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RC Lens : c’est reparti pour une saison de répression ?

Par Youri Hermano
RC Lens : c’est reparti pour une saison de répression ?

Jamais deux sans trois. Déjà interdits de se déplacer en Moselle depuis deux saisons, les fans Sang et Or devront regarder le premier match de leurs favoris à Metz devant la télévision. La préfecture de Moselle a pris un arrêté qui a fait couler beaucoup d'encre cette semaine.

Retrouvailles avec un stade Bollaert flambant neuf après une saison d’exil à Amiens, apaisement (temporaire ?) en coulisses, et maintien à son poste d’Antoine Kombouaré. Il n’en fallait pas plus pour que le peuple Sang et Or ne se rue sur les abonnements – déjà 12 500 – avant la reprise du championnat. Malgré la L2 et une troisième rétrogradation en six ans. Autre preuve que cette nouvelle saison suscite un réel engouement dans l’Artois, entre 600 et un millier de supporters lensois devaient se rendre à Metz ce samedi pour l’ouverture de la compétition. Mais comme depuis deux ans, un arrêté préfectoral les en interdit. Jamais deux sans trois dit-on. Ce dernier est tombé mardi 28 juillet : « Toute personne se prévalant de la qualité de supporter du RC Lens ou se comportant comme tel » se verra « interdire d’accéder au stade Saint-Symphorien et de circuler ou de stationner sur la voie publique dans un périmètre délimité » . Le stade, la gare et les bars de supporters messins sont concernés, indique encore cet arrêté de la préfecture de Moselle. Tout supporter artésien qui souhaiterait braver cette interdiction devra donc se montrer malin et la jouer « casual » . Car, dans ce cas de figure, rien n’est laissé au hasard par les forces de l’ordre présentes. Et c’est un comble, mais ce samedi, elles seront en nombre « conséquent » , ajoute la préfecture de Moselle. Contrôles d’identité, repérage de plaques d’immatriculation, et même vérification des fonds d’écran de téléphones portables racontent ceux qui, par le passé, ont déjà tenté le coup du déplacement non autorisé.

Pas la bienvenue en Lorraine, les Ch’tis !

Il y en aura encore, des téméraires, ce samedi à Saint-Symphorien, assure Pierre Revillon, membre actif des Red Tigers : « Officiellement, aucun groupe n’appelle ses membres à se déplacer malgré l’arrêté. Mais il y a des supporters, ultras ou non, qui ont posé des congés, acheté leur billet, prévu leur transport ou réservé un hôtel… Il suffit d’ailleurs de parcourir les réseaux sociaux pour s’en apercevoir. Certains utiliseront tous les stratagèmes possibles pour assister au match. » Et parfois, ça marche. La saison passée, les fans artésiens s’étaient vus interdire par arrêtés préfectoraux les déplacements à Bastia, Paris, Metz, Montpellier et Bordeaux. Rien que ça. Lors de ces deux derniers, une centaine de supporters lensois avait réussi à assister aux matchs de son équipe grâce à la complicité des ultras locaux. « Cela prouve bien que nous ne sommes pas des bêtes sauvages, que l’on sait se montrer intelligents et s’entendre » , argumente Pierre, qui est aussi président de l’Association nationale des supporters (ANS) qui regroupe une vingtaine de groupes ultras en France.

En revanche, à Metz, ce samedi, les Lensois ne devraient pas recevoir l’aide de leurs homologues grenats. « La rivalité existe, il ne faut pas se mentir, confie Pierre Revillon, mais elle n’est pas bien méchante, elle est surtout sportive avec le titre de 1998 et la Coupe de la Ligue l’année suivante. Ces rivalités font partie de la culture du foot depuis des décennies. » Sauf que c’est sur cet antagonisme latent que la préfecture s’est basée pour expliquer les motifs de son arrêté via un communiqué publié mercredi face au tollé suscité : « De graves incidents ont eu lieu par le passé lors des rencontres opposant le FC Metz et le RC Lens. Pour éviter ce genre d’incidents, il était jusqu’à présent possible de faire accéder les supporters lensois à l’entrée visiteurs du stade par le pont des Bateliers. Or, en raison de travaux actuellement en cours sur ce pont, les supporters lensois ne peuvent y accéder sans être en contact avec les supporters messins, ce qui risque de donner lieu à des troubles importants de l’ordre public. […] Par ailleurs, et afin d’assurer la sécurité de tous, un dispositif policier conséquent sera déployé aux abords du stade Saint-Symphorien et il sera interdit, dans le périmètre mentionné précédemment, de transporter et d’utiliser tous pétards ou fumigènes et tout objet pouvant être utilisé comme projectile. » Même un solex ?

