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Structures : « Le but de Bourgaud, c’est un moment hors du temps »

Par Andrea Chazy et Mathieu Rollinger, à Amiens
Charlotte Romer, Usine Saint-Frères, Flixecourt
Charlotte Romer, Usine Saint-Frères, Flixecourt

Formation montante de la scène rock française et originaire d’Amiens, Structures a un lien survolté avec le foot. Il fallait donc le détricoter avec son bassiste, Marvin Borges-Soares, jamais loin de son écharpe aux couleurs de l’Amiens SC lorsqu’il monte sur scène.

Structures a été créé en 2017 et a écumé cet été les festivals comme le Main Square Festival d’Arras ou encore les Vieilles Charrues. Comment en êtes-vous arrivés là ? On est des amis d’enfance avec Pierre (le chanteur et guitariste, NDLR). On traînait dans les mêmes coins à Amiens, on faisait du skate et on buvait des bières. Moi, je venais juste d’arrêter le foot en compétition, alors que j’avais été à l’école de foot au collège Edouard-Lucas avec les jeunes de l’Amiens SC et joué en U15 DH. Je jouais gardien à ce moment-là, puis je suis retourné en district sur le terrain dans le club de mon père chez les Portugais de Saint-Ouen, pas loin de Flixecourt. C’est dans ce bled que François Ruffin avait son QG de campagne en 2017.

Quelle est la fierté locale entre Emmanuel Macron, François Ruffin, Jean-Pierre Pernaut et l’Amiens SC ? (Rires.) Personnellement, je suis Ruffin depuis longtemps via son journal Fakir. Il a beaucoup œuvré dans les endroits populaires dont je suis originaire, au point de venir dans les supermarchés, faire du porte à porte. J’ai voté pour lui, j’étais avec ses soutiens quand il a fêté sa victoire aux législatives… Le maillot avec lequel il s’est pointé à l’Assemblée nationale, c’est celui d’un club contre lequel je jouais gamin (L’Olympique eaucourtois, NDLR). Je suis fier de lui, de son parcours et de ce qu’il fait pour les gens de la région. Et puis, je suis évidemment fier de l’ASC, de ce club que j’ai vu en National et qui a réussi à taper trois saisons en Ligue 1 en étant relégué de manière totalement injuste par une vieille chouette qui va bientôt se faire lourder. (Amiens est descendu à la suite de l’arrêt du championnat en 2020, année de la crise du Covid, sur décision de la LFP et de la FFF, NDLR.)

Étais-tu à Reims en 2017, le soir où Emmanuel Bourgaud a envoyé l’ASC pour la première fois en Ligue 1 ? Oui, c’était un moment historique. Quand Reims revient au score, on se dit : « Putain, ils vont pas le faire, ces cons ! » Il y a toujours eu un côté maudit et lose autour du club, même s’il a toujours été entre les mains de gars qui avaient de la thune. On perd une finale de Coupe de France face à Strasbourg (2000-2001, perdue aux tirs au but 5-4, NDLR) avec Teddy Bertin qui nous fait un « fuck » alors qu’il vient de Flixecourt, on a passé notre vie dans le ventre mou de Ligue 2 à perdre chaque année à Niort ou à louper comme en 2004-2005 la montée d’un rien. Donc avec tout ça, le but de Bourgaud, c’était un moment hors du temps. Je ne suis pas descendu sur la pelouse, car j’étais bloqué tout en haut du parcage. Les ultras rémois, qui avaient été infâmes tout le match avec nous, étaient chauds de la bagarre. Certains de chez nous voulaient en découdre, moi j’essayais de les calmer. Je suis plus du genre à aller boire une bière après le match, tranquille.

Quand tu penses aux fans d’Amiens, au stade ou autre dans l’histoire récente, tu penses aux malheureux fans lillois et l’histoire de la barrière qui lâche…

Marvin

Comment est-ce que tu décrirais les fans d’Amiens ? Plutôt respectueux, à chaque fois qu’ils sont dans un stade tout se passe bien. Malheureusement, il y a peu d’images de nous. Quand tu penses aux fans d’Amiens, au stade ou autre dans l’histoire récente, tu penses aux malheureux fans lillois et l’histoire de la barrière qui lâche… Et puis on n’a pas la même histoire que Lens, même si Amiens reste une ville hyperouvrière. Quand tu vas dans le Val de Nièvre, d’où je suis originaire, t’as limite l’impression d’être à Birmingham parfois tellement il y a d’usines.

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Que tu fasses du foot ou de la musique en venant d’Amiens, est-ce qu’on te colle une étiquette ? Au contraire, ça attise la curiosité des gens. Ils retiennent, ça sort de l’ordinaire, car souvent les gens ne savent pas placer Amiens sur la carte de France. Je pense sincèrement que le fait que le club de foot soit monté en première division a aidé. Tu as un club en Ligue 1, le foot est ultra-populaire, les gens s’intéressent plus. Et puis, on a eu Ganso quand même !

Tu en as pensé quoi, de Ganso ?

Des échos que j’ai eus, c’était un super joueur qui n’avait vraiment pas envie d’être là où il était. Il n’était quasiment jamais sur Amiens, il n’était pas impliqué, et le style de Pélissier, basé sur la contre-attaque, ne lui convenait absolument pas. Il en souffrait.

En 2020, vous avez fait une session à la Licorne, dans le cadre d’un tremplin. Comment ça s’est goupillé ? On devait tous choisir un lieu dans le cadre de ce tremplin, j’ai appelé un pote qui bossait au club et on a pu le faire à la Licorne… J’étais juste en face de la tribune nord, où j’allais quand j’étais jeune après avoir avalé un américain. C’était trop d’émotions.

