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Suède : par amour du bus

Par Adrien Candau
3 minutes
Suède : par amour du bus

Ce lundi face à l'Espagne (0-0), la Suède a fait ce qu'elle sait faire de mieux. Placer dix types derrière la balle, balancer sans complexe de longues ouvertures vers sa grande courgette Alexander Isak et souffrir à onze, en attendant que l'horloge indique 96 minutes de jeu. Certains y verront une insulte au football. D'autres un profond respect envers une école et une identité de jeu que les Blågult auraient décidément tort de renier.

Pour certains, c’était une déception. De l’anti-spectacle à l’état pur. Une java triste, où l’Espagne aura essayé de danser toute seule et qui aura accouché d’un sombre 0-0. La Suède, vilaine, grossière, aurait préféré garer soigneusement son bus devant ses propres cages. Ne pas jouer le jeu. Ou plutôt rentrer dans celui de la Roja. Les Bleu et Jaune sont restés dans leur registre, qui n’appartient qu’à eux. C’était moche, c’était bien. C’était la Suède, avec toutes ses aspérités, ses limites, son absence de grâce, ses dégagements catapultés à l’aveugle, ses touches longues hasardeuses et sa cohésion défensive presque absurde de discipline et de solidarité. En un mot : la Suède, quoi.

Retour aux bases

Évidemment, il est tentant d’invoquer les clichés habituels après un match comme ça. Le football suédois est un peu plus que l’image stéréotypée de onze grands blonds qui défendent comme des morts de faim, en balançant de longs ballons devant. Même si on se dit qu’il ne se prive quand même parfois pas de revenir à l’essentiel, comme ce lundi face à l’Espagne. Un retour aux bases en somme, dont on peut aussi retirer une étrange satisfaction.

Longtemps, le football des nations a été l’expression de styles, d’identités footballistiques très marquées entre ses différents protagonistes. L’Italie avait son catenaccio, l’Angleterre son kick and rush, l’Allemagne sa discipline de fer et ses anges exterminateurs devant, le Portugal pavoisait drapé dans la flamboyance offensive de ses ailiers. Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, on s’y perd. Joachim Löw veut jouer comme Guardiola, la Nazionale coller des wagons de buts et la Selecção se satisfait de gagner un Euro après avoir marqué trois points en phase de groupes. Les savoir-faire ont fuité quand le jeu s’est globalisé, et la mondialisation du football a sapé les particularismes tactiques de ses plus grands acteurs. Mais c’était toujours une portion d’histoire, un petit quelque chose d’impalpable qui singularise les peuples, que ces sélections d’antan exprimaient en pratiquant un football, le leur, que les autres ne voulaient ou ne savaient pas jouer.

Comme un petit bout de Suède

Ce lundi soir, c’est précisément ce que la Suède a fait. Pour la grande déconnade, on repassera. La social-démocratie à la suédoise, ça se défend sérieusement. Avec un 4-4-2 d’un autre âge, fossilisé dans sa moitié de terrain. Des latéraux qui ne montent pas. Des attaquants qui se muent volontiers en milieux défensifs. Et un grand dadais devant, Alexander Isak, dont les gambettes interminables ont dessiné des courbes que les petits compas de la Roja n’arrivaient que trop rarement à suivre. Ah c’est sûr, c’est rustique. Voir onze types se grimper dessus pour bloquer le moindre angle de passe, suivre au millimètre les courses adverses et tenir leur bloc équipe comme s’ils étaient encordés ne convoque pas de grands élans romantiques. Ou peut être que si, finalement. Si vous ne voyez pas le charme folklorique que convoque un dégagement de 80 mètres de Mikael Lustig à la 23e minute de jeu, c’est peut-être que vous êtes perdu pour le football. Le public suédois, lui, aura sans doute su apprécier la symbolique du geste. Parce qu’il y a de la grandeur dans ce pacte de souffrance, dans ce dévouement entier à la défense, dans ce refus sans compromis de jouer. De la grandeur et un petit bout de Suède, que les Blågult ont su admirablement préserver.

Dans cet article :
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Par Adrien Candau

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