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- 2nd tour
Sur Twitter, foot et NUPES font bon ménage
La NUPES investit même les terrains les plus inattendus. Depuis quelques semaines, avant le premier tour de la présidentielle et entre les deux rounds des élections législatives, certains comptes Twitter français relayant l’actualité de grands clubs européens, aux dizaines voire centaines de milliers d’abonnés, ont appelé à voter pour la coalition portée par Jean-Luc Mélenchon.
L’initiative peut interpeller, voire choquer. Pourquoi des comptes spécialisés dans le ballon rond sur les réseaux sociaux ont-ils décidé de jouer un rôle dans les deux campagnes électorales du printemps en France ? Le foot et la politique ont une relation conflictuelle : jamais bien loin l’un de l’autre, mais loin de faire l’unanimité quand ils se réunissent. Alors quand @FranceRMCF, compte Twitter dédié à l’actualité du Real Madrid dans la langue de Molière et suivi par plus de 500 000 personnes, appelle à voter Jean-Luc Mélenchon ou pour les candidats étiquetés NUPES aux législatives, les réactions fusent dans tous les sens. D’un côté, ceux qui applaudissent cet engagement et qui sont, généralement, du même bord politique ; de l’autre, ceux qui condamnent l’instrumentalisation d’une base d’abonnés formée en dehors de toute considération politique.
Une nouvelle dynamique s’est créée.Chaque voix compte et dimanche nous pouvons faire pencher la balance.L’abstention doit baisser. Nous ne pouvons plus permettre aux autres de choisir à notre place. Dimanche, faisons mieux et allons voter.#NUPES #legislatives2022 pic.twitter.com/RgZREr7Tur
— Real Madrid FR ?? (@FranceRMCF) June 15, 2022
Send NUPES
Ceux qui se cachent derrière ces comptes aux grosses communautés sur le réseau social à l’oiseau bleu estiment qu’ils ne font rien de mal. Romain, qui tient la page madrilène, a une réponse toute trouvée pour se justifier : « On a toujours fait des prises de position. On dit souvent aux gens : « Si ça ne vous plaît pas, bloquez-nous. » » Dans cette grande cour de récréation que peut être Twitter, Hugo, qui gazouille pour @FrSerieA (100 000 abonnés), tient un discours à peu près similaire à son camarade twittos : « Notre compte a toujours été politisé, c’est juste une continuité. On a toujours eu une identité de gauche. » Après avoir annoncé la fermeture du compte en février dernier, les CM de @FrSerieA ont repris du service, de manière éphémère, pour appeler leurs abonnés à se rendre aux urnes : « Dimanche, votez NUPES. C’est encore plus important que ne l’était l’élection présidentielle », pouvait-on lire sur leur profil ce vendredi après-midi à l’approche du second tour des législatives où la NUPES sera au coude-à-coude avec le parti présidentiel.
Au-delà du libre-arbitre et de la liberté d’expression revendiqués subsiste une véritable ambition politique. « On est assez jeunes au sein du compte, donc c’est plus un appel au vote, un acte citoyen », explique Romain, qui assure ne pas avoir été contacté en amont par la NUPES et seulement été récompensé par quelques retweets et likes plutôt qu’avoir reçu de l’argent. Du côté d’@AtletiFrancia (59 000 abonnés), la motivation est surtout celle d’informer : « J’avais envie de réveiller les jeunes sur un sujet qui les concerne, pour éviter que les personnes âgées votent à leur place, indique Timéo. Pour leur dire : « Il n’y a pas que le foot dans la vie. La politique c’est important, c’est votre avenir. » »
De la politique sur Twitter, vraiment ?
Le nœud du problème, la base de toutes les controverses, c’est le détournement d’une plateforme d’actualité sportive en tribune politique. Le mot « propagande » revient souvent en réponse à ces tweets, pour dénoncer un parti pris qui n’aurait pas lieu d’être sur un compte où on s’attendrait plutôt à retrouver des photos de Karim Benzema et des tweets sur les rumeurs autour du mercato du Real Madrid. Timéo, plutôt fan du rival, se dédouane lui de toute responsabilité : « Nous ne sommes pas du tout des représentants de l’Atlético. C’est un compte personnel, de fans, en aucun cas officiel », martèle-t-il. « On l’a fait de manière spontanée, je ne pense pas qu’il y ait de bon ou de mauvais endroit pour faire ça, enchaîne Hugo, monsieur @FrSerieA. J’ai un compte à 100 000 abonnés, si je peux toucher une ou deux personnes, je le fais. »
La propagande la plus inattendue de cette campagne c’est quand même les pages foot à 500k followers qui sont à fond pour la nupes : pic.twitter.com/9b9PNG89Wr
— Jeremie Younes (@JeremieYounes) June 16, 2022
Mais alors que sur Twitter, les passions politiques diverses et variées semblent se déchaîner à longueur de journées, les comptes français des gros clubs européens ayant pris position l’ont tous fait à gauche. Pour Romain, le Madrilène, « il y a une forme de mimétisme, quand on voit la multiplication des messages ». Pour Timéo, c’est plutôt le reflet d’une jeunesse qui « quand elle est politisée, vote plutôt à gauche ». Un créneau bien investi par des CM qui restent malgré tout humbles — ou lucides, c’est selon — sur la portée de leur message : « Je ne me suis jamais dit qu’en postant ça sur une page à 60 000 abonnés, la NUPES allait avoir une majorité. L’objectif, c’était d’assumer mes idées personnelles sur un compte personnel », assure Timéo. Une élection peut pourtant parfois se jouer à quelques dizaines de milliers de voix, et cette tendance rappelle à ceux qui l’avaient oublié que la politique se joue aussi sur les réseaux sociaux, même s’il faut faire passer des messages entre deux posts à la gloire de KB9 et de Luka Modrić.
Par Agathe Ferrière
Tous propos recueillis par AF.