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Tahiti rêve de la Coupe du monde 2022 au Qatar
Ce dimanche, à Doha, Tahiti affronte la Nouvelle-Zélande en demi-finales des qualifications pour la Coupe du monde. Un gros morceau, mais les Toa Aito ne sont plus qu'à trois matchs du Mondial. Ce qui serait un exploit pour une sélection qui n'avait plus joué ensemble depuis juillet 2019.
Et si la France envoyait deux équipes au Qatar l’automne prochain ? À Doha, la sélection tahitienne rêve de Coupe du monde. Et la sent déjà. Depuis dix jours, les Tahitiens sont sur le sol qatari pour disputer les éliminatoires de la zone Océanie. Avec tous les problèmes d’organisation liés à la Covid-19, c’est le petit émirat, hôte du prochain Mondial, qui accueille ces joutes océaniennes. Une sorte de répétition générale. « Ça se met en place. Ce qui nous a le plus frappé, c’est qu’on est dans des conditions optimales. Que ce soit l’entraînement, les vestiaires, l’hôtel. Bon, après, le pays est en construction, il y a des grues partout. Mais on sent que derrière, il va y avoir quelque chose de grandiose pour le Mondial », décrit Samuel Garcia, le coach des Toa Aito (les guerriers de fer, en VF).
Deuxième match depuis presque trois ans
Pour préparer au mieux ce tournoi, les Polynésiens se sont rendus trois semaines en métropole, à Cognac, Rodez puis Toulouse, où ils ont affronté les équipes locales pour finir avec la sélection d’Occitanie. « On a pu préparer l’équipe, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas joué ensemble », glisse le sélectionneur. Ce n’est pas peu dire. À part un séjour aux Marquises « pour la cohésion d’équipe » l’été dernier, la 159e nation au classement FIFA n’a plus disputé de match international depuis juillet 2019 et le fameux monde d’avant. Le non-vœu d’abstinence s’est même prolongé avec les forfaits des Îles Cook et du Vanuatu, qu’elle aurait dû affronter cette semaine en phase de groupes. Mais leurs abandons ont directement propulsé Tahiti en demi-finales. La défaite contre les Îles Salomon (3-1), ce jeudi, sa première rencontre depuis presque trois ans, dans une sorte de finale du groupe, l’a condamné à se coltiner la Nouvelle-Zélande en demies. C’est le mauvais côté de l’histoire.
Le bon côté, c’est que les Tahitiens ne sont plus qu’à trois matchs de valider un ticket pour le Mondial. « Oui, forcément on y pense, mais on n’est pas focalisés dessus », admet Samuel Garcia. Toutefois, c’est la Nouvelle-Zélande qui se dresse sur le chemin de l’archipel en demi-finales des qualifications de la zone Océanie. Depuis le départ de l’Australie pour la confédération asiatique, les Kiwis règnent en maître sur le continent. Pas de quoi ruiner leurs espoirs. « Si on est là, c’est qu’on croit qu’on va se qualifier ! Sinon, on reste à Tahiti et on va à la plage. La Nouvelle-Zélande, c’est normal qu’elle soit au-dessus de nous. Dans leur groupe, je crois qu’ils ont 17 joueurs qui jouent à l’étranger, dans des clubs professionnels », analyse Garcia dont l’effectif ne comprend aucun joueur professionnel. Le sélectionneur, passé par Bordeaux dans les années 1990, travaille lui dans une mairie. Teaonui Tehau, capitaine et meilleur buteur de l’histoire de la sélection (25 buts en 31 capes, bien meilleur ratio que CR7), exerce dans une entreprise qui fabrique des couverts en plastique.
Mais Teaonui, qui fait évidemment partie de la fratrie des Tehau, est aussi l’un des sept joueurs qui ont déjà disputé une Coupe du monde. Celle de beach-soccer, l’an dernier en Russie, où les Tahitiens ont échoué en quarts de finale contre le Japon. « Je suis là aussi pour encadrer les nouveaux, les plus jeunes et ceux qui n’ont pas l’habitude de jouer ce genre de grande compétition, explique-t-il.C’est une fierté de porter le maillot tahitien. En tant que Polynésien, ça compte beaucoup. » Sur l’archipel perdu dans le Pacifique, malgré le décalage horaire avec le Qatar, la population se passionne pour son équipe nationale. « On a une grosse couverture sur Tahiti, détaille Olivier Huc, journaliste pour Tahiti Nui Télévision.Le football et la sélection sont très suivis. Tous les matchs sont diffusés. Tahiti est une petite famille, et tenter sa chance pour la Coupe du monde, ça pousse tout le monde. Il y a deux sports majeurs en Polynésie, le football et le va’a(la pirogue, NDLR). Il y a un engouement, sans aucun doute. »
Vive le Mondial tous les deux ans
Si Tahiti croit dur comme fer à la qualification, il faut admettre que la place vaut cher. Dans le système actuel, l’OFC n’a droit qu’à 0,5 billet pour le Mondial, c’est-à-dire que le vainqueur des qualifications devra jouer un barrage sec face au quatrième des éliminatoires de la CONCACAF (le Panama, actuellement) pour espérer revoir Doha. Avec le passage à 48 nations en 2026, le quota s’élèvera à 1,5 ticket pour les Océaniens. Mais de toutes les réformes que veut mettre en place la FIFA, celle qui plaît le plus à Samuel Garcia, c’est la Coupe du monde tous les deux ans : « Nous rencontrons une grosse problématique dans le Pacifique : l’avion coûte très cher. Donc on ne se déplace pas. L’objectif, c’est de progresser. Et pour progresser, il faut qu’on se confronte. Et donc il faut des compétitions. Plus on a de compétitions, plus on va se préparer. Après, je comprends que les pros qui jouent 70 matchs par an ne soient pas favorables ! Mais nous, on a 30 matchs par an. »
Aujourd’hui, le manque de matchs amicaux force la fédération à envoyer son équipe en préparation pendant plus d’un mois pour afficher un visage décent en qualifications. « Ça engendre que la fédération doit soutenir les footballeurs, en leur payant les congés, que les patrons laissent partir les employés… », énumère le sélectionneur. Tahiti ne part donc pas favori face à la Nouvelle-Zélande, mais comme le dit si bien Samuel Garcia : « Dans le football, ce n’est pas toujours le gros qui mange le petit. » On l’a encore vu ce jeudi à Palerme. La bonne nouvelle ? Au classement FIFA, il y a plus d’écart entre la Macédoine du Nord et l’Italie qu’entre la Nouvelle-Zélande et Tahiti.
Par Léo Tourbe