Trezeguet : Ombre et Lumières
Maintenant qu'il a trouvé son gimmick qui fait mal, ratatatatata-tata, on a la définitive confirmation que Karim Benzéma va sans doute, accompagné de son compère Ben Arfa, régner sur l'attaque de l'EDF pendant quelque temps. Comme d'autres avant eux, qui vont d'ailleurs devoir leur laisser de la place, celles de titulaires.
Dix ans que Thierry Henry et David Trézéguet ont débuté en Equipe de France. Maintenant la suite connue, il est temps de faire le bilan.
Thierry Henry n’a pas autant brillé avec la tenue bleue qu’avec celle d’Arsenal. Depuis, il tente de renaître tel le phénix au sein des Suns de Barcelone. En pleine lumière. C’est pas trop ca, mais c’est moins pire que certains ne le pensaient.
Thierry Henry a toujours divisé, ou tout du moins déplu à pas mal de lanternes, sans doute celles qui l’ont davantage observé avec la tenue Carrefour que sous les couleurs de son club. Logique.
En revanche, David Trézéguet qui, lui, n’a pas eu besoin de décamper de la Juve, a toujours fait l’unanimité : tout le monde le considère comme le meilleur renard des surfaces français vivant.
Pourtant, personne ne le titulariserait lors de l’Euro à venir, surtout pas Domenech. Trézéguet est grillé comme l’ampoule, faut la changer. Trop vieux, trop statique, trop lent, trop pas à la mode. Trop compliqué à utiliser.
Comme David Sergio l’a lui-même dessiné pour Telefoot, faudrait jouer haut, l’entourer d’ailiers, prendre le jeu à son compte, centrer. Domenech veut pas. On est tenté de dire peut pas, mais comme la Juve, elle, le peut, on s’interroge.
L’effectif de la Juve serait-il supérieur à celui de l’EDF ? Bref, Domenech veut pas. La France veut pas. Pourtant Larqué avait sacrément joui sur LE but en or, ou le meilleur symbole de ce qu’est David Trézéguet. Il rentre, plante l’un des pions les plus importants de l’histoire de France et s’en va. On ne verra peut-être plus jamais cet homme, ou son ombre, au regard de ces dernières prestations tricolores, vêtu du maillot national.
The Shadow
Classement des buteurs du Calcio, en ce lundi 28 janvier : en tête les 15 pions de David, puis 13 et Gay, c’est à dire 13 buts pour Zlatan. Couverture de So Foot : Zlatan. En pleine lumière. Et plus personne ne prête attention à David Trézéguet. Normal, cela ne l’intéresse pas : « Je n’y pense pas du tout. La seule chose à laquelle je pense, c’est mon club. Sur ses derniers matches, l’Equipe de France a montré des qualités. De mon côté, je vis ça très bien. Ici (à Turin), j’ai toujours ressenti la confiance de tout le monde. Je peux vivre sans. Si je dois être convoqué par le sélectionneur, c’est bien. Si ce n’est pas le cas, je passerai à autre chose » .
Il s’est fait une raison, c’est évident, mais il est surtout sincère. « Je peux vivre sans » . Oui, David Trézéguet en a toujours fait moins. Moins de courses, de dribbles, de gestes, de touches de balle. L’épure. A la recherche du geste juste, simple, pur. Là où, par exemple, Thierry Henry a souvent besoin de 5-6 touches de balle pour plat du pied filet opposé, Zlatan de 13 pour que dalle, David, lui, à l’inverse de ses anciens coéquipiers, n’a besoin de rien, ou presque. Et surtout pas de toute l’attention. Un espace, bam, une faille, bim, un moment d’inadvert…but.
A la manière d’un Tim Duncan dont il partage également les initiales, DT est un monstre de simplicité, d’efficacité, de régularité. D’humilité. Shaquille O’Neal surnomme le joueur des San Antonio Spurs M.Big Fundamentals. Tout est dit. Qui peut le plus peut le moins. David Trézéguet est un footballeur minimaliste, c’est à dire un anachronisme. Comme Riquelme, il s’est trompé d’époque. Barthes : « La revendication du sarcasme de vivre en contradiction avec son temps » .
Trézéguet ne dit justement pas autre chose : « Je passerai à autre chose » . Moins de bruit, de déclarations, de chichi, de blabla, de superflu. David Trézéguet, malgré tout son talent, s’est bien demerdé pour rester dans l’ombre de Thierry Henry comme de la Serie B.
C’est là qu’il est le meilleur, il le sait, il aime ça. D’ailleurs il n’a pas hésité à rater le pénalty qu’il l’aurait trop exposé. Se faire oublier, disparaître. Moins de couverture, moins d’attention. Tenue de camouflage à rayures noires et blanches. Se planquer pour mieux surgir et frapper. Le bruit de la balle étouffée. Puis retourner à sa place, dans l’ombre, passer à autre chose.
David est un assassin silencieux, un monstre de sang-froid. Loin du tumulte de la foule, Ghost Dog s’entraîne encore, répétant à l’infini les mêmes gestes pour atteindre la perfection, inversant par la colère de sa reprise de volée le cours du Pô, au pied des 5 pics du Mont Rozan. Là, David peut être heureux, il a réussi à se faire oublier de tous. Dans l’ombre. Gare, s’il en ressort, il pourrait bien y avoir des morts…
Method
Par