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  • Coupe des confédérations – Groupe B – Tahiti/Nigeria

Tahiti, les pagaies sont de sortie

Par Régis Delanoë
5 minutes
Tahiti, les pagaies sont de sortie

Alors que débute la Coupe des confédérations au Brésil, la présence de Tahiti intrigue et détonne. Sacrée championne d'Océanie l'an dernier à la surprise générale, cette sélection, composée d'amateurs et de Marama Vahirua, se prépare à violemment morfler, dans un univers qu'elle ne connaît pas ou si peu : des matchs de haut niveau, du monde dans les stades, des caméras partout autour du terrain… Mais pas grave, l'essentiel, c'est de participer, hein ? Hein ?!

On a été cool, on a fouiné pour vous sur Internet et on a dégoté une affaire qui peut rapporter très gros : la victoire finale de Tahiti lors de cette Coupe des confédérations, cotée sur certains sites spécialisés à 4000 contre 1. Soit 20 000 balles potentielles contre un petit billet vert. Attention quand même, ce type de pari n’est pas pour n’importe qui. Avis aux amateurs qui imaginaient que le nouveau pape allait s’appeler Renaud XVIII ou qui pensent que l’EA Guingamp va devancer le PSG et Monaco au classement de la Ligue 1 au printemps prochain. Il faut donc être soit un peu fou, soit être doté d’un solide sens de l’humour, et idéalement posséder les deux. Car soyons clair : la sélection tahitienne ne va pas gagner la Coupe des confédérations. Elle ne va très certainement pas gagner un seul match. Et si elle réussit à marquer un but et/ou à ne pas perdre une partie par plus de trois buts d’écart, ce sera déjà beau. Si, si, pour la 138e nation FIFA, ce serait une vraie perf’, quand on sait qu’elle affronte successivement dans le groupe B du tournoi le Nigeria, champion d’Afrique, 31e au classement, l’Espagne, le pays numéro 1 mondial ces dernières années, et enfin l’Uruguay, 19e nation et tenante du titre en Copa América.

« Ils regardaient l’écran géant plutôt que jouer »

Donc logiquement, ça va être une boucherie. Mais ça, les Tahitiens le savent et n’en ont cure. « On va au Brésil pour se faire plaisir » , assurait le président de la fédé Thierry Ariiotima, joint en début de semaine par téléphone, alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion pour le Brésil rejoindre les joueurs arrivés sur place depuis déjà quelque temps. « Il faut s’imaginer ce que ça représente pour nous qui n’avons que 11 000 licenciés de foot à 11 et 4000 de futsal. C’est un sport amateur à 100 %, il a fallu poser des jours de congé pour participer, car tous les joueurs ont un travail ou les études à côté. » Tous sauf un, et on le connaît bien : Marama Vahirua, M. je-pagaie-quand-je-marque-un-but, qui va effectuer ses grands débuts internationaux pour l’occasion, à 33 ans. « On l’avait déjà sollicité à plusieurs reprises par le passé, mais ça coinçait au niveau de son club (il joue aujourd’hui en Grèce, NDR). Cette fois, il est bien là et de ce que j’en sais, il s’est parfaitement fondu dans la vie du groupe. C’est un garçon humble et son expérience doit beaucoup apporter à ses nouveaux coéquipiers » , se réjouit le président.

Le vécu des grands matchs de l’ancien Nantais peut en effet s’avérer précieux, que ce soit dans la gestion de l’avant-match ou du match en lui-même, qui va se disputer dans des conditions parfaitement inhabituelles pour le reste des joueurs tahitiens. « Au plus, ils jouent habituellement devant 900 spectateurs, alors que le match contre l’Espagne par exemple va se jouer au Maracanã devant minimum 40 000 personnes. Vous vous rendez compte de ce que ça représente ? » , se pince Ariiotima. Et c’est Olivier Huc, collègue de la fédé, qui répond : « Dans le groupe parti au Brésil, il y a une demi-douzaine de joueurs qui a vécu la précédente grande page de l’histoire du foot tahitien à l’international, la Coupe du monde U20 en Égypte en 2009 (avec Lionel Charbonnier sélectionneur, NDR). Pendant les matchs, certains étaient tétanisés, par réflexe ils regardaient l’écran géant plutôt que de jouer… » Résultat : 0-8 contre l’Espagne, 0-8 contre le Venezuela et 0-5 contre le Nigeria.

« Nous sommes les 99,8 % »

Au Brésil aussi, les Guerriers de fer – le surnom de l’équipe – doivent se préparer à subir, subir et subir encore, pour éviter d’encaisser des défaites trop lourdes. Comment peut-il en être autrement pour une équipe qui n’a jamais l’opportunité d’affronter d’adversaires au-delà de son Océanie ? « C’est pas faute de le vouloir pourtant, mais on est tellement éloignés dans le Pacifique que le moindre match nous oblige à plusieurs heures d’avion, pose le président. Rien que la Nouvelle-Zélande, c’est 6 heures de vol et 60 000 euros à dépenser rien que pour les billets. À notre échelle, c’est une grosse somme. » Tahiti va donc devoir débuter la compétition un peu à l’aveugle, sans rien connaître ou presque du haut niveau. Hormis Vahirua, un seul autre joueur, Nicolas Vallar, a une expérience pro : c’était avec Sète en Ligue 2, lors de la saison 2005-2006. Sinon, il faudra surtout compter sur un maximum de solidarité de la part d’un groupe « de niveau CFA » , dixit Olivier Huc, et qui se connaît bien, à l’image de la famille Théau, qui place 4 membres dans la sélection : Alvin et Lorenzo, les jumeaux, Jonathan le grand frère et Teaonui le petit cousin.

Et n’allez surtout pas douter de la légitimité de la présence de Tahiti dans cette Coupe des confédérations. D’abord parce que les joueurs sont allés chercher leur qualification avec beaucoup de cœur et d’abnégation en gagnant la Coupe d’Océanie à la surprise général l’an dernier, en finale face à la Nouvelle-Calédonie (qui avait créé l’exploit en demi de sortir la Nouvelle-Zélande). Ensuite parce que ça a quelque chose de franchement réjouissant de voir ce petit monceau de terre au milieu de l’océan affronter les plus grosses nations du moment ballon au pied. Olivier Huc : « La FIFA estime qu’environ 250 millions de footballeurs pratiquent le football à travers le monde, dont 99,8 % au niveau amateur. Nous sommes ces 99,8 % et on compte les représenter avec fierté. Peu importe le score. À Tahiti, on est habitués aux cyclones, on sait qu’on va en affronter trois et soyez sûr qu’on va s’en remettre. »

Edoardo Bove : et maintenant ?

Par Régis Delanoë

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