Trezeguet l’atypique
L'un part, l'autre reste. Au moment où Thierry Henry trahit Arsenal pour le Barça, David Trezeguet préfère s'enterrer définitivement à Turin. Où l'ultime preuve que ce type n'était vraiment pas fait pour notre époque.
David Trezeguet n’a rien compris au football moderne. A une époque où le moindre junior sait bien que le jeu consiste à claironner sans vergogne son amour du club pour mieux négocier un départ en douce vers d’autres cieux fiscalement plus cléments, lui tente l’inverse : un bras d’honneur à la tribune présidentielle, un « Je me casse » sonore à l’adresse du monde entier dans la presse, et finalement… une prolongation de contrat. Pour ceux qui étaient passés entre les gouttes, la nouvelle : David Trezeguet, 30 ans dans trois mois, vient de prolonger son contrat à la Juventus jusqu’à fin juin 2011. On est d’accord : le con.
Alors voilà : adieu le dernier gros contrat, adieu l’opportunité de jouer un jour dans un club glamour, adieu les sourires aux photographes avec le nouveau maillot sur les épaules, adieu les journalistes venus l’interroger sur sa nouvelle vie, adieu l’équipe de France. David Trezeguet a choisi de s’enterrer à la Juventus de Turin. Qu’a-t-il à y gagner ? Honnêtement, rien, zouf, peau de balle : le pauvre homme y a déjà planté tous les buts possibles (140 en 7 saisons), gagné tous les titres imaginables, convaincu une myriade d’entraîneurs, survécu à une relégation. On a beau chercher jusque sous terre, on ne voit pas bien ce qui pourrait encore le maintenir en vie à Turin. En conséquence de quoi se raconte ici et là une drôle d’histoire : Trezeguet serait comme tout le monde, un joueur en perpétuelle partance. Simplement, s’il ne part pas, c’est qu’il ne trouve pas preneur. Bon, peut-être. Et alors ?
Alors si cette hypothèse s’avérait exacte, elle ne viendrait que confirmer ce qu’on pense depuis déjà bien longtemps : en fait, c’est le football moderne qui n’a rien compris à Trezeguet. Que ne l’a-t-on assez emmerdé avec la percussion, le jeu collectif, le repli défensif et ses foutaises. David Trezeguet vient d’un temps où le job de l’attaquant consistait à se planter dans la surface et à attendre le ballon. Passez lui la balle, il marque. Autrement, oubliez-le. Ce n’est quand même pas sa faute, si son sport a changé. Autant demander aux hyènes de se préoccuper de la survie des espèces. Ou à Thierry Henry de signer à vie dans son club de cœur.
Pour commencer, David Trezeguet n’aurait jamais dû venir en Europe. Mauvaise idée, ça, qui ne valait pas même un Euro, ni une Coupe du Monde. Trezeguet, c’est un Hernan Crespo, un Martin Palermo, un Caniggia : un buteur argentin. Un type qui aime jouer dans une ambiance hostile, courir le moins possible, claquer comme un malade, et finir la soirée en baston. S’il était resté là-bas, il porterait aujourd’hui le maillot de Rosario Central ou de Newell’s Old Boys, jouerait des matches à la machette, aurait peut-être même les cheveux longs, tiens. Le dimanche, il ferait griller des viandes avec ses potes. Sans Thierry Henry, Raymond Domenech ou Jean-Claude Blanc pour le faire se relever la nuit, il aurait un sommeil de plomb. Et en plus, il n’aurait pas à faire semblant de parler français. Chienne de vie.
Par Stéphane Régy
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