Tu as l’air d’avoir un rapport particulier aux stades. Grave. J’ai un peu le même truc avec les salles de concert : avant d’entrer dans une salle dans laquelle on s’apprête à jouer, je me renseigne sur quel groupe un peu mythique a pu y passer. En tournée, on passe devant tous les stades de foot possibles. Aux Pays-Bas, quand j’ai vu le stade de Groningue, je me suis dit directement : « Putain, Robben a commencé là »… Sinon, après Amiens, mon autre club, c’est le FC Porto, donc je suis allé quelques fois au Dragão. C’est déjà un peu plus glamour, même si tu retrouves dans le nord du Portugal l’esprit bosseur du nord de la France. Comme on dit là-bas : Lisbonne fait la fête et Porto travaille. 

C’est une histoire de famille, le foot ? L’amour de l’Amiens SC, c’est avec mon grand-père que c’est né, c’était notre truc à tous les deux. Mon père, lui, a un passé de footballeur, il a passé des essais dans l’un des plus grands clubs de la région de l’époque, le SC Abbeville, mais il a dû aller à l’usine jeune, car c’était un immigré portugais, il n’avait pas beaucoup d’argent. C’est là qu’il a abandonné ses rêves de football. Il voulait m’appeler Diego parce qu’il était fan de Maradona, mais ma mère, qui n’en a rien à foutre du foot, a décidé de m’appeler Marvin. Le seul journal L’Équipe que j’ai acheté de ma vie, c’était celui lorsque Maradona est mort. Il a ce truc du footballeur rock star, extraverti, un peu badeur au fond car il devait être lucide sur plein de choses.

George Best, c’était le cliché rock’n’roll du foot, mais la disparition de ces profils, c’est lié à l’argent et à tous les enjeux : aujourd’hui, les mecs cachent les bouteilles de Heineken quand ils font une interview.

Marvin

Que reste-t-il de « rock » dans le foot actuel ? Il n’y a même plus de joueurs rocks… Avant, t’avais Gascoigne, Robbie Fowler, des gars avec de l’esprit rock. Nous, on avait Cantona qui s’est très bien exporté. Dans un autre style, Zlatan a un aussi côté rock star, comme Cristiano d’ailleurs. George Best, c’était le cliché rock’n’roll du foot, mais la disparition de ces profils, c’est lié à l’argent et à tous les enjeux : aujourd’hui, les mecs cachent les bouteilles de Heineken quand ils font une interview. Je ne vante pas le mérite des joueurs qui se castagnent ou qui tisent, mais ils dégageaient quelque chose.

Aujourd’hui, les footeux sont plus proches d’une culture hip-hop aussi… Et c’est normal, on vit avec son temps ! Moi, je suis un gamin des années 2000, j’ai grandi avec Placebo et les Strokes à la télé. Je ne dis pas que c’est ouf, mais maintenant ça n’existe plus. Aujourd’hui, t’as plus de rock à la télé. Après, en temps de crise, tu te rends compte de l’importance du rock : en Angleterre t’as eu le Brexit, le mouvement post-punk est revenu en masse avec des groupes comme Idles ou Shame. En France, tu as des crises aussi, donc le rock a sa place : les gens ont des choses à dire. Il ne faut pas résumer l’esprit rock au côté sexe et drogue. Moi, ce n’est plus trop mon délire, je suis plus dans l’engagement politique.

Tu le disais tout à l’heure : tu as suivi un temps le parcours pour devenir pro. Alors, c’est plus dur d’émerger dans le foot ou dans la musique ? Pour avoir connu les deux, le foot c’est vraiment hard-core. Il faut un mental d’acier. J’aurais pu aller jouer à Nice, j’avais fait des stages là-bas, des détections quand j’avais 13 ans, mais impossible de quitter ma famille et mes amis. Ceux qui franchissent le pas à cet âge-là, franchement c’est fort. D’ailleurs, pour l’anecdote, mon cousin me disait que Gautier Lloris et Neal Maupay étaient au même stage que moi. Après vérification, je crois qu’il n’y avait que Dorian Caddy !

Vu de l’extérieur, on a l’impression que le rock et le foot, en France, ne sont pas faits pour se mélanger. Je partage ce constat. En Angleterre, ce n’est pas la même culture du tout. Le rock est omniprésent, et ce qui est populaire se mélange. Regarde Oasis : si je mets mon écharpe d’Amiens sur mon ampli, c’est en grande partie du fait de leur lien si fort avec City, car je les écoutais beaucoup et ça m’a fasciné. Tu vois bien que ce n’est pas incompatible. Après, tu peux avoir le tort inverse dans la musique : des gars qui vont te dire que les footballeurs sont des idiots qui courent derrière un ballon. Ils ne connaissent pas, ils ne voient pas au-delà, mais parfois je comprends : des fois, le foot aujourd’hui, c’est dégueulasse sous bien des aspects.

<em>©Titouan Massé, Art Rock Festival</em>
©Titouan Massé, Art Rock Festival

Lesquels ? Au foot, j’étais le seul dans mon genre et j’en ai un peu souffert. J’ai arrêté à cause de ça, tout le monde se foutait de ma gueule parce que je me faisais des mèches rouges ou des coupes mulets, j’avais les cheveux longs parfois… J’ai un peu arrêté à cause de cette mentalité, de cette espèce d’homophobie. Même si je ne suis pas gay, ça me débectait.

Et pourtant, tu continues à trimbaler ton écharpe d’Amiens sur scène… Oui, parce que ça apporte ce que j’aime le plus sur scène : l’échange. J’ai pas mal de fans de foot qui viennent, qui disent des conneries genre « Allez Amiens » ou « Amiens c’est nul ». Une fois, on m’a donné une écharpe de Nîmes… C’était cool !

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