« Une solution de facilité » pour les autorités

De graves incidents ? « Faux » , s’exclame le responsable des Red Tigers. « Il n’y a eu qu’un problème il y a trois ans, jure-t-il, on a voulu descendre du bus pour aller dans un bar où il n’y avait pas de supporters messins. Les CRS nous en ont empêchés et ont utilisé du gaz lacrymogène pour nous calmer et nous faire remonter dans le car. Une vitre a été brisée par un CRS avec son tonfa. Rien de plus. » Lui voit plutôt dans ces motifs invoqués par la préfecture une « solution de facilité » pour se débarrasser de la gestion d’un déplacement de supporters de football : « Les autorités ne veulent plus s’embêter à gérer les supporters de football. Au moindre souci, il y a des interdictions. Elles invoquent des débordements sans gravité et même des actes isolés. Pour Bastia-Lens, l’an dernier, on nous a interdit le déplacement pour des faits remontant en 1972 et, qui plus est, à Lens. Tous les prétextes sont bons pour les interdictions. Et tant que ça fonctionne, qu’aucun politique ne l’ouvre sur ce sujet, les préfectures se frottent les mains et ça continuera de plus belle. » Deux chiffres, éloquents, sont d’ailleurs soulignés par la voix des Red Tigers et de l’ANS : trois interdictions de déplacement par arrêtés préfectoraux en 2011 contre 39 lors de la dernière saison. « On a déjà des échos comme quoi Nancy, Nîmes et Le Havre nous seraient également interdits cette saison » , avance Pierre Revillon. Alors, comme pour Bastia l’an passé, les Red Tigers ont tenté de faire suspendre cet arrêté devant un tribunal administratif, de Strasbourg cette fois. Là encore en vain. Le recours en urgence déposé par l’avocat de l’ANS, Maître Pierre Barthélemy, avec un dossier de vingt pages sous le coude, n’a pas porté ses fruits. Vendredi, on apprenait qu’il était rejeté.

« Dois-je rappeler que notre public a toujours été loué pour ses qualités festives ? »

Pas surprenant pour l’avocat parisien qui défend également les pestiférés du Parc des Princes : « Le juge estime, comme dans les cas précédents, qu’il n’y a pas urgence à se prononcer sur la légalité de l’arrêté, explique-t-il. Il estime en gros que l’on ne démontre pas que ce que dit le préfet dans son arrêté est faux, notamment concernant les antagonismes et les incidents antérieurs. » Et pourtant, la défense des Red Tigers pensait détenir des documents qui feraient mouche. Notamment ces deux attestations sur l’honneur, des RT coté lensois et de la Horda Frénétik coté messin, stipulant qu’aucun problème n’existe entre eux et qu’ils collaborent ensemble à travers l’ANS. Pas suffisant. Ou encore ce communiqué de Gervais Martel à qui les ultras lensois avaient demandé, la semaine dernière au cours d’une réunion, de monter au créneau et de les soutenir contre ces interdictions à répétition.

Le président lensois ne s’est pas débiné, et a exprimé sa « plus grande incompréhension » concernant cet arrêté du préfet de la Moselle. « Dois-je rappeler que notre public a toujours été loué pour son fair-play et ses qualités festives ? » , interroge-t-il, avant d’asséner : « En voulant ainsi lutter contre les agissements de quelques individus n’ayant, bien souvent, aucun lien avec nos associations, c’est l’ensemble de nos supporters, pourtant reconnus parmi les meilleurs de France, que l’on pénalise. » Et le big boss sang et or d’avertir les autorités : « Un nombre non négligeable de supporters a sans doute déjà acheté ses places directement auprès du FC Metz, ce qui pourrait avoir pour conséquences de les disséminer dans toute l’enceinte, et donc au sein de zones relevant de la responsabilité du club recevant, induisant l’effet inverse de celui recherché. » Raison pour laquelle Gervais a demandé « avec insistance le retrait de cet arrêté afin que {nos} supporters puissent assister à cette rencontre, au sein de la tribune qui leur est normalement dévolue. » Mais selon Maître Barthélemy, le juge a opté pour « la solution de facilité » en estimant « que le recours n’est pas suffisamment important pour qu’il y ait urgence à se prononcer » .

