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Sergio Ruiz : « Iniesta m’aide à vaincre la dépression »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix
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Sergio Ruiz porte le patronyme parfait pour se fondre incognito dans le moule espagnol. Pourtant, ce footballeur professionnel de 27 ans a su faire sortir la petite voix trottant dans sa tête. Prêté par le Charlotte FC à l’UD Las Palmas, le footballeur a mis un terme à son expérience aux Canaries pour prendre soin de sa santé mentale. Partiellement remis de sa dépression, le joueur a accepté de se livrer sur un sujet bien trop tabou dans le milieu du football.

Bonjour Sergio. Cela peut paraître anodin comme première question, mais comment vas-tu aujourd’hui ? Ça va mieux ! Je travaille de manière régulière avec une psychologue pour que mon traitement suive son cours. Si on me compare à l’état dans lequel j’étais il y a deux ou trois mois, cela n’a plus rien à voir. Cela dit, je suis encore en phase de réadaptation pour parvenir à régler ce problème et tenter d’oublier ce mauvais passage, parce qu’il faut appeler un chat un chat. Petit à petit, les choses s’améliorent, mais cela nécessite du temps, le chemin n’est pas encore terminé.

Tu es déjà rentré aux États-Unis ? Non, je suis encore en Espagne, à Santander. Je suis originaire de Cantabrie, c’est ma région natale. Je suis chez mes parents, je vois mes amis proches… C’est une chance de les avoir à mes côtés en ce moment, donc j’en profite. Mais dans le même temps, je commence à ressentir cette envie de rejouer au football. J’aimerais bien reprendre ma routine habituelle : le vestiaire, les entraînements, les matchs. Cela ne devrait pas trop tarder, en tout cas je l’espère !

Tout a commencé quand j’ai été testé positif à la Covid en août dernier. J’étais à Las Palmas depuis une année, mais ce virus m’a obligé à rester chez moi et loin des autres pendant deux semaines. Je me suis senti seul et isolé, toute ma routine s’est arrêtée.

Comment est-ce que cette maladie est arrivée dans ta vie ? Tout a commencé quand j’ai été testé positif à la Covid en août dernier. J’étais à Las Palmas depuis une année déjà, mais ce virus m’a obligé à rester chez moi et loin des autres pendant deux semaines. Je me suis senti seul et isolé, toute ma routine s’est arrêtée. Derrière, je ne me sentais pas tout à fait prêt physiquement et j’avais comme une espèce de manque de forme généralisé. À partir de là, j’ai progressivement ressenti une grosse anxiété, je ne savais pas vraiment ce qu’il se passait dans ma tête. Je me sentais mal, j’étais stressé. En vérité, je cogitais trop, mes pensées devenaient négatives. Cela s’est traduit par des crises d’insomnie, des angoisses répétées. Là, j’ai senti que c’était mieux d’en parler au sein du club parce que je n’y arrivais plus.

Ce mal-être était-il uniquement lié à ton métier ou aussi à ta vie privée ? Disons que c’était une accumulation de choses. J’ai attrapé le virus et dans le même temps j’ai appris que ma femme était tombée enceinte. C’était une préoccupation supplémentaire importante, car j’avais compris que l’accouchement n’allait pas se faire en Espagne, mais aux États-Unis (après un prêt initial de 18 mois à Las Palmas, NDLR). Il y avait une tonne de paperasse à remplir, toute cette bureaucratie était usante. Je devais gérer ma santé, mais aussi le futur, j’étais trop dans l’après et pas assez dans le présent. Si tu ne prends pas en compte que tu te sens mal, cela s’amplifie jour après jour. Ce n’est pas une fatigue classique et si tu ne fais pas appel à quelqu’un, tu ne peux pas comprendre par toi-même qu’il s’agit d’un état dépressif. Quand j’ai fait appel au médecin, j’ai compris que la reprise en main allait être longue.

Je ne me sentais plus moi-même, j’étais une autre personne. En fait, c’était comme si je voyais mon corps, mais que je n’avais plus la possession de mon esprit.

Comment cette dépression se traduisait physiquement ? Je ressentais beaucoup de fatigue, des maux d’estomac, des pertes de sommeil, des angoisses répétitives, la perte d’appétit… Quand tu es footballeur professionnel et que tu commences à te dire que t’entraîner devient une contrainte, c’est signe d’un réel problème. Je ne me sentais plus moi-même, j’étais une autre personne. En fait, c’était comme si je voyais mon corps, mais que je n’avais plus la possession de mon esprit. C’est compliqué de décrire tout ce qu’il se passe dans la tête à ce moment-là, mais toutes ces émotions finissent par te hanter et jouent fortement sur la santé.
Les symptômes de la dépression, s’ils ne sont pas soignés, peuvent pousser au suicide. Cela s’est déjà vu dans le monde du football avec Robert Enke ou Gary Speed. Est-ce que tu as eu des pensées noires durant cette période difficile ? Non, ce n’est pas allé jusqu’à cette extrémité. Tant mieux ! J’avais simplement beaucoup d’inquiétude sur mon état mental en rapport avec mes performances sur le terrain. Je n’étais plus dans le coup.

