- C1
- J4
- Manchester City-Dortmund
Rayan Cherki : plus léger donc plus fort ?
Rayan Cherki vient de boucler une semaine de gala pour lancer enfin son aventure mancunienne. Buteur et passeur en Cup, double passeur en Premier League, l’ancien Lyonnais commence à justifier les 40 millions investis. Allégé de deux kilos après sa convalescence, il affiche une nouvelle silhouette. Mais perdre du poids rend-il vraiment meilleur ?
À Manchester, on sait que Pep Guardiola ne laisse rien au hasard, surtout pas un pourcentage de masse grasse. Depuis des années, il fixe à chacun de ses joueurs un « poids de forme » à atteindre dès la reprise. Et visiblement, Rayan n’y a pas échappé. Une intersaison écourtée par la Coupe du monde des clubs ne lui avait pas permis de se transformer. C’est finalement sa blessure qui lui a permis de rentrer dans le moule, plus affûté que jamais.
Une masse grasse trop élevée, c’est une charge inutile à déplacer, donc une perte de vitesse, une fatigue plus rapide.
Un principe que Flavien Guais, préparateur physique auprès des rugbymen du Racing 92, résume clairement : « La composition corporelle joue un rôle central dans la performance. Une masse grasse trop élevée, c’est une charge inutile à déplacer, donc une perte de vitesse, une fatigue plus rapide. En revanche, quand tu allèges cette masse tout en maintenant la musculature, tu optimises le corps de l’athlète et son rapport poids-puissance. »
Un corps ajusté, pas raboté
Dans le cas de Rayan Cherki, la perte de poids n’a rien d’un régime miracle. On parle ici d’un remodelage : deux kilos de moins, certes, mais surtout une répartition différente, plus de muscle utile, moins de gras. « On voit un changement visible à l’œil, mais surtout une amélioration du rendement moteur, continue Flavien Guais. Le joueur se sentira plus léger, plus explosif, plus confiant. Et cette confiance, elle se verra tout de suite dans les prises d’initiatives. » Le gain est autant physiologique que psychologique, mieux dans son corps, mieux dans sa tête, mieux dans son jeu. Le docteur Faïza Bossy, médecin et nutritionniste à Paris, complète : « Une alimentation équilibrée stabilise la glycémie, et donc la concentration et le calme émotionnel. Les omégas 3, le fer, le magnésium ou la vitamine D participent directement à l’humeur et à la confiance. Se sentir énergique, c’est déjà se sentir performant. »
Cet ajustement, plusieurs joueurs de Pep Guardiola ont dû le subir avant lui. Yaya Touré, Kevin De Bruyne et Samir Nasri ont tous dû enchaîner les tours de terrain pour perdre ces fameux kilos en trop. Dans certains cas, c’est pénible, mais diablement efficace. Nasri se souviendra longtemps de la première préparation vécue sous les ordres du coach catalan. « Je suis arrivé à la présaison à 80 kg. Il m’avait fixé un poids de forme à 76. Et je suis arrivé au poids qu’il m’avait demandé, et il n’a pas tort, racontait l’ancien Marseillais dans le podcast de Zack Nani. La tête de ma mère, je volais à l’entraînement. »

Vouloir aller trop vite, c’est comme doubler dans un virage. Tu peux le faire, jusqu’au moment où tu sors de route.
Mais à ce petit jeu de l’optimisation permanente, la pente peut vite devenir glissante. Car si perdre du gras peut rendre plus vif, en perdre trop finit par casser la machine. « Descendre trop bas en masse grasse perturbe le système hormonal et augmente le risque de blessure », prévient Guais. Et la docteure Bossy d’enfoncer le clou : « Vouloir aller trop vite, c’est comme doubler dans un virage. Tu peux le faire, jusqu’au moment où tu sors de route. Un déficit trop brutal provoque fatigue, perte musculaire, baisse d’immunité et chute de performance. »
La cycliste Pauline Ferrand-Prévot en est un exemple extrême. En quête de légèreté absolue pour grimper plus vite et remporter son premier Tour de France, ce qu’elle a fait en écrasant la concurrence, elle avait perdu plusieurs kilos au détriment de son équilibre hormonal et de sa santé. Pour Flavien Guais, tenir dans la durée avec un tel physique est impossible pour un sportif de haut niveau : « Maintenir une “shape” aussi basse sur la durée est irréaliste, d’abord d’un point de vue psychologique. Les efforts nutritionnels constants, le déficit calorique permanent, la fatigue liée au stress… tout cela mène à la blessure. Pour le footballeur, c’est pareil : Cherki est descendu à un niveau très optimisé. Mais il faut se demander si ce qu’il construit est tenable sur la durée, ou si ce n’est pas trop bas et donc risqué. » Parce que le risque est de verser dans l’extrême ?
La tentation du moule CR7
Le football oscille souvent entre le fit et le fort. Et dans un monde dominé par les images, la dérive esthétique peut guetter. « Le modèle Cristiano Ronaldo a façonné toute une génération. À 40 ans, il affiche un corps sculpté, presque irréel, note Flavien Guais. Certains joueurs pensent qu’il faut lui ressembler pour être bons, mais c’est un raccourci dangereux. Chaque morphologie a sa vérité. Forcer un joueur à entrer dans un moule qui n’est pas le sien, c’est le dénaturer. » Cette confusion entre performance et apparence ne date pas d’hier. Dans le sprint aussi, on a longtemps cherché à calquer les physiques dominants. Avec par exemple le cas de Christophe Lemaître qu’on a voulu transformer en sprinteur plus massif, plus au « standard » de l’époque. Résultat : des blessures à répétition et une perte de naturel.
C’est une science humaine. Si le joueur gagne, c’est qu’on a eu raison. S’il se blesse, c’est qu’on a eu tort.
Ce dilemme illustre une question éternelle : faut-il renforcer les faiblesses ou accentuer les forces ? « C’est notre débat quotidien, continue le prépa dans l’ovalie. Soit tu cherches à équilibrer un athlète en comblant ses lacunes, quitte à lisser sa spécificité. Soit tu assumes ce qui fait sa force, même si ça crée un déséquilibre. » Le problème, c’est que le sport d’élite cherchera toujours un coupable en cas d’échec. « C’est une science humaine. Si le joueur gagne, c’est qu’on a eu raison. S’il se blesse, c’est qu’on a eu tort. La victoire ou la blessure deviennent nos baromètres de vérité. Et dans le cas où Cherki se blesserait, la difficulté, c’est toujours de savoir ce qui en est la cause. Quand il y a des enjeux économiques ou sportifs derrière, tout le monde cherche un coupable : les préparateurs ont-ils poussé trop vite ? Ont-ils voulu dénaturer l’athlète ? Ou est-ce lié à son hygiène de vie, son sommeil, ou simplement à un accident ? », souffle le préparateur. Mais pour l’instant, tout fonctionne : Cherki sourit, Guardiola aussi, Manchester jubile. Le foot a toujours voulu fabriquer des machines à gagner. Rayan, lui, essaie juste de redevenir un artiste un peu plus léger. Tant mieux si ça lui permet de briller. Tant pis si, à force de courir après la perfection, on oublie que le foot se joue aussi avec des kilos d’instinct.
Haaland et City terrorisent BournemouthPar Sacha François
Propos recueillis par SF sauf mentions.

























