Trezeguet : David ton sac !

Trézéguet ne sera pas à l’Euro avant tout parce qu’il n’a pas su se rendre indispensable à l’EDF. Ses dernières performances sous le maillot bleu n’ont pas été assez convaincantes pour retourner la situation en sa faveur. Pire, la dernière en date a même plutôt joué en sa défaveur.

Mais bon, cela ne peut pas être la seule explication, sinon comment Djibril Cissé dans les 30, puis Gomis dans les 23 ? L’explication se trouve certainement autre part. Il s’agit d’une question de tactique, comme le justifie Raymond Domenech : « C’est un choix d’organisation. J’ai quatre, cinq attaquants axiaux et il fallait faire des choix, prendre une décision. Ai-je expliqué les raisons de mon choix à David ? Je les explique aux trente qui sont là. Je leur explique ce que je pense d’une organisation et d’une équipe, c’est ce qui me paraît être le plus cohérent. Encore une fois, je n’ai pas la science infuse. Il peut y avoir d’autres possibilités, d’autres choix. Ceux qui me concernent maintenant, ce sont ceux qui sont là. Les autres, ce n’est pas mon problème » .

Autrement dit, si Trézéguet n’est pas dans les 23, c’est parce qu’il fallait bien faire des choix. Raymond Domenech a préféré opter pour un système fait pour tirer le meilleur de Thierry Henry, et si possible du second attaquant, c’est à dire un jeu rapide, percutant et direct. Et, comme on construit une équipe en fonction de ses attaquants, exit Trézéguet. Logique. Sauf que 23 joueurs, c’est tout de même pas mal, non ? Il n’y aurait donc là pas la moindre place pour Trézéguet ? 23 joueurs français seraient à ce point supérieurs au buteur de la Juventus Turin qu’il ne pourrait alors être du voyage ?

Alors quoi, pourquoi pas Henry ET Trézéguet ? Pas forcément alignés ensemble (quoique, mais ceci est une autre histoire, et celle-ci est déjà un peu longue) mais les deux dans le groupe, donc les deux systèmes avec eux.

Soit une équipe-type organisée autour d’Henry et un plan B, un vrai plan B, complémentaire du A, articulé autour de Trézéguet. Avec 23 péquins, ça devrait pouvoir se faire non ? D’autant que pour mettre en valeur l’attaquant turinois, il n’est pas nécessaire de retoucher l’ensemble de l’équipe-type (le Plan A Henry).

Certains de ses titulaires, comme Ribéry ou Anelka, devraient largement pouvoir s’entendre sur le pré avec David. Ensuite, pour compléter le plan B, qui consiste on le rappelle à mettre en valeur Trézéguet, il suffirait de prendre un centreur (Rothen) et un mec capable de la glisser dans l’axe (Nasri). Il suffisait donc de 2 voire 3 sélections à ajuster pour se payer le luxe de se pointer à l’Euro avec deux organisations, et pas loin de ce qui se fait de mieux en Europe dans les deux registres. Oh, on entend déjà persifler : « Quoi ? Henry pour le jeu rapide pas loin d’être ce qui se fait mieux en Europe ? » .

Certes, et c’est bien là où on voulait en venir. Affirmer que Trézéguet est, pour un système disons d’attaque posée, pas loin d’être ce qui se fait de mieux en Europe est moins dur à admettre que l’équivalent concernant Henry et le jeu rapide. Pourtant, c’est bel et bien ce dernier qui a les faveurs du sélectionneur actuel. « J’espère avoir ma chance pour le Mondial sud-africain, mais seulement si quelque chose se passe » . David l’a bien compris, son seul espoir réside dans un changement de chef.

C’est bien dommage. D’autant que, suite à la finale de Berlin, il aurait été juste de le sélectionner. Ne serait-ce que pour permettre à David d’être là, au moins dans le groupe, avec ceux qui ont partagé sa déception, ses larmes, sa tristesse, pour lui permettre de rejouer l’Italie, de se faire pardonner, de prendre sa revanche et surtout d’effacer autant que faire se peut ce mauvais souvenir.

Domenech aurait pu en tenir compte, et en profiter au passage pour faire preuve d’une certaine classe. Imaginez plutôt : « Je ne suis pas certain que David soit l’attaquant autour duquel je me dois d’organiser mon équipe, mais, à elle seule, la perspective de le voir entrer en jeu, nous mettre le but décisif contre l’Italie puis pleurer de joie justifie sa présence au sein des 23 » . Hélas.

Et tant pis pour David Trézéguet : « Je suis déçu. Toutes les critiques m’étaient adressées après la désillusion du Mondial 2006. Je tenais à faire oublier la finale, parce qu’il pourrait y avoir un autre France-Italie cet été. L’Italie y sera, elle a tout pour arriver jusqu’au bout » . Dont des joueurs comme Alessandro Del Piero ou Antonio Cassano, des joueurs à même de faire basculer un match à eux seuls. Comme David. Roberto Donadoni aime les joueurs offensifs. Il a joué au Milan AC, a pris du plaisir dans l’une des plus belles équipes du monde. Domenech, lui, a joué arrière latéral à l’Olympique Lyonnais…

Et semble dès lors se placer du côté de ceux qui préfèrent le plaisir et la facilité au juste et à la finesse. Car il semble bien plus facile d’organiser son équipe en fonction du sprinteur des Ulis que du Franco-Argentin, qui ambiance au pas du tango. Thierry Henry donc. Dont ce n’était pas forcément la meilleure saison pour se farcir une polémique. D’autant que dans les lieux où l’on débat de la chose footballistique, défendre Trézéguet témoigne d’un certain standing, d’une certaine expertise de la chose : ça le fait de défendre David, comme ça le fait de se farcir Henry.

D’ailleurs, c’est maintenant devenu tellement consensuel que c’en est même plus drôle. On aurait d’ailleurs presque envie de le défendre. Ainsi, selon l’édito du numéro de GQ actuellement en kiosque, Thierry Henry, c’est tout de même un mec qui a du style et de l’attitude, ce qui en fait l’égérie sportive parfaite pour GQ, le magazine des mâles parfaits. Thierry Henry, ce serait un style certain qui le qui distinguerait du collectif. Les supporters de Barcelone n’en pensent pas moins. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que Trez, lui, il a la classe.

Method