Ronaldo, Jésus ou Judas ?
Barça, Real, Milan, Inter, et maintenant Flamengo et Corinthians. Au cours de sa carrière, Ronaldo aura trahi tous ses clubs, les uns après les autres. Mais peut-on lui en vouloir ?
Un peu gros, un peu gêné, un peu « rien à foutre » , Ronaldo a donc posé devant les photographes avec le maillot des Corinthians de Sao Paulo sur le dos quelques jours avant Noël. En s’excusant à peine de la colère qu’il a pu susciter chez les fans de Flamengo, son club de toujours, qui l’avait remis sur pied après sa blessure contractée en Italie, et qu’il a fui sans un regard pour le puissant de la ville rivale. « Ce contrat est la lumière au bout du tunnel. Et même si je suis ouvertement fan de Flamengo, je dois aussi continuer à payer mon pain quotidien » , s’est-il justifié du bout des lèvres.
Peut-on leur en vouloir ? Les fans du club de Rio ont pris cette déclaration comme une provocation. Et réagi à la mesure de leur déception : mouvements de foule, titres vengeurs en une de la presse, autodafés des maillots et des photos de l’ancienne idole, rancœur des dirigeants – « On n’a même pas eu un merci » , s’est lamenté Marcio Braga, le président de Flamengo.
Ronaldo est un traitre, c’est entendu. « Traître phénoménal » , même, selon Lance, un quotidien sportif de Rio de Janeiro. « Judas » , ont titré d’autres. Mais à quoi s’attendaient donc les Brésiliens ? En Europe, cela fait longtemps que les fans de ballon ont compris la bête. Un type capable en 10 ans de porter les maillots du Barça et du Real, du Milan et de l’Inter, quand même, c’est pas rien. Parfois, on aimerait demander à Guardiola, Raul, Maldini ou Zanetti ce qu’ils ont pensé de Ronaldo : ça ne doit pas être très beau à entendre. Surtout que l’animal a une façon bien particulière de passer d’un club à l’autre.
Rappelez-vous de son départ de l’Inter pour le Real. Après avoir laissé le Barça pour une substantielle augmentation de salaire en Italie, Il Fenomeno se blesse tragiquement. Une fois, deux fois. On croit qu’il est perdu pour le football. Mais la famille Moratti dépense sans compter pour le soigner, tout en lui assurant qu’il y aura toujours une place pour lui à la maison. Pourtant, quand Ronaldo guérit et flambe au Mondial 2002 (8 buts et une coupe de con), il s’empresse de signer au Real des Galactiques. Moratti est effondré, les tifosi en colère. L’évacuation de Ronaldo vers l’Espagne se fera sous escorte, dans une sorte de papamobile canardée de pierres, yaourts et crachats. Une fois encore, difficile d’en vouloir aux cocus.
Il y a quelque chose de vain, pourtant, à exiger toute espèce de fidélité de la part de Ronaldo. Au fond, le Brésilien a peu de choses à voir avec Fiorese (PSG-Marseille), Mo Johnston (Celtic-Rangers) ou Sol Campbell (Tottenham-Arsenal), ces coupables d’adultères minables et honteux. Ses pairs se nomment plutôt Roberto Baggio ou Romario. C’est-à-dire ? C’est-à-dire des joueurs pour qui la notion de club, de ville, et donc de territoire est quelque chose d’un peu trop restreint, sinon terrien. Dans l’absolu, ces gens sont des footballeurs de sélection. Difficiles à identifier à un maillot en particulier, sauf celui de leur pays. Et encore : leur vrai truc, au fond, c’est le football, pas la bannière. Evidemment, ces prophètes sont les plus grands. Qu’on laisse donc Ronaldo jouer à Ronaldo.
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