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Wilfried Baana Jaba, victime d’insultes racistes : « Dans ma colère, j’étais seul »
À l’occasion de la 11e journée de National 3, l’Olympique d’Alès en Cévennes s’imposait à domicile face au Sud FC. Seul buteur, en héros du soir, Wilfried Baana Jaba a pourtant vécu à 32 ans le pire match de sa vie, le capitaine adverse ne retenant pas ses insultes racistes. L’attaquant camerounais revient sur l’évènement plus que choquant.

Samedi dernier, ton club affrontait le Sud FC, match lors duquel tu as été victime d’insultes racistes de la part d’un adversaire. Est-ce que tu pourrais raconter la scène ?
Je venais de marquer, ça se passait bien pour moi. Mais je capte un peu le petit jeu qui se met en place entre le 4 et le 5 adverses. J’entends que dès que je fais un petit décrochage, « ouais nique-lui sa mère, découpe-le ». Je les insulte en retour, puis il y a le frère du numéro 8 qui vient s’en mêler. En tout, ils étaient quatre à être sur mes côtes, à commencer à m’insulter, à me faire craquer. J’essaie de rester focus, et à un moment donné, il y a une faute, je crois, d’un joueur de notre équipe sur eux. Et en remettant le ballon, moi je passe devant le ballon. Et c’est là que lui (le numéro 5, défenseur central et capitaine, NDLR), il me dit « Sale Noir », je dis « Quoi ?! » il redit : « Sale Noir, retourne dans les champs de coton, espèce de singe. » Là, dans ma tête, ça a vrillé.
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Je dis à leur banc : “Lui là, il me traite de ‘Sale Noir’. Et vous, vous êtes là, vous ne dites rien ?!”
Juste après arrive la mi-temps, que se passe-t-il à ce moment ? À qui tu vas parler ?
À la mi-temps, le coach m’appelle. Moi, je cours pour aller vers le délégué, pour lui relater les faits. On me retient, et moi, je commence à parler à leur banc. Je dis : « Lui là, il me traite de “Sale noir”. Et vous, vous êtes là, vous ne dites rien ?! » Mes coéquipiers me retiennent, ils ne veulent pas que je prenne rouge parce que moi aussi j’insulte. C’était trop. Je suis rentré dans le tunnel et c’est là que l’arbitre appelle notre capitaine pour lui demander ce qu’il s’est passé. Le capitaine, il lui dit tout ça. Quand je retourne sur le terrain pour la deuxième période, il me dit juste : « Je vais être plus vigilant. » C’est tout ce qu’il m’a dit. On m’a fait taire.
Et ton club, tes coéquipiers, ils te soutiennent ?
C’est ma parole contre la sienne, mais ils sont avec moi. Pour le moment, je n’ai pas vu de publication de soutien, ni quoi, ni qu’est-ce. Mais en interne, ça me soutient. Les gens m’ont empêché de parler. Est-ce qu’ils ont bien fait ? Je ne pense pas.
Ça doit être blessant tout de même, non ?
Il y en a certains qui ont mis du temps à comprendre pourquoi j’étais dans cet état. Certains ont cru que c’étaient juste des échauffourées à la suite de l’altercation du début. D’autres qui ont compris qu’à la fin de match en mode, « Ah, c’est ça qu’il t’a dit, mais moi je ne savais pas ». Après bon, chacun entend un peu ce qu’il veut…
La nuit suivante, même le sommeil, il était comme artificiel. J’avais un mal de crâne atroce.
À quel point ça t’a affecté ?
En fait, c’est une dinguerie, tu ne peux même pas t’imaginer dans quel état je suis. Je suis habitué aux insultes, mais l’enchaînement… En fait, j’avais l’impression que c’était pour m’achever. Samedi soir, je suis rentré, j’ai à peine commandé à manger, j’ai dormi. Ah si, j’ai appelé un de mes meilleurs amis qui joue à Montpellier, Birama Touré, je lui ai raconté la scène, avant de dormir. Mais la nuit suivante, même le sommeil, il était comme artificiel. J’avais un mal de crâne atroce. Je repensais à la scène, en fait. J’ai plein de flash-back qui revenaient. La manière dont ça s’est fait, alors que je veux parler, on m’emmène dans le vestiaire, on me pousse vers le tunnel. Il y a une sensation d’incompréhension, de banaliser ce qui vient de se passer. C’est désolant. Dans ma colère, j’étais seul. Le lendemain, j’en ai parlé avec la famille, avec mon grand frère. Ils m’ont dit : « Il faut agir, tu as son nom, tu as tout, fais tout ton possible. » Donc j’ai mis mon post sur Insta, je ne savais pas que ça allait avoir ce retentissement-là. C’était ma façon de ne pas garder ça pour moi. En tout cas, moi, je ne demande pas de pitié de qui que ce soit. Le combat, il appartient à celui qui veut le mener : moi, je partage ce que j’ai vécu, mon expérience.
Oui, Arsenal a raison de croire encore au titre de championPropos recueillis par Benjamin Gaillardin-Claeys