attaquants Deivid (salut, les Girondins !) et ce pirate serbe de Kezman. Six Brazileiros sur le pré. Précisons que Wederson et Marco Aurelio (aussi appelé Mehmet Aurelio) ont la double nationalité turco-brésilienne et que Roberto Carlos est “naturalisé” espagnol, donc joueur communautaire. On comprend pourquoi Roberto Carlos s’est dit « renaître » en arrivant à Istanbul, vu la coloration auriverde du Fenerbahce. Sinon, le défenseur central Lugano est uruguayen. Donc à moitié Brésilien. Parce qu’il touche sa bille, l’animal !
Voilà, Zico s’est pas emmerdé : en plus de ses compatriotes joueurs, il s’est adjoint deux sidemen du bled, Edu et Sant’Anna. Il a tous les droits, Zico ! Parce que jouer pareil, c’est rendre grâce au Seigneur, ce dont personne ne s’offusque. L’ex-idole de Flamengo est arrivée au Fenerbahce en juillet 2006, au moment où Anelka se barrait à Bolton (preuve encore que Niko a souvent eu tout faux, en club !). Zico a décroché le titre de champion de Turquie en 2007, d’où la qualification directe en C1. Actuellement, le Fenerbahce est 9ème avec 5 points de retard sur le leader Galatasaray, au bout de 5 journées.
Le jeu reprend, avec encore deux occases nettes sur des têtes à ras des barres. Les Turcs auraient pu saler le score. L’Inter est à la rue, complètement dépassée.
Fini ! Des étoiles plein les yeux. Dehors, il fait beau.
Dans le groupe G, outre l’Inter, il y a aussi Eindhoven et le CSKA Moscou. Comme à Chelsea avec Abrahamovitch, le président du Fernerbahce, le milliardaire Aziz Yildirim, a mis une pression d’enfer sur Zico pour obtenir des résultats en Ligue des Champions. Dur de dire si Zico va faire des miracles dans cette édition 2007-08 apparemment très relevée. En tous cas, surveillez bien Fenerbahce. Ne serait-ce que pour le jeu qu’il pratique : ça pourrait faire des étincelles, voire un grand feu de joie !
Ah, oui !… Anecdote : au Fenerbahce, le numéro 12 n’est attribué à personne. Il appartient au public, le 12ème homme.
Chérif Ghemmour
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