Une loi « difficile à contrer » pour les avocats des supporters

L’avocat des supporters de football, lui-même ancien abonné du Parc des Princes, estime que la loi sur la sécurité intérieure Loppsi 2, adoptée en février 2011, « a été créée dans l’urgence et votée sans débat au parlement » . Son objectif : compléter l’arsenal répressif à l’encontre des fans de football. Et ce suite à la mort du Parisien Yann Lorence en mars 2010. « Il est très difficile de s’opposer à cette loi devant la justice, avoue Me Barthélemy,la seule solution serait qu’il y ait un nouveau projet de loi afin de poser un véritable cadre d’application de ces mesures d’interdiction qui visent les supporters de football. » D’ici là, le magistrat parisien continuera à défendre « la liberté » des ultras du football : « Je travaille aux cotés d’une vingtaine de groupes en France, poursuit-il. Je le fais autant parce que j’aime le football et les ambiances de stade, et je ne veux pas qu’il soit coupé de sa ferveur populaire. Que pour montrer que les supporters ne sont pas tous des abrutis et des violents. Et aussi pour m’opposer à l’extrême lâcheté dont font preuve les autorités vis-à-vis des fans de football. Certains, comme les préfets, prennent une telle liberté avec la loi que ça m’exaspère. Qu’ils le fassent pour des raisons idéologiques, car ils n’aiment pas le football et ses supporters, ou par facilité pour se débarrasser de la gestion de certaines manifestations sportives, peu importe, mais il faut s’y opposer. »

Du coté des Red Tigers, on déplore donc ce rejet du recours « sans même une audience » . « Supporters pas criminels » , écrivaient-ils sur leur page Facebook hier. Pierre Revillon refuse la fatalité : « On va continuer à se battre pour notre liberté, assure-t-il. S’il le faut, on passera à la vitesse supérieure. Cela devient le combat de tous les supporters de foot et pas que de certains groupes ultras. Avec leurs interdictions en pagaille à quelques jours des matchs, ils sont en train de blaser tous les bénévoles qui sont très actifs dans les associations pour organiser des déplacements encadrés avec un grand sens des responsabilités. S’ils continuent cette répression, ce sera bientôt l’anarchie dans les tribunes de France, avec des supporters adverses dans toutes les tribunes, et des déplacements en train, en voiture, non encadrés. Ils font tout ce qu’il ne faut pas faire. » Et le président de l’ANS de s’interroger : « Comment les autorités peuvent-elles ne pas être capables de gérer le déplacement de 600 supporters lensois à Metz ? C’est flippant à dix mois de l’Euro 2016 qui va voir débarquer en France des milliers, sinon des millions de supporters de toute l’Europe. »

« La démission des pouvoirs publics »

Pierre Barthélemy ne dit pas autre chose : « C’est la démission des pouvoirs publics. On se débarrasse du problème, on ne veut pas avoir de travail. En juin, ils feront quoi pour un Angleterre-Croatie ou un Angleterre-Serbie ? » Pierre Revillon a déjà rencontré des élus pour évoquer le problème. Il s’est notamment entretenu avec le directeur de cabinet du secrétaire d’État aux Sports, Thierry Braillard : « Il a reconnu qu’il y avait beaucoup trop de répression et pas assez de travail en amont, avec les supporters, pour tenter de régler les différents problèmes. » À la rentrée, Pierre devrait rencontrer Marie-George Buffet. « C’est quand on s’ouvre au dialogue et à la concertation que les instances se ferment, déplore le président de l’ANS. On veut discuter avec elles pour trouver des solutions. Nous ne sommes pas bornés. On a créé une association dans cette optique-là. On veut juste pouvoir vivre notre passion normalement. J’espère que des politiques vont nous y aider. »

Lui comme des centaines de supporters lensois espéraient pouvoir regarder le match sur un écran géant installé sur le parking du stade Bollaert-Delelis. Les Red Tigers en ont fait la demande au club qui, lui, a mis le dossier entre les mains de la mairie. Mais le délai « était un peu court » , reconnaît Pierre. Les joueurs, quant à eux, devraient arborer cet après-midi un T-shirt symbolique pour leurs fans restés à la maison. Une autre demande émise par le groupe ultra Sang et Or afin de digérer la pilule, forcément amère. Les retrouvailles entre les hommes de Kombouaré et leur public ne se feront donc que le 8 août, à domicile, contre le Red Star.

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