Est-ce que tu considères qu’il est plus difficile pour un footballeur professionnel de se plaindre de sa santé mentale par rapport à une personne avec un travail plus classique ? De nos jours, l’anxiété et la dépression sont des états psychologiques fréquents au cœur de la société dans laquelle nous vivons. C’est malheureux, mais c’est la vérité. Les gens en souffrent de différentes manières, mais ils ne préfèrent ne pas en parler pour éviter d’être jugés par les autres. C’est la peur d’être incompris, d’être perçu comme une personne faible. Mais si on dépasse cette peur, on se rend compte qu’il est parfaitement possible de soigner ce mal-être, ce n’est qu’un problème de plus à résoudre dans sa vie, et cela ne peut être que temporaire. Ce qui rend la dépression impossible à vaincre, c’est de ne pas l’assumer et de rester dans le déni. Pour le footballeur, cela peut devenir plus difficile à admettre, car nous sommes perçus comme des privilégiés. En plus de cela, nous vivons dans un monde ultra compétitif où la moindre baisse de régime ne pardonne pas. Quand tu reviens sur les terrains après une absence, tu as envie d’être à fond tout de suite, sauf que ce n’est pas aussi simple. Nous restons des êtres humains. Personnellement, je n’ai ressenti aucune appréhension à le dévoiler parce que mon souhait principal, c’est de me sentir bien à nouveau.

Est-ce que l’envie de connaître autre chose que footballeur professionnel t’est passée par la tête ou gardes-tu encore le plaisir de faire ce travail ? J’aime toujours le football et je souhaite continuer ma carrière dans ce domaine, cela ne fait aucun doute. Si j’ai souhaité arrêter avec Las Palmas, c’est parce que j’étais conscient que je n’étais plus capable à cet instant précis de jouer au niveau que j’avais habituellement. J’aime profiter de ce que je fais, j’aime me sentir important à l’équipe. Pour la fin d’année 2021, j’avais besoin de couper.

Quand je vois des sportifs comme Simone Biles, Naomi Osaka ou Andrés Iniesta expliquer qu’ils traversent, ou ont traversé, une période compliquée sur le plan mental, cela donne de l’espoir pour les prochaines années.

En 2015, une étude de la FIFPro a révélé que 38% des joueurs étaient touchés par des syndromes d’anxiété ou de dépression. Est-ce que tu as eu l’occasion de rencontrer dans ta carrière des personnes qui ont subi elles aussi les mêmes choses que toi ? Oui, cela m’est parfois arrivé entre coéquipiers de vestiaire. Ce sont des choses que l’on se dit entre nous, mais ça ne sort pas forcément de façon publique, car le sujet reste tabou. Cela dit, j’ai l’impression que la problématique de la santé mentale est en train d’émerger. Quand je vois des sportifs comme Simone Biles, Naomi Osaka ou Andrés Iniesta expliquer qu’ils traversent, ou ont traversé, une période compliquée sur le plan mental, cela donne de l’espoir pour les prochaines années. En tant que footballeur, c’est rassurant de savoir que cela peut arriver à un grand champion comme Iniesta, cela normalise ce phénomène. Cela m’aide à vaincre la dépression.

Aujourd’hui, de nombreux joueurs tombent dans la spirale de réseaux sociaux avec des commentaires parfois insultants, des moqueries. Est-ce que tu as déjà été touché par cette violence gratuite ?Je ne suis pas beaucoup porté sur les réseaux sociaux. Dernièrement, je crois avoir laissé un bon souvenir aux supporters de Las Palmas, car ma première saison était plutôt réussie sur le plan individuel. Je ne regarde pas les commentaires. De ce côté-là, je ne me considère pas comme une cible potentielle.

Avec ton expérience, quel regard portes-tu sur le traitement de la santé mentale dans le football moderne ?J’assimile le traitement de la santé mentale dans le football à celui dans notre société contemporaine. Aujourd’hui, nous prêtons beaucoup plus d’attention à la santé physique qu’à l’aspect psychologique. Si tu n’es pas aidé mentalement et que tu continues à faire l’autruche coûte que coûte, tu finis par le payer cher. J’espère sincèrement que cette thématique va poursuivre une amélioration à l’échelle mondiale et que cela va bientôt faire partie de la norme.

Tu vas rejoindre les États-Unis dans moins d’une semaine. Penses-tu que les problèmes de santé mentale sont mieux gérés là-bas qu’en Europe ? Oui, il y a une meilleure gestion de la santé psychologique des athlètes. Les infrastructures sont plus développées avec un meilleur suivi de la personne. La parole est aussi plus ouverte sur ce sujet-là. D’une certaine manière, cela me rassure pour mon avenir. En Europe, il y a du retard à rattraper par rapport à cela. Que font les sportifs au moment de dévoiler leur problème mental ? Et qui est là pour vraiment les aider ? Beaucoup restent silencieux ou agissent dans l’anonymat. Sans en parler, c’est forcément plus compliqué.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Antoine Donnarieix

Photos : UD Las Palmas.

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